Les journées des demandeurs d’asile sont faites d’attente. Celle de la décision administrative qui fera d’eux des réfugiés ou des indésirables. Dans le village de bungalows d’Oullins, géré par l’association Forum Réfugiés, les familles tuent le temps en étudiant et en participant à des ateliers.
Les familles et les bénévoles sont réunis sur la petite place centrale du camp, formée par une demi-douzaine de bungalows. Une dizaine d'enfants font leur spectacle de fin d'année : ils entonnent un Alouette, gentille alouette chorégraphié, guidés par leur institutrice. Tout le monde applaudit. La bonne humeur est de mise, malgré l'incertitude qui règne sur l'avenir des demandeurs d'asile.
L'association Forum Réfugiés, qui œuvre pour l'accueil des individus fuyant leur pays, organisait ce jeudi 12 juin des portes ouvertes dans le camp d'hébergement d'urgence qu'elle gère à Oullins*. Près de 30 logements préfabriqués composent ce village mis en place en novembre 2013, au début du plan Grand Froid. Des habitats de quelques mètres carrés, au confort spartiate, logeant parfois jusqu'à 7 personnes. Temporaires, les conteneurs seront démantelés d’ici fin juillet, ce qui laisse peu de temps pour trouver une solution aux familles restantes.
Démarches administratives et hébergements temporaires
250 personnes sont passées par le camp d'Oullins, dont 147 enfants. La plupart d'entre elles sont albanaises ou russes. Les premières fuient des vendettas traditionnelles, les deuxièmes des discriminations ethniques. On trouve aussi quelques familles africaines issues de pays en guerre, Centrafrique et RDC en tête. Antoine Lachaux, chef de service du centre, explique : "À leur arrivée, les gens sont logés soit chez des compatriotes, soit en hôtel avec le concours des associations, soit ils sont pris en charge par le 115. La suite dépend de l'avancée de leur parcours administratif. Ils passent par des centres de transit avant d'être hébergés en CADA (centre d'accueil de demandeurs d'asile)". Les familles présentes à Oullins, faute de place dans ces structures, dormaient auparavant sous le pont Kichtener à Perrache, avant que la préfecture ne décide la création du village de bungalows.
Les gens ici attendent. Ils ont tous déposé une demande auprès de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) pour être reconnus comme réfugiés. Leur sort dépend de leur dossier et de l’entretien passé à Paris. Quentin, salarié de l'association, qui s'occupe notamment de l'accompagnement juridique au sein du centre d'accueil d'urgence, explique : "Nous aidons les familles dans les démarches administratives. L'argumentation est très importante. En cas de rejet du dossier par l'Ofpra, les demandeurs d'asile peuvent faire un recours auprès de la CNDA (Cour nationale du droit d'asile). Un nouveau rejet peut signifier une expulsion."
“Les parents ont compris que c’est par la langue que se fait l’intégration”
Angelica est russe. En anglais, elle explique son appréhension à quitter le village de préfabriqués : "Ça a été dur de trouver cet endroit. On ne veut pas aller ailleurs car nous apprenons le français et les langues de chacun ici. On y a nos amis." La langue n'est finalement que peu une barrière. Les habitants se comprennent comme ils peuvent. Tous prennent des cours de français, donnés au camp une fois par semaine par des bénévoles. Telle Marie-Joëlle, qui s'est investie après avoir été choquée par des manifestations hostiles à l'implantation du village à Oullins : "Ils ont tous un très grand désir d'apprendre. L'entraide est omniprésente car ils sont tous au même niveau avant d'arriver." Monique complète : "Les parents ont compris que c'est par la langue que se fait l'intégration."
Les enfants de 6 à 8 ans disposent quant à eux d'une salle de classe et de cours tous les jours de la semaine. Un camion-école passe les jeudis et vendredis pour les maternelles. C'est, selon Antoine Lachaux, le seul camp en France à disposer d’un tel dispositif éducatif. Lucile est l'institutrice, dépêchée par l'Education nationale. Elle applique un programme de grande section de maternelle, qu'elle adapte en fonction de la progression des élèves. Pour les langues, elle utilise une méthode de français langue étrangère. "Mais ces cours ne sont pas un tremplin pour des écoles françaises, regrette-t-elle. Il leur manque seulement un bain de français pour avoir un très bon niveau." À la rentrée prochaine, l'éducation des enfants dépendra du CADA dans lequel leur famille sera hébergée.
S’approprier le lieu de vie
Les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler. Ils touchent l'ATA, une aide financière équivalente à 340 euros par mois, afin de subvenir à leurs besoins. Si les cours de langue permettent d'oublier un peu l'appréhension de la réponse de l'Ofpra ou de la CNDA, ils ne suffisent pas. Forum Réfugiés a donc mis en place des animations pour occuper tout le monde : Café femmes pour les dames, partage des cuisines typiques des pays de chacun, atelier de couture, de menuiserie ou de jardinage. Selon Marine, de Forum Réfugiés, qui est chargée de l'animation et de la vie collective dans le village, "les animations comblent des attentes. Les demandeurs d'asile, dans leur pays, étaient de toutes professions et de tout niveau social. Ce qu'ils produisent lors des ateliers permet d'aménager le camp, de se l'approprier. C'est valorisant".
Dans un mois et demi, toutes les familles auront quitté les lieux. Direction : des CADA répartis sur la France entière. Des destinations provisoires, ils n'ont pas fini d'en voir.