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© Tim Douet

Croissance, emploi, déficit : la voix discordante de Muet

Habitué à soutenir sans réserve la politique gouvernementale, le député de la Croix-Rousse fait entendre depuis quelques mois une musique singulière. Il invite le Premier ministre à créer plus d'emplois avenir, à réduire plus lentement le déficit public. Et à instaurer une vraie fiscalité écologiste.

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En cette rentrée, le député de la Croix-Rousse est optimiste. Il croit au retour de la croissance et à la baisse du chômage, obtenus notamment par les emplois d'avenir capables d'enclencher un "cercle vertueux". L'économiste balaie les thèses des déclinologues - "En 1945, l'Europe était condamnée et on a su inventer un modèle" générateur des Trente Glorieuses -, et entrevoit une nouvelle phase de croissance portée par les énergies vertes. Pierre-Alain Muet soutient la politique gouvernementale, mais marque des différences. Il attend toujours de la gauche qu'elle fusionne impôt sur le revenu et CSG, rendant cette dernière progressive en fonction des revenus.

Emplois d'avenir : Muet invite Collomb à en signer

Pour infléchir la courbe du chômage, le Gouvernement compte beaucoup sur les 100 000 emplois d'avenir créés d'ici à la fin de l'année - 150 000 d'ici à la fin 2014. Sont concernés les jeunes de 16 à 25 ans, peu ou pas diplômés, qui décrochent ainsi un contrat de trois ans dans une collectivité, une association voire, dans certaines conditions, une entreprise privée. Pierre-Alain Muet y est favorable : "Contrairement à ce que l'on croit, c'est ce qui est le plus efficace à cour terme pour relancer une demande qui s'est effondrée. On donne du revenu aux jeunes qui le dépensent quasi-immédiatement". A l'image des emplois jeunes en 1997, le député y voit un moyen d'enclencher un cercle vertueux. "C'est l'emploi qui crée la croissance et pas l'inverse comme beaucoup le pensent souvent. Les emplois d'avenir vont générer des emplois privés", pense Pierre-Alain Muet.

Il s'attarde cependant sur le chiffre de 150 000 qu'il juge insuffisant. Dans son ouvrage Le Bon chemin (1), il plaide pour 300 000 emplois, compte tenu de la conjoncture dégradée. Au passage, le député "regrette" la décision de Gérard Collomb de ne pas en signer un seul à la Ville de Lyon. "Je souhaite vivement qu'il en crée, d'autant que la collectivité ne paie qu'un quart du salaire. Ce sont des emplois qui correspondent à une vraie demande. pour les jeunes des quartiers, c'est fondamental".

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Crédit d'impôt : les réserves de Muet

Dans son ouvrage, le socialiste n'a pas de mot assez durs pour fustiger la TVA sociale décidée par Nicolas Sarkozy sur le tard. Aussi, quand le Gouvernement met au point le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui adopte la même logique, le député de la Croix-Rousse lui apporte-t-il un soutien mesuré. Ce crédit d'impôt, qui devrait être pour partie financé par la TVA, découle du rapport Gallois. Muet raconte qu'il a anticipé les conclusions de son rapport dés l'automne 2012, sachant que le capitaine d'industrie plaidait alors depuis plusieurs mois pour une baisse massive des charges sociales comprises entre 30 et 50 milliards d'euros. "On n'était pas loin du plaidoyer du Medef", grince le socialiste dans son livre. "Le transfert de charges sociales sur la TVA ou la CSG peut être pertinent en période de croissance. Mais dans le contexte d'aujourd'hui, ça créerait un effondrement de la consommation", a-t-il fait valoir alors au Premier ministre.

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Au côté d'autres économistes du PS, il a obtenu que la baisse des charges s'effectue au travers d'un crédit d'impôt, repoussant à 2014 son financement par l'impôt. De quoi donner un peu d'air à l'économie avant un éventuel nouveau tour de vis. La question de la hausse de la fiscalité nécessaire pour compenser le coût du CICE se pose aujourd'hui. Le député de la Croix-Rousse aimerait éviter une augmentation, même modeste, de la TVA, lui préférant la fiscalité écologique. "Une hausse progressive du prix des énergies fossiles donne de la visibilité aux entreprises, et les incite à investir dans les énergies vertes. Ca les met dans une situation de compétitivité. Tous les pays qui ont trouvé des énergies à bas prix se sont désindustrialisés, par exemple les Pays-Bas quand ils ont découvert le gaz naturel et le pétrole de la Mer du Nord". De ce point de vue, il ne juge pas pertinent la décision de l'administration Obama de parier sur le gaz de schiste pour relancer l'industrie américaine, "un choix payant sur le court terme seulement". "Si on peut prendre le tournant de la croissance verte, ça peut donner des décennies de croissance", pronostique-t-il.

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Ne pas réduire le déficit autant que Moscovici le veut

Dans son livre, on trouve quelques réserves sur le pilotage économique actuel, lorsqu'il fait le constat "d'un déséquilibre entre la priorité accordée au couple offre/désendettement au détriment du couple emploi/demande". "Alors que le déficit de demande est aujourd'hui bien plus important que le déficit d'offre compétitive et le restera encore pendant de nombreuses années, le budget 2013 y consacre huit fois moins de moyens financiers qu'au CICE", argumente-t-il.

Il conseille au Gouvernement de réduire plus modérément le déficit français, d'un demi point de déficit structurel (2). "Il faut laisser rebondir l'économie. Quand la croissance va revenir, on atteindra les 3% de déficit tout seul", parie-t-il. Il s'oppose ainsi à la volonté du ministre de l'Economie Pierre Moscovici (photo ci-contre) de baisser d'un point le déficit structurel français l'an prochain - objectif contenu dans le programme de stabilité présenté en avril à Bruxelles. Un objectif qui serait contraire "au discours cohérent tenu par le gouvernement qui consiste à ne pas ajouter de l'austérité à la récession". Le député de la Croix-Rousse n'épouse pas la thèse d'un "ras-le-bol fiscal". "Un terme excessif. On s'est opposé à toute hausse uniforme de l'impôt, on a surtout raboté certaines niches fiscales et on a augmenté l'impôt des plus fortunés", corrige-t-il.

Réforme des retraites : la compensation patronale peut attendre

Le député soutient l'allongement de la durée de cotisation, suivant celui de l'espérance de vie. D'ailleurs, il garde "une frustration" du gouvernement Jospin qui ne l'avait entrepris. Alors conseiller du Premier ministre, Pierre Alain-Muet avait rédigé des discours au Premier ministre sur ce sujet, lesquels n'auront finalement jamais été lus. Tout naturellement, le député campe sur cette position aujourd'hui. Et pour assurer un financement à court terme des retraites, il préfère une augmentation des cotisations patronales à celle de la CSG, comme en a décidé le Gouvernement. Il promet de "regarder de près" les compensations qui seront accordées aux entreprises, estimant que la hausse des cotisations est "très lente et très progressive". Comprendre : rien ne presse pour compenser leur hausse.

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(1) Pierre-Alain Muet, Le Bon chemin, la politique économique de la gauche mise en perspective, Fondation Jean-Jaurès, juin 2013.

(2) Niveau de déficit public indépendamment de la conjoncture qui, lorsqu'elle est déprimée, plombe mécaniquement les rentrées fiscales.

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