Déconfinement : le retour à la vie des ados

En 54 jours de confinement, les adolescents ont dû s’adapter à l’école à distance, à la promiscuité familiale et à l’éloignement d’avec leurs copains. Aujourd’hui, malgré le déconfinement, la période reste incertaine et ils vont devoir attendre encore un peu pour retrouver leurs petites habitudes. Comment les aider à retourner dans la vraie vie, tout en respectant les consignes de sécurité sanitaire ? Comment peuvent-ils gérer au mieux la frustration de cette liberté surveillée ?

Pour certains jeunes, le déconfinement est une véritable délivrance. Ils peuvent à nouveau circuler sans attestation, faire du sport, revoir leurs amis… avec le risque qu’ils se croient au-dessus de la mêlée. A contrario, certains ados n’éprouvent pas le besoin, voire redoutent de sortir et restent “confinés” chez eux, ce qui est d’autant plus facile lorsqu’ils n’ont pas repris les cours. “Nous n’avons pas le recul nécessaire pour voir ce que ce confinement a pu générer chez les jeunes, souligne Karine Josse, psychologue lyonnaise pour enfants et adolescents. Mais outre l’ambiance familiale qui a forcément beaucoup joué, les enfants actifs ont plus souffert que les enfants casaniers, qui ont pu trouver leur compte dans cette situation. L’important aujourd’hui, c’est qu’ils sortent, qu’ils bougent, qu’ils voient leurs amis, sans oublier bien sûr la réalité du virus.”

Accepter les nouvelles règles

Les jeunes doivent ainsi apprendre à cohabiter avec le virus. Et pour pouvoir revivre le plus normalement possible, ils doivent accepter de se plier aux gestes barrières. Pas toujours facile d’acquérir des réflexes qui vont à l’inverse de ce qu’ils sont : porter un masque et cacher son visage, tenir une distanciation sociale qui empêche proximité et contacts, se laver les mains très régulièrement alors que le propre des jeunes est d’être dans l’insouciance et de se sentir immortels... “Les gestes barrières peuvent très vite s’automatiser, rassure Clémentine Boissier, orthopédagogue à Lyon. Les informations doivent être transmises et discutées en famille. Et relayées par l’école. Les parents doivent bien insister sur le fait que l’adolescent doit se protéger et protéger son entourage. Pour les jeunes, cela réclame une véritable prise de conscience du respect de soi et des autres.” “C’est beaucoup plus facile pour ceux à qui l’on a inculqué dès le plus jeune âge à prendre soin d’eux et à faire attention aux autres dans la vie de tous les jours”, ajoute la psychologue.

Une belle leçon de solidarité, de responsabilité et de conscience individuelle, qui doit impérativement être relayée par les parents. En la matière, ils doivent être exemplaires. On ne peut pas attendre de nos enfants qu’ils respectent les gestes barrières si on ne les applique pas nous-même. “Pour autant, les parents angoissés doivent lâcher prise : si on veut que nos enfants ne prennent aucun risque, il faut qu’ils restent à la maison. Mais c’est plus important qu’ils sortent. C’est même primordial pour leur santé mentale”, prévient Karine Josse. Si les jeunes ont la volonté de respecter les gestes barrières, ils les réinterprètent en effet parfois selon la situation. “Je sors régulièrement retrouver mes copains pour jouer au volley, raconte Basile, 15 ans. Au début, on a tous nos masques, puis on les enlève pour le jeu. Après on ne les remet pas, mais on essaie d’être assez loin les uns des autres.”

Gérer l’angoisse et l’incertitude

A contrario, certains jeunes n’osent toujours pas mettre le nez dehors. Ils ont peur d’attraper le virus, peur de contaminer leur entourage, peur de retrouver la vraie vie tout simplement. Clémentine Boissier confirme : “Le confinement n’a pas aidé les enfants stressés à prendre confiance en eux. Ils sont restés dans une sorte de cocon, protégés en quelque sorte de l’extérieur. Et ne voient pas de bonne raison de sortir.” “Il faut les réhabituer doucement, recommande Karine Josse. Car moins ils sortiront, plus ils auront peur. S’ils sont d’accord, on peut aller se promener avec eux, à des heures où il y a peu de monde. Il faut veiller à ce que l’angoisse ne s’installe pas durablement.” Évidemment, les parents ne doivent pas alimenter de scénarios catastrophes.

Le discours doit être positif, factuel. “Pour aider son enfant à relativiser, on peut lui donner des chiffres, pour lui montrer que l’épidémie est en baisse, que le virus circule moins, suggère l’orthopédagogue. On peut conseiller à son enfant de se recentrer, avec des exercices de respiration, de méditation, ou même à travers une activité artistique, culturelle ou autre, qui lui fait du bien. C’est lui qui a le contrôle de son cerveau et c’est bien de le lui rappeler.” Il faut aussi accepter de ne pas pouvoir rassurer totalement son enfant : le risque zéro n’existe pas, même dans la vie courante !

