Le nombre de personnes enfermées dans le Centre de rétention administrative de Lyon a augmenté en 2017, selon le rapport consulté par Lyon Capitale. Un chiffre dû à la “course au chiffre menée après le drame de Marseille survenu en octobre 2017”, expliquent six associations.
Six associations, ASSFAM Groupe SOS Solidarités, Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile, La Cimade, Ordre de Malte France et Solidarité Mayotte a publié ce mardi leur rapport annuel sur les 24 centres de rétention de France. Au centre de Lyon-Saint-Exupery, 1395 adultes et 5 enfants ont été enfermés en 2017 pour une durée de rétention moyenne de 16 jours. Si le nombre de personnes enfermées a été plus important en 2017 qu'en 2016 (1205), le chiffre est assez loin de celui de 2015 ou 1950 personnes étaient passées par le centre de rétention administrative de Lyon. Le centre lyonnais est le quatrième centre de France (hors Île-de-France) ou le plus de personnes ont été enfermées en 2017 après Coquelles (3786 personnes), Lilles (2728) et Metz (1769)
En 2017, 92% des personnes enfermées étaient des hommes et 8% des femmes. Parmi eux, 270 étaient d'origine albanaise (19,4%), 214 algérienne (15,3%), 140 tunisienne (10%), 101 kosovare (7,2%), 85 roumaine (6,2%) 79 marocaine (5,7%), 47 géorgienne (3,4%), 45 guinéenne (3,2%), 22 nigériane (1,6%) et 10 congolaise (1,4%).
58,6% de mesures d'éloignement
La très grande majorité de ces placements (71,2%) a été faite après une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai de départ volontaire. Parmi ces personnes enfermées, 37,2% ont été libérés, et 58,6% ont fait l'objet d'une mesure d’éloignement, dont 42,7% vers un pays hors l'UE et 15,9% vers un pays membre de l'UE ou de l'espace Schengen. Le nombre de personnes éloignées a légèrement progressé par rapport à 2016 ou 53% des personnes avaient l'objet d'une telle mesure.
En France en 2017, la barre des 300 enfants enfermés en métropole a été franchie avec 147 familles soit 304 enfants privés de libertés derrière les barbelés de la rétention en métropole. La majorité de ces enfants avaient moins de 6 ans et 20 % moins de 2 ans. Au total, 47 000 personnes étaient placées en CRA, un chiffre qui reste stable par rapport aux années précédentes. Parmi ces personnes, 25 274 personnes l'ont été en métropole, contre 21 571 en 2016. “Cette hausse de 17 % en métropole s’explique notamment par une course au chiffre après le drame de Marseille survenu en octobre”. “La France est de loin le pays de l’Union européenne qui enferme le plus de personnes étrangères au seul motif qu’elles ne peuvent pas présenter le bon papier au bon moment lors d’un contrôle de police”, ajoute l'association.
Une augmentation du nombre de placements à Lyon après l'attentat de Marseille
Outre ces statistiques détaillées, la rapport présente quelques commentaires sur le centre de rétention lyonnais. L'association note par exemple que “dans le cadre de l’état d’urgence, une partie des effectifs policiers du CRA avait été redéployée aux frontières et la direction avait en conséquence abaissé le seuil de capacité maximale à 60 personnes retenues”. Cependant, l'association explique qu’après l'attentat de Marseille, qui avait fait deux victimes en octobre 2017, “l’équipe de Forum réfugiés-Cosi a constaté une forte augmentation du nombre de placements, confirmée par une élévation du seuil à 80 places, avant un retour à 75”. La capacité du centre devrait augmenter en 2018 quand les travaux de l'aile réservée aux femmes et aux familles seront terminés. Ce rapport note par ailleurs que “125 personnes sous procédure Dublin ont été retenues à Lyon, soit deux fois plus qu’en 2016”*. L'association a aussi pointé du doigt “l'augmentation du recours aux "vols spéciaux" par les préfectures, plus particulièrement celle de l’Isère. Ces avions, affrétés spécialement par l’administration, ont permis l’éloignement de groupes de dublinés, en écartant la possibilité d’un refus d’embarquement, puisqu’effectué sous escorte.”
Des histoires d'humains
Enfin le rapport revient sur plusieurs situations particulières dont celle de monsieur A. “Le 20 février 2017 à 23h30, monsieur A., stressé par son audience du lendemain, aurait sollicité le poste de police pour qu’on lui allume sa cigarette. Face à son insistance, un policier aurait fait usage de sa bombe lacrymogène. Après avoir brutalement relevé monsieur qui était tombé à terre, quatre policiers l’auraient conduit dans un local derrière le poste de police. Aveuglé par les effets du gaz, monsieur A aurait alors été pris d’une crise de panique. Il a ensuite été placé en chambre d’isolement où il aurait été menotté au lit. Ce n’est qu’après plusieurs heures que les menottes lui auraient été ôtées. Le lendemain matin, monsieur A. a été présenté devant la cour d’appel, tenant à peine debout, les yeux rougis. La magistrate, choquée par son état et par ses déclarations, a suspendu l’audience pour qu’il soit conduit à l’hôpital et a saisi le procureur de la République. À la suite d'un examen médical et de l’enregistrement de sa plainte, l’Inspection générale de la Police nationale a été saisie. Les policiers ont parallèlement déposé plainte contre monsieur A. Après enquête, l’affaire a été classée sans suite. Monsieur A. a été condamné pour outrages et menaces de mort à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique et a été écroué”, écrit la rapport.
Cette dernière raconte aussi l'histoire de monsieur B, ressortissant algérien arrivé en 2014 en France “pour rejoindre des membres de sa famille installés en France”. En avril 2017 alors qu'il travaillait sur un chantier avec un ami, ce dernier a fait une chute mortelle. Malgré les soins qu'a essayé de prodiguer le ressortissant algérien, l'homme est décédé sur place. Les gendarmes ont alors convoqué monsieur B “pour signer des documents afin de clôturer l’affaire et de permettre le rapatriement du corps de son ami en Tunisie”. Cependant à son arrivée à la gendarmerie le ressortissant algérien a été placé en rétention et reçu une OQTF assortie d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) pour une durée d’un an lui ont été notifiés. Il a finalement été libéré par le juge qui a considéré l’interpellation déloyale.