Des “connes”, des “salopes” et deux beaufs

Guy Bedos a traité de “conne” et de “salope” Nadine Morano au cours d’un spectacle qu’il donnait à Toul. Bedos est un humoriste au style fait de provocations, et Nadine Morano conseillère municipale de Toul. C’était en quelque sorte inévitable. Mais Jean Bourdeau, c’est une autre histoire.

Guy Bedos a donc traité de “conne” et de “salope” Nadine Morano au cours d’un spectacle qu’il donnait à Toul. Bedos est un humoriste, son style est fait, on le sait, de provocations souvent corrosives, parfois vulgaires ; les spectateurs viennent le voir pour cela, ils payent pour cela. Il était sur scène dans la ville dont Nadine Morano est conseillère municipale, c’était en quelque sorte inévitable. Les termes “conne” et “salope” font d’ailleurs partie de son répertoire, il les avait déjà utilisés dans le sketch La Drague en 1972 avec sa partenaire Sophie Daumier, dans un autre contexte certes. Il a depuis lors présenté à Nadine Morano une forme d’excuses quand il a constaté aussi qu’il n’avait pas fait rire grand monde.

Un tweet plutôt que des idées

Mais Jean Bourdeau, c’est une autre histoire. Le Bourdeau en question est l’assistant parlementaire d’un sénateur socialiste. Il brigue la mairie de Châteaudun. Il n’était pas sur scène – qu’y ferait-il ? – quand tout seul dans son petit bureau il a “tweeté” sur son petit clavier un commentaire sur Marion Maréchal-Le Pen en la traitant aussi de “conne” et de “salope”. L’appréciation ne paraît pas relever d’une quelconque relation privée mais bien d’un commentaire politique.

Bourdeau n’en explique pas les raisons ; Marion Maréchal-Le Pen est députée du Vaucluse, il ne semble pas qu’elle ait manifesté une quelconque ambition municipale à Châteaudun. Alors ? La seule explication possible est que Bourdeau fasse partie de ces parasites qui surfent sur la notoriété d’autrui (Bedos, Le Pen) ; c’est réussi d’ailleurs, on parle de lui pour la première fois.

Rien n’interdisait, rien n’interdit à Jean Bourdeau de combattre nettement, vigoureusement les idées du Front national, mais qu’est-ce qui justifie ces insultes, cette inélégance, ce manque de courage qui consiste à agresser en termes grossiers à distance une jeune femme ?

“Liberté d’expression”, mais refus du débat

Le plus extraordinaire, cependant, c’est la réaction du patron de Jean Bourdeau, le sénateur Jean-Pierre Michel, 75 ans, toujours sur la brèche mais dans le confort douillet du palais du Luxembourg, la maison de retraite des vieux serviteurs des partis politiques. Pour Jean-Pierre Michel, les termes “conne” et “salope” relèvent de la liberté d’expression et d’un trait d’humour. M. Jean-Pierre Michel est un ancien magistrat, fondateur du Syndicat de la magistrature, le promoteur du “mur des cons”, au sujet duquel l’honorable sénateur avait déjà indiqué que “les personnes raillées n’[avaient] que ce qu’elles mérit[ai]ent”. Il persiste donc et signe.

Il en va d’ailleurs de même pour son assistant Jean Bourdeau qui, loin, très loin de présenter des excuses à l’instar de Bedos, en remet une couche et à la louche en retweetant et en traitant les électeurs du Front national de “beaufs”. Il y a certainement des “beaufs” au Front national, on en connaît désormais aussi au moins deux au Parti socialiste.

Mais, derrière ces attitudes, se dessine une posture beaucoup plus inquiétante, qui relève du sectarisme le plus obtus (pardon pour ce pléonasme). La politique, c’est la confrontation des idées, des programmes, des projets, mais pas l’injure qui – de tout temps et sous toutes les latitudes – a toujours signifié : peu importe ce que vous pensez, nous n’allons même pas réfuter vos opinions, nous refusons de débattre avec vous, ce que vous dites n’a aucune importance puisque vous êtes des con(ne)s et des salauds/salopes, et ce nécessairement, puisque vous ne pensez pas comme nous.

Visiblement, ils perdent pied. Les socialistes étaient pourtant dans une situation exceptionnelle en détenant tous les pouvoirs exécutifs, législatifs, régionaux, municipaux. Ils sont en train d’échouer, ils le savent, mais ils ne le supportent pas, ni que les électeurs se détournent d’eux. Peuple de cons et de salauds.

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