@ Robin Favier
REPORTAGE - Depuis plus de vingt ans, les repas de nos chères têtes blondes (et brunes) sont réalisés à la cuisine centrale de Lyon, quai Perrache, avant d'être livrés dans les 167 restaurants scolaires que comptent les écoles primaires et maternelles de la ville. Près d'un mois après la révélation par Le Progrès de l'existence d'une enquête administrative portant sur la cuisine, la ville et son prestataire, Avenance, organisaient mardi une visite du site.
Avaient-ils nettoyé les lieux avant la visite ? On ne le saura jamais, toujours est-il que la visite réclamé par Lyon Capitale et d'autres médias, après la révélation le 22 octobre par Le Progrès de l'existence d'une enquête administrative lancé par le service de la Protection de la qualité de l'alimentation de la direction des Populations (ancienne DGCCRF), Avenance et la Ville de Lyon ont fini par accorder leur agendas pour organiser une visite des lieux, mardi 7 décembre.
Le 21 septembre dernier, les deux inspecteurs intervenus par surprise avaient trouvé à redire sur la propreté des lieux, notamment dans les sous-sols où étaient entreposés les boites de conserve, plein de toiles d'araignées. Hier, plus aucune trace des fils de soie, ni des taches d'huile suintantes au plafond décrite dans l'article du Progrès par qui était né le scandale.
Au lieu de ça, la diététicienne d'Avenance et le directeur de la cuisine centrale ont baladé une délégation de journalistes venus constater par eux-même de l'état d'un bâtiment nickel qui sentait bon le chlore et l'alcool.
Respect de la chaîne du froid et de l'hygiène
Début de la visite dans la zone de réception des marchandises. Les boites de conserve qui sont stockées au sous-sol sont essuyées à la main, nous dit-on et désinfectées au chiffon avant d'être transférées en zone de production. « Il ne faut pas qu'il y ait de confusion entre le sous-sol, le parking, la zone de maintenance (pointées du doigt par les inspecteurs, NDLR) et la zone de production », assure le directeur régional d'Avenance, Gilles Patin. Par ailleurs, nous précise-t-on, si les emballages extérieurs des marchandises peuvent être souillés en zone de stockage, ils peuvent aussi l'être durant leur transport, d'où l'intérêt de toujours les nettoyer avant de les transférer en cuisine.
Ensuite, la marchandise passe en zone de déboisage, elle est déballée sous un flux d'air froid et épuré pour cause de respect de la chaine du froid. Enfin, la marchandise est transférée en zone de cuisson, la zone la plus surveillée de la cuisine. Les salariés d'Avenance, une vingtaine, y travaillent vêtus de charlottes, masques, combinaisons et bottes ou sur-chaussures. Avant d'entrer dans cette zone, ils doivent se laver les mains et nettoyer leurs chaussures au lave-botte. Une machine qui fait un boucan d'enfer.
Là, les viandes et autres légumes sont cuits dans des fours énormes, puis pesés afin de respecter les grammages par respect des normes mises au point par les diététiciennes, deux à la ville définissent les menus, et une autre veille chez Avenance. Enfin, la nourriture est mise en barquettes avant d'être emballées et étiquetées par une machine, puis refroidie et distribuée par camion réfrigérant dans l'un des 167 restaurants scolaires de la ville. L'étiquette indique à chaque cantinière à quelle température elle devra réchauffer les barquettes.
La Ville met la pression sur Avenance
L'année dernière, Yves Fournel, adjoint à la vie scolaire, reconnaît avoir décelé des problèmes de ruptures de la chaine du froid, rien de très grave, dans le système d'Avenance. Un problème révélé à l'occasion de contrôles sanitaires effectués quotidiennement à réception des marchandises dans les cantines. L'élu a exigé que le prestataire règle au plus vite ce problème. "Le contrat qui nous lie à Avenance, on peut le rompre chaque année", rappelle-t-il. Avenance s'est doté depuis d'une flotte de dix camions réfrigérants équipés de GPS qui permettent de suivre en temps réel les véhicules ainsi que la température à l'intérieur de chacun d'entre eux."
"On ne peut pas se permettre d'avoir le moindre souci avec les enfants", reconnaît volontiers Yves Fournel qui dit avoir mis en place un système de traçabilité optimal qui permet de remonter jusqu'au producteur en cas de problème. Mais aucune intoxication alimentaire n'a jamais été signalée.
Des analyses aléatoires sont effectuées par les diététiciennes de la ville chaque jour, à réception de la marchandise dans les cantines. Et puis un panier témoin est réservé chaque jour à la cuisine centrale à la direction des services vétérinaires, susceptibles de passer en moyenne deux fois par an, sans prévenir. Un autre panier témoin va à un laboratoire indépendant qui fait une trentaine d'inspections par trimestres."92 contrôles d'hygiène des produits et des surfaces de fabrication ont été menés en 2010, nous dit Béatrice Delpal, directrice générale adjointe en charge de l'éducation et de l'enfance à la ville, tous étaient positifs".
Une nouvelle cuisine centrale "pas avant 2015"
Pour un repas qui coûte 2,5 euros TTC à la ville, multiplié par 22 000 repas servis par jour en moyenne, 140 jours par an, soit un marché de 6,5 millions d'euros annuel; le marché public qui lit Avenance à la Ville de Lyon jusqu'en 2012 serait le mieux ficelé de toutes les grandes villes de France, reconnaît Gilles Patin, directeur régional du leader de la restauration scolaire, par rapport à Marseille et Paris qui bénéficient selon lui de contrats moins avantageux. Deux autres concurrents existent en France, Sodexo et Compass.
Enfin on a appris mardi 7 septembre que la cuisine centrale lyonnaise qui atteint ses limites structurelles pourrait déménager "pas avant 2015", un nouveau cahier des charges est en train d'être défini à la Ville. "Nous voulons une légumerie qui permettra de travailler des légumes terreux, un atelier de pâtisserie, des barquettes recyclables et des fours mixtes avec cuisson vapeur", précise Yves Fournel. La ville est aussi en recherche de foncier. Une ancienne cuisine militaire de Rillieux-la-Pape, près des nœuds de circulation, est envisagée.