Comme toutes les visites de ministre, celle-ci s'est déroulée montre en main. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Justice, a passé deux bonnes heures en banlieue lyonnaise, mercredi 22 septembre. Dans le cadre de sa mission sur la prévention de la délinquance juvénile, il a rencontré les acteurs rhodaniens.
Jean-Marie Bockel a donc fait un passage express à Meyzieu mercredi. La commune est loin d'être sur la liste rouge en matière de délinquance. Mais le ministre a cru bon de cibler son dispositif de Point Accueil Ecoute Jeunes (PAEJ), créé en 2006. Quinze minutes dans les locaux de celui-ci, puis Jean-Marie Bockel a filé en mairie entendre les témoignages d'une vingtaine d'acteurs de terrain. Une table ronde avait été réunie en urgence par le maire, prévenu la veille.
Demandes de crédits, mais pas de « trésor caché » a prévenu le ministre
Les acteurs de la prévention de la délinquance étaient néanmoins présents. Odette Garbecht, professeur au collège de Meyzieu, a réclamé " des moyens dans les centres médico-psychologiques du Rhône", rappelant que " les jeunes en difficulté [devaient] attendre en moyenne un mois et demi avant d'être reçus ". Un temps d'attente incompatible avec la prévention de la récidive, selon elle.
Annick Capiaux, présidente de la mission locale, a elle aussi réclamé des sous par peur de ne pouvoir poursuivre son travail auprès des jeunes en prison. Depuis 2006, ses conseillers préparent la sortie des jeunes incarcérés. Ils ont ainsi trouvé un emploi à 580 d'entre eux et plus de 300 ont pu suivre une formation.
Mais sur la question des moyens, le secrétaire d'Etat n'a cessé de botter en touche, répétant une formule bien sentie : "il n'y a pas de trésor caché dans le budget de l'Etat " d'un air entendu. Il a néanmoins promis de tout faire pour que "l'effet levier de l'Etat joue à plein là où on en a besoin". Restent à définir les priorités de son plan d'action de lutte contre la délinquance.
« Savoir où mettre le curseur »
Daniel Dao, policier et éducateur de rue depuis 43 ans, n'a pas mâché ses mots, s'adressant sans langue de bois au ministre, il lui a dit : selon moi, les agents de terrain doivent se donner [...] Il n'y a pas d'un côté la police et de l'autre, les agents de prévention, la lutte contre la délinquance, c'est un tout ». Illustrant son propos, il a poursuivi : « si je prends un jeune qui fait de l'incivilité, je contacte ses parents. Et contrairement à ce que l'on entend souvent, ses parents me soutiennent. A partir de ce lien, je peux travailler. Pour moi, prévention et répression, c'est la même chose. Il faut seulement savoir où mettre le curseur ».
Le ministre a réagi en promettant de "soumettre la piste de la professionnalisation des nouveaux métiers de la prévention" au Président. Une piste vieille de vingt ans ... L'intervenante suivante, Sandy Roux, responsable du service Prévention à la mairie de Meyzieu a rebondit, "c'est la question de la fonction éducative de l'adulte qui se pose ici. Autrefois, si un voisin avait un problème avec un jeune, il allait voir ses parents. Aujourd'hui, il faut que ces acteurs de terrain soient là".
Le maire fait des rappels à la loi
A Meyzieu, le maire UMP Michel Forrissier s'est lui aussi saisi du problème, à sa façon. « En tant que maire, je suis officier de police judiciaire. Je peux donc faire des rappels à la loi. Si un jeune à fait quelque chose, je convoque ses deux parents en mairie, même s'ils ne vivent plus ensemble. Je les préviens que la prochaine fois, on poursuivra devant les tribunaux". 17 mineurs aurait ainsi été convoqués par le maire depuis le début de l'année. Dans 85 % des cas, la méthode fonctionnerait. Un suivi pouvant parallèlement être mis en place avec les services sociaux de la ville.
Une méthode certainement appréciée par Jean-Marie Bockel, le secrétaire d'Etat à la Justice ambitionne de remettre les parents au coeur du dispositif national de prévention de la délinquance. Ses deux autres pistes : la lutte contre la récidive et le renforcement de la coordination des acteurs de terrain figurent toutes au coeur du rapport remis par son proche conseiller, Jean-Yves Ruetsch, le 18 février dernier. Le secrétaire d'Etat aura eu deux mois et demi pour réfléchir aux futures orientations de politique nationale en matière de prévention de la délinquance juvénile. Un peu court ? Aussi court que sa visite à Meyzieu.
Des Assises nationales sont néanmoins prévues le 14 octobre, "pour vérifier que les pistes que j'évoque rassemblent". Il remettra son rapport au chef de l'Etat le 20 octobre.
Pour aller plus loin : le rapport de Jean-Yves Ruetsch, conseiller du secrétaire d'Etat en matière de prévention de la délinquance chez les jeunes, remis le 18 février dernier.