Une salle de sport "L'Appart Fitness"
Une salle de sport « L’Appart Fitness »

Coronavirus : coup de massue pour les salles de sport à Lyon, entretien avec le patron de l’Appart Fitness

ENTRETIEN- En quelques heures, les salles de sport de la Métropole de Lyon ont dû fermer samedi. C’est un immense coup dur pour la profession, qui avait déjà énormément souffert lors du confinement, perdant près de 30% de ses adhérents. Cette fois-ci, c’est l’incompréhension. Le patron de l’Appart Fitness, le groupe le plus implanté à Lyon, fait longuement le point sur la situation pour lyoncapitale.fr

"Nous ne sommes pas la cause du virus mais la solution", regrette Patrick Mazerot. En 2007, le Lyonnais fonde l’Appart Fitness, le groupe de salles de sport aujourd’hui le plus implanté dans la Métropole de Lyon. Et de loin. Il y a des « Appart » comme disent ses adhérents, de partout à Lyon. L’Appart, comme les autres salles de sport, a subi de plein fouet le confinement, avec une perte d’environ 30% de ses adhérents (140 000 à l’Appart avant le covid).

Le fondateur et PDG de l’Appart Fitness espérait en regagner environ 10% en septembre. Mais Patrick Mazerot, comme tous les professionnels du secteur, est tombé de haut en apprenant les nouvelles mesures gouvernementales la semaine dernière, avec la fermeture des salles de sport dans les zone rouges renforcées. Comme dans la Métropole de Lyon ou à Paris. Aujourd’hui, la moitié de sa centaine de salles de sport sont fermées. Pour au moins 15 jours. C’est l’incompréhension qui domine. Interview.

Lyon Capitale : Samedi, vous avez dû fermer de nombreuses salles « l’Appart Fitness », notamment à Lyon. Quel a été votre premier sentiment ?

Patrick Mazerot : On ne comprend pas. Le secteur du fitness a été un élève exemplaire dans la mise en place d’un protocole sanitaire, on a eu 20/20 avec aucune fermeture de salle. Entre le 2 juin (date de réouverture des salles après le confinement) et le 25 septembre, on a comptabilisé entre 40 et 45 millions de séances pratiquées dans les différentes salles de sport et on a eu aucun cluster, aucun foyer, aucune fermeture, pour environ 7,5M de pratiquants différents. 7,5M de Français qui ont fait du fitness dans nos salles entre le 2 juin et le 25 septembre et on a eu aucune salle fermée.

Les salles de sport, pour certaines, sont des endroits vraiment clos. Il n’y a pas eu de preuve de contaminations dans vos salles avant la fermeture ?

Il n’y a pas eu de preuve mais il n’y a pas eu de contamination dans nos salles. La profession n’aurait pas attendu une mesure administrative pour protéger nos salariés et nos adhérents. On a été vigilants pour faire respecter les gestes barrières et si on avait eu des cas, on aurait fermé nos clubs volontairement. On serait mis nous-mêmes en quatorzaine.

Des recours en référés devant des tribunaux administratifs contre la fermeture des salles ont été effectués ces derniers jours. L’Appart s’y est associé ?

Oui, bien sûr, pas l’intermédiaire du syndicat France Active, qui représente 1700 adhérents, c’est-à-dire environ 30% du marché sur les 4500 clubs en France. Dans les 1700 adhérents, il y a toutes les locomotives, les enseignes Keep Cool, l’Appart, Basic Fit, Fitness Park et d’autres. A Bordeaux, notre demande en référé a été rejetée, malgré l’absence de preuve de la légitimité de la contagion dans nos clubs. On attaque le Préfet qui a été le dépositaire des doctrines gouvernementales.

Vous passez en référé à Lyon ce jeudi après-midi. Que demandez-vous ?

On demande trois choses, soit la réouverture, en gros l’annulation de l’application du décret. Soit la suspension de cette annulation pour avoir le temps de s’expliquer avec le gouvernement. Soit un aménagement. On a par exemple été dispensé de porter le masque sur nos machines. Une piste de travail pourrait être de demander à nos adhérents de garder le masque aussi sur les machines, pas seulement pour circuler dans les salles. On peut aussi travailler sur le fait de supprimer les horaires de libre-service, de réduire le nombre d’heures d’ouverture.

Patrick Mazerot, le PDG de l'Appart Fitness
Patrick Mazerot, le fondateur et PDG de l'Appart Fitness

Vous discutez avec le gouvernement actuellement ?

