Coronavirus : confinement jour 3 dans les monts d'Or

À une vingtaine de minutes de Lyon, les habitants des monts d'Or vivent le confinement autrement qu'en ville.

"Glenarvan eût préféré voyager en rase campagne. Une plaine est moins propice aux embûches et guet-apens qu'un bois épais." N'en déplaise à Jules Verne et "Les Enfants du Capitaine Grant", les habitants des monts d'Or aiment les bois épais.

En ces temps de coronavirus qui décanille aussi vite que les chevreuils et sangliers des hauts de Lyon, les Saints-cyrôts, Désidériens, Limonois et Collongeards éprouvent le confinement avec insouciance. Non pas dans son sens premier, qui ne s'en soucie pas, mais dans son acceptation de légèreté et de détachement immanents de la campagne, à l'écart des villes, loin des îlots de contagion urbain.

Que la campagne est belle ! Les habitants des mont d'Or le savent par coeur. En temps de crise sanitaire, ils en sont encore un peu plus conscients. "D'ici, on vit un peu en décalage. On est certes assignés à résidence mais les choses sont tellement plus acceptables et vivables qu'en ville, du moins ce qu'on imagine être en ville, dans un appartement de 70 m2" relate Bernard, habitant Limonest. "Les enfants sortent jouer dans le jardin ma femme et moi travaillons sur la terrasse, poursuit Alexandre, à Collonges. On se sent moins étouffé, physiquement et psychologiquement ".

"Coronavirusland"

Les mesures de confinement imposées par le gouvernement ne sont pas vécues de la même façon dans les campagnes qu'en ville. C'est une évidence. Pour autant, comme le répète à l'envi le directeur général de la santé, "le virus n’est pas dans la rue ni aux terrasses, (il) est véhiculé par les gens qui se déplacent". Les consignes sanitaires sont donc suivies à la lettre : aucun rassemblement, si ce n'est celui de la cellule familiale, gestes barrières, distanciation sociale respectée. "Ici, c'est coronavirusland !" rigolent deux pré- ados sur leur skate, masque vert sur le visage, gants noir aux mains et check du coude de rigueur. La rhétorique de crise est bien apprise. Il faut dire que dans des environnements moins denses, il est assurément plus aisé de s'aérer en respectant les consignes de sécurité.

La vie de village, centrée autour de l'édifice église, symbolique et culturel, semble, comme partout ailleurs, arrêtée, à tout le moins ralentie. Les grandes places, habituellement lieux de sociabilité fréquentés, font désormais office de toundras dépeuplés. Pourtant, le commerce marche. À Saint-Didier, à en croire son gérant, le Casino n'a jamais aussi bien travaillé. "Le premier jour après l'annonce d'Emmanuel Macron, on a enregistré un chiffre d'affaires douze fois supérieur à ce qu'on fait habituellement. Les gens ont beaucoup acheté. Depuis, ça s'est calmé mais on travaille bien."

"L'impression d'être loin du virus"

Quelques kilomètres plus loin, à Saint-Cyr, l'ambiance est plus tranquille. Un cycliste sur un banc fait une pause sandwich après la longue montée jusqu'au village, deux chauffeurs TCL discutent, leur bus à l'arrêt en attente de voyageurs, trois "étrangers" à Saint-Didier, se prennent en photo devant le panorama époustouflant sur Lyon.

Lyon qui semble si loin. "Ça va vous paraître un peu idiot ce que je dis, mais on a l'impression, ici, d'être loin du virus" explique Stéphane, venu de l'île Barbe, "prendre l'air". Pourtant, l'histoire rappelle que c'est bien un petit village au sud de Milan, à Codogno, qui est considéré comme le foyer de l'épidémie en Lombardie (Italie).

Direction le mont Thou. Les coureurs sont nombreux. Sportifs expérimentés ou moins aguerris qui profitent, pourrait-on croire, de leur chômage partiel. Quant aux cyclistes, qui d'ordinaire prennent les routes d’assaut, ils sont moins nombreux. La route pour le fortin du mont Thou et son belvédère est fermée jusqu'à nouvel ordre. Un couple de personnes âgées ne comprend pas. "On l'impression d'être en guerre". "C'est bien ce qu'a dit le Président" rétorque son mari. "Ils font quoi les militaires là-haut ?".

Sur le mont Cindre voisin, pas un chat. Où plutôt deux. Un noir et un blanc. Comme l'ambiance générale. Pourtant, les monts d'Or vivent leur renaissance. Les arbres bourgeonnent, quand ils ne sont pas en fleurs blanches et roses, les herbes sont vertes, toute la nature, "avec des douceurs de teintes exquises" (Zola), semble faire un pied de nez magistral à l'invisible et l'indicible.

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