Nommé ministre de la Santé à la veille de l’épidémie de coronavirus, Olivier Véran se retrouve aujourd’hui à gérer la plus grave crise sanitaire depuis plus d’un siècle en France. Une mission dont le conseiller régional grenoblois s’acquitte jusqu’à présent avec un sérieux et une pédagogie salués.
Il se tenait prêt depuis un bon moment, mais n’avait sans doute pas prévu l’immensité de la tâche qui l’attendrait. Le 16 février quand Olivier Véran est nommé ministre de la Santé en remplacement d’Agnès Buzyn, qui se lance à la conquête de Paris, peut-être a-t-il soufflé "enfin". "La Santé pour un médecin, c’est le graal", sourit une de ses collaboratrices. À 40 ans, le député LREM de l’Isère a obtenu ce maroquin ministériel après lequel il courait depuis 2017 et l’élection d’Emmanuel Macron. Pendant la campagne présidentielle, Olivier Véran, conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes et transfuge du PS, rédige une partie de son programme santé. "Nous étions trois à travailler ensemble sur les propositions : Olivier Véran, Jérôme Salomon (actuel directeur général de la Santé) et moi", se remémore Jean-Louis Touraine, député LREM de Lyon.
Aujourd’hui, le binôme Salomon-Véran se reforme, l’euphorie de la campagne en moins. En mai 2017, Emmanuel Macron est élu président et le neurologue grenoblois s’attend à un coup de téléphone. "Son ambition pouvait être légitime. On sentait qu’il aurait aimé être ministre ou secrétaire d’État. Dans la vague des jeunes députés LREM, il en avait les compétences", se souvient Jean-Jack Queyranne qui en avait fait un de ses porte-paroles de campagne lors des régionales de 2015. "À chaque remaniement ministériel, il était en dessous de tout quand il voyait qu’il n’était pas appelé. Il a enfin eu ce qu’il voulait", rapporte un conseiller régional.
Marqué à gauche
Très tôt dans sa carrière, Olivier Véran a imbriqué ses activités médicales et politiques. Après ses études de médecine, il se lance, avec succès, dans un cursus de gestion et politique de santé à Sciences Po. Un parcours atypique. "C’est un garçon intelligent. Même élu, il a gardé une part d’activité médicale. Il voyait toujours des patients. Il a une formation qui va du médical aux aspects de gestion. Il connaît tous les rouages de l’hôpital", souligne Jean-Louis Touraine. Au CHU de Grenoble, Olivier Véran exerce ses activités de neurologue en parallèle d’un engagement syndical. Marqué à gauche, il est repéré par Geneviève Fioraso, députée PS, qui en fait son suppléant aux législatives de 2012. Les planètes s’alignent pour lui. Geneviève Fioraso est nommée ministre de l’Enseignement supérieur du premier gouvernement de François Hollande. Olivier Véran entre à l’Assemblée nationale. Il s’investit notamment sur les questions de santé.
En avril 2015, Geneviève Fioraso quitte le gouvernement et récupère son mandat de députée de l’Isère. Olivier Véran s’ancre un peu plus dans le monde politique. En décembre 2015, il est élu conseiller régional sur les listes PS de Jean-Jack Queyranne. "Je ne le connaissais pas spécialement, mais sa candidature s’est imposée comme une évidence. Notre équipe avait de l’expérience et elle avait besoin d’une énergie nouvelle. Il a été l’un de mes porte-paroles avec Anna Aubois et Jean-François Debat. C’est un homme franc, loyal et engagé avec des valeurs de gauche réelles. Quand il arrive dans une réunion, il s’impose par sa stature, son dynamisme. Il n’est pas dans les faux-semblants. Je l’ai toujours apprécié parce qu’il est honnête et direct", souligne Jean-Jack Queyranne.
