Costumière à l’opéra de Lyon, Zélia Smith façonne sa marque sur son temps libre. Brodeuse délicate et raffinée, elle raffole de plantes vertes, qu’elle décline à l’infini sur des petits tambours à broderie. Verdure chatoyante et fils d’or étincelants, le travail de la jeune créatrice prend forme et couleur au fil de ses envies. Techniques d’antan et motifs tendance se mariant pour le plaisir des yeux.
“Pour l’instant, je suis dans les plantes, je ne pense pas en avoir fait le tour.” Sur les petits tambours de brodeuse de Zélia Smith, les motifs se répondent. Les fils de coton s’entremêlent, se superposent et forment des plantes vertes aux allures princières sur les tissus colorés de la créatrice. Quelques filaments d’or éclairent des pièces à mi-chemin entre la décoration et l’objet d’art. Au milieu des souvenirs et des bibelots qu’elle conserve “au cas où”, elle brode à l’aiguille ou au crochet de Lunéville. Des heures durant, avec un podcast ou un livre audio dans les oreilles, elle s’applique à rendre vrai ce que son imagination a bien voulu lui offrir. Des plantes, beaucoup de plantes, un amour transmis par son grand-père horticulteur et son père, photographe de décoration et d’extérieur. Lyonnaise de cœur, cette ancienne Parisienne est fascinée par la nature : “Je me dis qu’on peut essayer de lui rendre ce qu’elle nous offre. En utilisant des produits sains, qui ne nuisent à rien ni à personne, en recyclant et réutilisant de vieilles choses… C’est un peu ma part du colibri1.” Ses fils, elle les trouve sur des brocantes ; aux puces, elle chine aussi les vieux linges de maison, qu’elle teindra bientôt elle-même (une formation à la teinte naturelle est à son programme). “La nature est une mine d’or. On peut obtenir des couleurs merveilleuses et très profondes en se servant directement dans un jardin, sans utiliser des produits chimiques, nocifs pour la planète mais aussi pour nous !”
Zélia raconte avec effervescence son parcours, ses rencontres, ses coups de cœur et sa passion : le textile. “En sortant du bac, je ne savais pas exactement ce que je voulais faire : ce sont des métiers assez mal représentés. Mais je voulais absolument travailler dans ce milieu.” Elle entreprend une mise à niveau en arts appliqués (MANAA) à Paris, puis un diplôme des métiers d’art (DMA) dans le textile. “J’ai découvert tous les aspects du tissu. Je me sentais connaisseuse en tout mais experte en rien ; il fallait que je me spécialise. J’ai entendu parler du costume, ça a résonné comme une évidence.” Sa formation parisienne se poursuit à Lyon, où elle se lance dans deux nouvelles années de DMA en arts du spectacle. De fil en aiguille, elle intègre l’Opéra de Lyon, où elle travaille comme costumière “depuis sept ans maintenant”. “C’est une chance inouïe, confie-t-elle. Les projets sont tous différents et j’ai parfois l’opportunité de travailler des pièces extraordinaires.” Un métier qui sonne comme une passion, qu’elle n’est pas près d’abandonner. “D’abord, parce que j’adore le costume, il y a quelque chose de très poétique à travailler autour d’une œuvre. Ensuite, parce que je ne veux pas que la broderie devienne une contrainte. Je veux pouvoir faire ce que j’aime, que ça m’amuse et ne pas devenir simplement exécutante.”
Pendant un an, elle a travaillé d’arrache-pied pour donner de la visibilité aux broderies Zélia Smith. “J’ai fait beaucoup de marchés de créateurs, de marchés de Noël ; mon travail était disponible sur Internet aussi, mais c’était trop. Je rentrais même chez moi le midi pour broder.” Une nécessité malgré tout pour se faire connaître et pouvoir s’octroyer aujourd’hui le droit de se consacrer à ce qu’elle désire. “Il me reste quelques petites pièces, que je vais écouler au fur et à mesure, à un prix qui ne me fera pas trop mal au cœur. Pour le reste, je me suis lancée dans un plus grand format, pour me faire plaisir. Ce n’est pas réalisé dans un but commercial mais pour moi, pour explorer toutes les techniques de la broderie.” Difficile de se faire payer au juste prix pour des créations qui nécessitent parfois plus d’une journée de travail. “Les gens peuvent avoir du mal à se rendre compte de la valeur des choses, mais ce n’est pas leur faute, ce sont nos habitudes de consommation. Et je pense que c’est à nous, créateurs, de sensibiliser le public à ce sujet.” Sa passion, son travail et son goût des belles broderies, elle les transmet aussi aux plus curieux, au cours d’ateliers organisés à L’Effet Canopée, sur les pentes de la Croix-Rousse.
Fascinante et fascinée, Zélia Smith se pique de curiosité pour tout ce qui lui passe sous la main. À l’affût de nouveaux savoirs, elle accumule les envies qu’elle se promet de réaliser un jour. “Depuis longtemps déjà, j’achète les plumes que je trouve dans les brocantes. Je ne sais pas ce que je pourrai en faire pour l’instant, mais je les conserve précieusement, jusqu’au jour où j’aurai “l’idée”. Ce qui serait vraiment incroyable, ce serait un projet de costume des années vingt, avec des plumes, des perles, de la broderie…” Les yeux qui pétillent, le sourire qui s’étire, une mèche rebelle devant les yeux, Zélia Smith ne s’arrête jamais. Son imagination travaille à toute vitesse, crée des liens, tisse des ponts et donne naissance à des créations tout en délicatesse, filées d’or.
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Référence à la légende racontée par Pierre Rabhi : lors d’un incendie, les animaux de la forêt se précipitent tous pour éteindre le feu, y compris le petit colibri, qui apporte quelques gouttes d’eau ; les autres animaux s’en moquent, lui disant qu’il n’éteindra pas le feu avec ses pauvres gouttelettes – “Je le sais, mais je fais ma part”, répond le colibri.
CARTE D’IDENTITÉ DE LA MARQUE