Oui, on discute avec différents organes du gouvernement, des conseillers sport à l’Elysée, des correspondants du ministère des Sports pour essayer de montrer qu’on est une profession structurée et qui s’est industrialisée ces 10 dernières années. A travers notamment le syndicat France Active. Le syndicat existe depuis une dizaine d’années et on se voit régulièrement pour collaborer avec le gouvernement. Lors du confinement, dès le mois de mars, on a fait la proposition au ministère des sports, validée par le ministère de la Santé, d’un guide-métier d’une trentaine de pages qui proposait la méthode de sortie de confinement. Cela nous a permis de rouvrir le 2 juin. On a divisé par deux les capacités de nos salles. En plus, depuis le 2 juin, on a eu une baisse de fréquentation. Il n’y a plus les pics de fréquentation entre midi et deux et le soir après 18h mais par contre, il y a avait davantage d’adhérents tout au long de la journée. Grâce au télétravail et aux agendas différents.

Combien d’adhérents avez-vous perdu pendant les deux mois de confinement au printemps ?

Toute la profession a perdu entre 25 et 30% de ses adhérents. Pareil pour le chiffre d’affaires. Et le groupe L’Appart est dans la même moyenne. Nous espérions en retrouver 10% en septembre. Dans mon groupe, la première semaine de septembre était bien partie. On a mis le paquet dans la communication. Et dès les prémisses des annonces du gouvernement, dès mi-septembre, les ventes ont commencé à baisser. Lors de la 3e semaine de septembre, ça s’est effondré et les résiliations ont augmenté. Les 10% qu’on espérait récupérer au mois de septembre ont été anéantis. Après, lors du confinement, les adhérents se sont un peu retournés contre les patrons de salle en disant : « vous êtes les méchants ». Ils n’avaient pas compris qu’on était aussi les victimes. Cette 2e fois, les adhérents sont solidaires et fâchés contre les décisions prises. Ça change complètement la donne.

Combien de salles de sport peuvent disparaître ?

On a plus de 100 établissements en France qui n’ont pas réouvert après la première vague et on a identifié avec le syndicat entre 400 et 500 établissements qui seraient susceptibles de déposer le bilan dans les trois mois. Consécutivement de la non-réalisation du chiffre d’affaires du mois de septembre. La seule bonne nouvelle aujourd’hui, c’est qu’on a été raccrochés, grâce notamment au mouvement des bars et des restaurants, à un élargissement du fonds de compensation à la culture et au sport.

Vos employés sont-ils au chômage partiel (l’Appart compte environ 700 employés) ?

Dans un premier temps, on a mis nos employés au chômage partiel tant les mesures sont soudaines. Cette fermeture nous met économiquement en difficulté dans le mois le plus fort de chiffre d’affaires de l’année. Il faut savoir que septembre et janvier, ce sont les deux gros mois de l’année pour les salles de sport, ce sont les mois de résolution. Nous mettre à terre, nous faire un plaquage au corps brutalement, sans nous prévenir, sans concertation, ça anéantit tous les investissements. Les efforts pour maintenir ouverts nos clubs ont été anéantis par cette décision brutale.

Que proposez-vous, en plus, pour encore améliorer les conditions de sécurité sanitaire dans vos salles ?

A L’Appart, le respect des mesures sanitaires, l’adaptation, ça nous a coûté 1M d’euro (depuis le 2 juin). Mais on est ouvert au dialogue. S’il faut remettre les masques pendant le sport, on les remettra. On peut faire remonter au gouvernement les statistiques de fréquentation de tous nos établissements, et informer si on a des cas de Covid-19. Quitte à fermer nos clubs. Et s’engager à fermer nos clubs. Ça ne nous poserai pas de problème. On est prêt à discuter avec le gouvernement. Mais il faut que le gouvernement comprenne que ce ne sont pas des aides ponctuelles de PGE (Prêt garanti par l'État) ou de chômage partiel qui vont compenser les 18 ou les 36 mois qu’il va falloir pour retrouver notre chiffre d’affaire pré-covid. Le gouvernement doit mettre des aides sur 18 à 36 mois avec notamment un allègement de la TVA.

Vous craignez aussi des conséquences sur le moyen terme pour l’image des salles de sport ?

Pour l’image, cette fermeture est terrible pour notre secteur. Vous savez, quelqu’un qui connaît bien le fonctionnement d’une salle de sport va dire à ses amis « tu peux venir dans mon club, c’est sécurisé, il n’y a pas de problèmes ». Mais le grand public, qui rêvait après la 1ère vague de faire du sport, il a été complètement apeuré. On a même des « Apparts » qui ne sont pas fermés dans le Rhône où il y a eu un stress et où on a énormément d’adhérents qui sont en résiliation. Même dans des villes où les salles restent ouvertes. On nous assimile à des méchants élèves alors qu’on est des bons élèves. Le gouvernement le dit : « faites du sport pour être en bonne santé ». Nous ne sommes pas la cause du virus mais la solution.

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