En 2016, Olivier Véran s’attaque à un nouveau défi : la présidence de la fédération hospitalière de France. Il est battu par Frédéric Valletoux qu’il retrouve aussi aujourd’hui dans la gestion de crise du Covid-19. "Olivier est un type brillant et hyperactif", glisse un de ses proches. Même si ce n’est pas au conseil régional qu’il affiche ce profil. "Il ne s’est pas énormément impliqué", assène un socialiste. "Ce n’est pas que la région ne l’intéresse pas, c’est plutôt le travail d’opposant qui lui plaît moins. Il est dans l’action, il a besoin de faire des choses. S’asseoir une fois tous les trois mois sans pouvoir donner la réplique à Laurent Wauquiez, c’est moins intéressant", reconnaît-on au sein du groupe LREM qu’Olivier Véran préside.
Le grand bain
À l’Assemblée nationale, le député Véran se console en étant rapporteur de projets de loi importants : le financement de la Sécurité sociale, les mesures en réponse à la crise des Gilets jaunes ou la réforme des retraites. Dans une macronie qui manque de profondeur de banc, son profil s’impose comme une évidence à l’heure de remplacer Agnès Buzyn. Un choix motivé autant pour sa connaissance du monde médical que celle d’une réforme des retraites qui fait encore les gros titres. Ce second domaine d’expertise est vite relégué au second plan. "D’habitude, les ministres ont un temps de chauffe. Lui il a dû plonger dans le grand bain du jour au lendemain. Je l’ai vu évoluer très vite : son côté spontané a laissé place à une posture plus grave, à plus de solennité", confie Véronique Trillet-Lenoir, députée européenne qui siège avec lui dans le groupe LREM au conseil régional. Sitôt nommé, la menace un peu lointaine d’une épidémie de coronavirus devient une réalité plus pressante chaque jour. Il prévient de l’imminence de la crise. "C’est un homme de vérité, de franchise. Il ne farde pas la réalité. Ces qualités lui permettent d’être un ministre qui, pour le moment, tient la baraque. Il a un bon dialogue avec le corps médical, car il est l’un des leurs. Mais il doit faire face à des problèmes d’impréparation et d’insouciance généralisée", abonde Jean-Jack Queyranne.
“Et en même temps”
En temps de crise, il s’impose grâce à son sens de la pédagogie. La stratégie d’endiguement croquée au crayon sur un plateau télé valait plus que de longs discours. Mais depuis que la vague monte, la communication ne suffit plus. L’essentiel manque et la politique des achats est devenue le nerf de la guerre. Depuis son ministère, Olivier Véran coordonne le ballet des acheminements de masques et l’extension des capacités hospitalières. De 5 000, la capacité en réanimation est passée à 10 000. Le ministre de la Santé veut aller encore plus loin : 14 000 pour faire face au pic attendu début avril.
Sur sa route, les chausse-trapes se multiplient. À commencer par l’inflammable sujet de l’hydroxychloroquine, ce médicament que le professeur Raoult, immunologue reconnu de l’IHU Méditerranée, considère miraculeux pour lutter contre le coronavirus. L’iconoclaste chercheur a placé Olivier Véran dans une situation très inconfortable en prenant l’opinion publique à témoin pour contourner l’establishment sanitaire. Le ministre tente de s’en sortir en adoptant la stratégie du "et en même temps". Les essais comme la prescription sont autorisés en parallèle d’une étude clinique menée par une équipe, gérée depuis la Croix-Rousse par le professeur Florence Ader. Olivier Véran sera aussi confronté à un enjeu d’État qui dépasse le cas de sa seule action : le gouvernement a-t-il pris la mesure de l’épidémie qui se propageait en Chine fin janvier ? Même s’il n’était pas aux manettes à cette époque, Olivier Véran sera responsable solidairement du manque de masques, de respirateurs et des équipements de protection du monde hospitalier. Les soignants en première ligne séduits par les propos de leur nouveau ministre mi-février attendent désormais des actes.
La première ligne réelle, c'est celle au contact des malades, pas un ministre toujours incapable de se défaire des lobbys en ne permettant pas à certains labos de "tester les malades potentiels",
pas en ayant continué depuis qu'il est à son poste, de contribuer à passer le message que "les masques ne sont pas utiles" (tout ça parce qu'en fait, les masques fabriqués par les entreprises n'étaient pas dispo en nombre suffisant).
C'est un ministre dépendant de l'économie.