Le Centre national de la mémoire arménienne accueillait hier le journaliste Guillaume Perrier pour parler de son nouveau livre "Dans la tête de Recep Tayyip Erdogan" (Actes Sud). L'occasion pour les membres de la communauté arménienne de discuter de la Turquie qui refuse encore aujourd'hui de reconnaître le génocide de 1915.
À quoi pense Erdogan ? C'est la question à laquelle Guillaume Perrier, journaliste spécialiste de la Turquie, tente de répondre dans son dernier livre "Dans la tête de Recep Tayyip Erdogan" publié chez Actes Sud. Un livre qu'il est venu présenter hier au Centre National de la Mémoire Arménienne de Décines (CNMA) où il s'était déjà rendu en 2013 pour un autre ouvrage : "La Turquie et le Fantôme arménien" (Actes Sud).
"Erdogan est mystérieux, déstabilisant et difficile à cerner", admet le journaliste en préambule, avançant que la personnalité du leader turc pourrait être bien plus complexe et contradictoire qu'on ne voudrait bien le croire. Mais le public de ce soir est très inquiet et pas toujours enclin à mettre Erdogan sur le divan.
Midi à sa porte
Ici, c'est plutôt la dérive autoritaire du pays qui préoccupe, ses purges et son climat de plus en plus nationaliste. "Jusqu'où peut-il aller trop loin ?" demande, espiègle, une femme âgée dans le public. "Aussi loin que l'Union Européenne le lui permettra, répond Guillaume Perrier. Tant que l'Europe ne se montrera pas plus unie et plus forte, il aura le champ libre."
Un Homme s'empare du micro et lance lui aussi une critique contre les européens, mais pas contre les politiques : "Trump et Erdogan se ressemblent sur bien des aspects. Pourtant les médias français sont très complaisants avec Erdogan par rapport à Trump". Chacun voit évidemment midi à sa porte, mais le journaliste rappelle que Le Point vient de sortir un numéro avec en une Erdogan et le titre "Le Dictateur". "Quand je parle aux Turcs, eux ils trouvent que les médias sont bien trop méchants", nuance-t-il.
La condition des Arméniens en Turquie
Mais dans le climat actuel de la Turquie, l'audience de ce vendredi a surtout une inquiétude particulière pour le sort des Arméniens encore présents là-bas. "La communauté arménienne n'est plus très nombreuse, il y a environ 50 000 individus, et les chiffres sont sûrement un peu gonflés", explique Guillaume Perrier. "Quand le pays replonge dans ce genre de troubles, les Arméniens ont forcément tendance à partir."
Difficile dans ces conditions de rêver à un quelconque sursaut des populations arméniennes en Turquie, d'autant qu'Erdogan est actuellement bien plus préoccupé par la question Kurde, selon le journaliste. Mais dans le public, on se prend à spéculer et à espérer. Après tout, qui aurait pu prévoir le soulèvement populaire en Arménie et l'arrivée de Nikol Pachinian au pouvoir ? Alors le co-président du CNMA demande à Guillaume Perrier : peut-on imaginer que Garo Paylan, député du HDP (parti pro-kurde) engagé pour une reconnaissance du Génocide, devienne le leader de son parti en remplacement Selahattin Demirtaş qui fait campagne depuis sa cellule de prison ?
Tout cela est peu probable d'après Guillaume Perrier, qui note par ailleurs que "les Arméniens ne sont plus tellement un sujet en Turquie" au vu de l'actualité bouillonnante de la région. Au point que plus de 100 ans après la Turquie refuse toujours de reconnaître l'existence du génocide d'avril 1915. Malgré tout le public s'inquiète pour la sécurité du député Garo Paylan. Une sécurité qui est bien en jeu pour Guillaume Perrier, "pas parce qu'il est Arménien, mais tout simplement parce que c'est un militant de la démocratie, et qu'à ce titre, il est ciblé comme tous les autres."
La vidéo de la conférence est disponible ici.