gymnase rosset migrants hébergés
La ville héberge 140 jeunes migrants dans un gymnase du 7e arrondissement de Lyon depuis le 16 janvier. (Photo AP)

Coup de froid entre la Ville de Lyon et la préfecture sur l’hébergement d’urgence

La concorde semblait enfin de mise à Lyon entre l’État et la Ville sur l’hébergement d’urgence, avant que la préfète n’y jette un froid en annonçant qu’elle ne rembourserait pas la municipalité, sortie de ses prérogatives pour héberger 140 jeunes migrants. 

Ces derniers jours, l’État et la Ville semblaient avoir trouvé une certaine concorde sur l’hébergement d’urgence, annonçant pour l’une la mise à l’abri de jeunes à la rue en plein hiver et pour l’autre la création de nouvelles places d’accueil en 2024. Des annonces et des actions intervenues dans la foulée d’un déplacement à Lyon de Brigitte Macron, lors duquel la première dame avait jugé "impensable qu'un enfant soit à la rue": "On en a parlé avec le maire de Lyon, on va faire une opération" pour faire en sorte qu'"aucun enfant ne soit à la rue" avait-elle déclaré. 

Dimanche, la préfète du Rhône Fabienne Buccio avait ainsi dévoilé l’ouverture en 2024 de 300 nouvelles places d’hébergement d’urgence. Ce dont s’était félicité dans la foulée le maire de Lyon, avant d’annoncer de son côté la mise à l’abri dans un gymnase du 7e arrondissement de 140 des 170 jeunes migrants qui dormaient depuis le mois d’avril dans le square Sainte-Marie-Perrin. Les 30 autres étant pris en charge par le Diocèse de Lyon. 

Lire aussi : La mairie de Lyon met à l'abri 140 jeunes migrants : "On ne manquera pas d'envoyer la facture à la préfète"

L'État ne payera pas la mise à l'abri par la Ville des jeunes en recours de minorité

Face à une situation qualifiée d’"insupportable et insoutenable", la municipalité écologiste a ainsi décidé une énième fois de prendre en charge une compétence qui n’est pas la sienne et qui relève de l’État. Présente mardi au gymnase Gabriel Rosset pour accueillir ces jeunes migrants en recours de minorité, Sandrine Runel, l’adjointe au maire de Lyon en charge des solidarités et de l'inclusion sociale, n’a toutefois pas manqué de prévenir qu’elle enverrait "la facture à la préfète". 

"C’est la première fois que nous avons une réaction de la préfecture là-dessus, jamais ce sujet-là n’avait été abordé"

Sandrine Runel, adjointe au maire de Lyon en charge des solidarités et de l'inclusion sociale

Un message que n’a visiblement que peu goûté la représentante de l’État au niveau local. En atteste le message laconique envoyé quelques heures plus tard à la presse et contenant une réaction de Fabienne Buccio aux propos de Sandrine Runel : qui "prend acte de la décision du maire de Lyon d'ouvrir un gymnase pour héberger des jeunes majeurs squattant jusque là dans le square Sainte-Marie-Perrin à Lyon", tout en prévenant de son côté que celle-ci "ne donnera lieu à aucun remboursement de la part de l’État".

Une fin de non-recevoir que n’a pas souhaité justifier la préfecture lorsque nous l’avons sollicité et sur laquelle on se réserve de tout commentaire dans l’entourage du maire de Lyon. À l’inverse de Sandrine Runel, qui nous a concédé ce mercredi matin être plutôt surprise que la préfecture ait daigné réagir. "C’est la première fois que nous avons une réaction de la préfecture là-dessus, jamais ce sujet-là n’avait été abordé. J’en prends acte, mais ça ne nous empêchera pas de l’affaire", assure l’adjointe de Grégory Doucet. 

Lire aussi : Hébergement d'urgence à Lyon : "On n'a aucune réponse de l'Etat", déplore Sandrine Runel

Une action en justice en cours

Du côté de l’État, on semble surtout s’agacer d’une manoeuvre politique, qui consisterait à mettre la préfecture devant le fait accompli. Ce que dément Sandrine Runel, en expliquant avoir fait des demandes à la préfecture pour qu’elle prenne en charge les 30 jeunes du square Sainte-Marie-Perrin qui ne pouvaient pas être hébergés au gymnase, faute de place, en vain. "Ça a été une fin de non-recevoir", déplore la présidente du groupe socialiste au conseil municipal.

De manière plus générale, la sortie de Sandrine Runel s’inscrit en fait dans une démarche plus globale et un recours gracieux déposé en octobre contre l’État sur le sujet de l’hébergement d’urgence. Resté sans réponse, celui-ci doit d’ailleurs faire l’objet d’une démarche de contentieux auprès du tribunal administratif. Dans le détail, il se divise en deux volets. Le premier porte sur une défaillance et un manquement supposé de l’État à ses obligations et vise à obtenir la création de nouvelles places d’hébergement d’urgence, ce à quoi c’est par ailleurs engagé la préfète en ce début d’année. Le second "porte sur les dépenses engagées par la Ville de Lyon pour mettre à l’abri des publics qui relèvent de l’État, donc l’ensemble des familles et des enfants à la rue", rappelle Sandrine Runel. 

Lire aussi : L’État veut ouvrir 300 places d’hébergement d’urgence supplémentaires dans le Rhône

La facture très salée de la Ville de Lyon

Des actions qui vont au-delà des prérogatives de la Ville, comme lors de la mise à l’abri de familles sans domicile au gymnase Bellecombe l’été denier, et qui lui coûtent cher. Selon nos informations, sur l’année 2022/2023 la note s’élèverait entre 450 000 et 500 000 euros. À titre d’exemple, pendant les dernières vacances de Noël l’hébergement à l’hôtel de familles qui étaient jusque là abritées dans des écoles a coûté 40 000 euros à la municipalité. 

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Des sommes que l’exécutif écologiste ne désespère pas de se faire rembourser par l’État et auxquelles elle compte désormais ajouter les factures liées à l’hébergement des jeunes en recours. Ce qu’elle n’avait pas fait en janvier 2023 lorsqu’elle avait déjà hébergé 87 jeunes dans cette situation au gymnase Gabriel Rosset. De fait, Sandrine Runel estime que le vide juridique qui entourait jusqu’ici la prise en charge de ces jeunes a été comblé très récemment. Notamment lorsque "l’ancienne ministre Caubel [Secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’Enfance jusqu’au 8 janvier 2024, NDLR] a annoncé il y a un mois que les jeunes en recours, comme ils sont considérés et évalués majeurs relèvent du code de l’action sociale et des familles, donc de l’hébergement d’urgence, donc de l’État".

Le début de réchauffement des relations entre la Ville et l'État sur l'hébergement d'urgence n'apparait finalement pas si ardent que cela au coeur de l'hiver.

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