Le déplacement des demandeurs d'asile du souterrain de Perrache vers la place Gensoul, début juillet, n'empêche pas les membres de l'association Kafesito de continuer à venir leur offrir le petit-déjeuner, tous les mercredis matins à 7h. Une occasion pour nous de se rapprocher d'eux, pour saisir une part de leur quotidien, et même d'échanger quelques paroles.
Au petit matin, les demandeurs d'asile de Perrache commencent à peine à sortir de leurs tentes. Le stand de l'association Kafesito installé sur la place Carnot, et les premiers debout se précipitent sur les baguettes. Sous le pont de l'autoroute A7, où leur campement est installé, certains se plaignent de devoir se déplacer sur des centaines de mètres. Et pour cause, une femme montre d'un air embarrassé un bébé d'à peine 4 mois endormi dans sa tente. Il n'y a pas de pain pour les derniers arrivés.
"La distribution devient difficile à gérer, déplore l'un des membres de Kafesito, il y a trop de monde et pas assez de pain". Pendant ce temps, les enfants s'éveillent, commencent à s'agiter sur le parking sous le pont, à côté des voitures. Pour Michel Jouard, militant associatif qui les côtoie régulièrement, on dénombrerait 13 enfants de moins de trois ans. Selon des sources croisées, il y aurait près de 150 adultes et l'on comptait 50 tentes sur le campement il y a une dizaine de jours.
Un déplacement insignifiant ?
Sous l'Autoroute du Soleil, 60 m² environ sur un terrain en pente, des voitures alentour et le grondement des moteurs. A priori, le lieu n'est pas si différent du souterrain dans lequel les demandeurs d'asile avaient élu domicile - mais le mécontentement des campeurs peut se deviner. Les équipes de Médecins du Monde nous rapportent leur problème principal : l'eau. Pour boire, il y a sur la place Carnot une fontaine publique et des toilettes dans l'échangeur ; mais place Gensoul, les conditions sanitaires sont moins bonnes. Il y a bien une fontaine, mais on peut y trouver un écriteau : "Eau non potable".
Un problème préoccupant pour Médecins du monde, qui a distribué le mercredi 10 juillet des jerricanes et des kits d'hygiène : "Il y a eu des enfants malades. On a essayé de leur expliquer qu'il ne faut pas boire cette eau, mais désormais les enfants sont complètement déshydratés". La même association explique même que, selon elle, le point d'eau potable de la place Carnot a été coupé sciemment par les riverains peu avant le déplacement du camp et récemment rouvert.
L'asile politique, c'est-à-dire ?
Parmi eux, un homme surnommé Toni parle l'italien et accepte de répondre à quelques questions. Il se déclare Albanais, "comme la plupart ici" ajoute-t-il, avant de préciser qu'il y a aussi des Kosovars et des Bosniaques. Quelques Roms, eux aussi albanais et demandeurs d'asile, vivaient aussi avec eux, mais les associations sur place racontent que la police serait venus les chercher pour les déplacer. Toni évoque, dans un discours impersonnel, la mafia albanaise, les tensions entre la communauté rom et musulmane ou avec la communauté catholique, puis raconte qu'il a travaillé en Italie deux ans avant d'arriver en France pour faire une demande d'asile politique.
Un autre, qui parle un peu français, résume en s'indignant : "Je suis là depuis 2011, avec ma famille, mes enfants malades, je suis demandeur d'asile, l'asile politique, et personne ne fait rien !" Il ne dit rien de plus. Toni nous assure que tous sont demandeurs d'asile et qu'ils attendent la décision de l'OFPRA. Il conclut sur le ton du drame : "Non sapevano che qui sarebbe così, non sapevano". "Ils ne savaient pas que ce serait ainsi. Personne ne le savait".