Comme l'hiver dernier, les agriculteurs relancent leur mobilisation dans les campagnes. Cette fois, pas de panneaux retournés mais des panneaux bâchés et d'autres retirés. Nous avons suivi une équipe dimanche soir à l'entrée des Pierres dorées dans le Rhône.
Ils se sont donnés rendez-vous juste avant la tombée du jour, à Vindry-sur-Turdine, chez Pascal Gouttenoire, le président de la FDSEA du Rhône. Après avoir passé en revue les bâches, bombes et pots de peinture, une petite dizaine de jeunes agriculteurs et ouvriers agricoles se sont séparés en deux groupes et sont partis arpenter les routes alentours. Objectif de la virée : démonter certains panneaux d'entée de villages et recouvrir les autres.
"Celui-là, ça va aller super vite, il n'y a qu'un boulon", plaisante Alvin Gouttenoire, le fils de Pascal et président des Jeunes agriculteurs du canton. En moins de temps qu'il ne le faut pour le dire, le panneau est à terre. De l'autre côté de la route, le panneau est laissé sur place mais recouvert d'une bâche. Muni d'une bombe de peinture, Alvin y écrit "On est perdus". "J'ai écrit ça parce qu'on ne sait pas où on va, explique-t-il, si on enlève les panneaux, la population va être perdue, comme nous les agriculteurs".
L'accord du Mercosur : l'élément déclencheur
Si les agriculteurs lancent leur action maintenant, moins d'un an après leur précédente mobilisation, ce n'est pas par hasard. "Le Mercosur, c'est vraiment la goutte d'eau qui a fait déborder le vase", lâche Pascal Gouttenoire. Les agriculteurs fustigent vivement cet accord de libre-échange entre l'UE et les pays d'Amérique latine qui doit être signé lundi 18 novembre : "faire venir de la bouffe d'ailleurs, ça nous chagrine déjà, mais c'est surtout comment elle est faite le problème [...] là-bas les OGMs sont acceptés", ajoute le président de la FDSEA. Emmanuel Macron a promis que la France "ne signera pas le traité en l'état".
A cette concurrence jugée déloyale s'ajoute les problèmes que pointaient déjà les agriculteurs lors de l'hiver dernier et qui n'ont toujours pas été résolus. "On réclamait la simplification administrative et on en est encore très loin. Et pareil pour les impasses techniques face à l'arrêt des traitements, on n'a toujours pas de perspectives", déplore Pascal Gouttenoire. A côté, Erwin Dupeuple, vigneron dans un domaine familial du Breuil, acquiesce : "ils nous interdisent tous les produits efficaces pour la vigne. Alors on essaie de travailler la terre et on traite pendant les trois heures autorisées la nuit, mais on y passe un temps fou", souffle-t-il, frustré par les dernières récoltes décevantes en raison du gel, de la grêle et du mildiou.
Les panneaux déposés à Lyon demain
Si la mobilisation s'annonce d'ores et déjà très suivie partout en France, pas question cette fois de bloquer les routes et autoroutes, assure le président de la FDSEA. "Le but ce n'est pas de descendre à Lyon en tracteur et de boucher les routes toute la semaine [...] d'autant plus dans le Rhône, puisque c'est Beaujolais Nouveau cette semaine et c'est trop important ici", dit-il au volant de son Partner.
Seule une petite "délégation symbolique" descendra sur Lyon lundi matin, avec "au moins 30 panneaux" chargés dans le coffre des voitures. Ceux-ci seront déposés en milieu de matinée, sur le pont Raymond-Barre à l'entrée de Lyon. Les quelques représentants présents doivent y rencontrer plusieurs parlementaires. "On espère que tous les députés et sénateurs du Rhône seront là, lance-t-il, autrement ceux qui ne seront là seront largement cités".