Se remotiver pour sa scolarité

Certains jeunes retournent à l’école en pointillé. D’autres n’y remettront peut-être pas les pieds pour cette année… Comment entretenir la motivation pour son travail scolaire lorsqu’il est réalisé à distance ? Si certains apprécient cette liberté, d’autres s’essoufflent et ont du mal à tenir sur la longueur. Il est en effet difficile de ne pas se sentir déjà en vacances. Sans emploi du temps imposé, le risque est de toujours remettre à plus tard les devoirs à faire.

Pour ceux qui ont tendance à procrastiner, on peut leur conseiller de se faire un planning de travail et de se fixer des objectifs de travail au jour le jour, recommande Clémentine Boissier. Maintenir la motivation est d’autant plus difficile pour les élèves qui n’ont pas ou peu de cours virtuels. Pour améliorer leur compréhension et rendre le contenu plus vivant, qu’ils n’hésitent pas à consulter les différents supports disponibles sur Internet : MOOC, vidéos YouTube, émissions en lien avec les cours… L’élève peut se mettre à la place du professeur en se demandant quelles questions il pourrait lui poser, et se préparer des petits quiz. Retranscrire son cours à l’aide d’une carte mentale est aussi un bon outil. Enfin, les adolescents peuvent aussi travailler en groupe par écrans interposés : ils peuvent s’entraider et cela rend le cours plus vivant.”

Pour certains jeunes, notamment ceux qui sont en fin de lycée ou en études supérieures, la crise sanitaire est source de nombreuses déconvenues et incertitudes. Quelques-uns n’ont plus cours, les stages et petits boulots ont pu être annulés… D’autres sont encore en préparation de concours ou d’examen mais avec un avenir flou à la clé… “On entend dire que la rentrée scolaire ne se fera peut-être pas en présentiel, confie Clémence, 20 ans, qui s’apprête à passer des concours d’écoles d’ingénieur. Après ces deux années de prépa intenses, je n’ai qu’une envie, c’est d’intégrer une école, vivre sur un campus… Si cela doit se faire à distance, c’est vraiment démotivant.” “Anticiper alors qu’on est dans l’incertitude est une vraie perte d’énergie, souligne Clémentine Boissier. Il faut faire revenir les enfants au moment présent et les ramener aux libertés qu’ils ont aujourd’hui. Ils peuvent faire des choix, construire leur avenir, voir leurs copains… Il s’agit de leur montrer qu’ils ont encore le contrôle de leur vie, même si c’est avec des conditions.”

Retrouver une bonne hygiène de vie

Pendant le confinement, les parents ont lâché prise sur bon nombre de sujets d’achoppement classiques : écrans, sommeil, alimentation… C’était nécessaire, car les jeunes devaient conserver un sentiment de liberté. Mais jusqu’à un certain point. Car il y a des familles où les ados se sont laissés aller dans une vie complètement dérégulée, sans plus de structuration du temps quotidien. Coucher au milieu de la nuit, lever à point d’heure, repas pris en décalé…

Le point d’orgue a été l’utilisation à l’extrême des écrans, légitimée par les cours à distance et le besoin de rester en lien avec ses amis. L’orthopédagogue explique : “On a dû faire face à une sorte de confinement dans le confinement : les enfants se sont confinés derrière leurs écrans, ils se sont enfermés dans une bulle qui ne leur demandait aucun effort. Même si l’on sait que pour quelques-uns, c’était une manière de fuir le réel : une ambiance morose auréolée d’angoisse.” “Pour ces jeunes nés avec les écrans, le confinement a été une sorte d’aboutissement du système, ajoute Karine Josse. Ce trop-plein d’écrans a fini de les enfermer. Et je ne suis pas sûre que pour certains, le contact physique avec leurs copains leur manquait vraiment.” “Mon fils a passé presque tout le temps du confinement allongé sur son lit, son téléphone en main, à jouer, à discuter avec ses copains, rapporte Nadège, mère de Félix, 16 ans. Aujourd’hui, c’est difficile de le faire sortir, d’autant que tous ses amis restent cloîtrés chez eux, derrière leur écran…”

Pour l’équilibre physique et psychique de l’ado, il est indispensable de lui redonner un cadre sain, structuré, même si c’est difficile de faire marche arrière. Les jeunes comprendront assez facilement que ces libertés exceptionnelles étaient liées à une situation exceptionnelle, et se sentiront probablement rassurés par le retour de règles cohérentes et structurantes.

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