Lundi 4 avril, quarante-neuf locataires de la Société anonyme de construction de la ville de Lyon (SACVL) réglaient en justice leur différend avec le bailleur social. La SACVL leur réclame, en moyenne, une augmentation de loyers de 40 à 50%. Quatre-vingt seize locataires sont donc montés au créneau, partagés entre la peur d'une expulsion et l'envie d'en découdre face à cette ultime hausse.
Sur les bancs de la chambre A du Tribunal de Grande Instance de Lyon, les têtes grises, venues en nombre, prennent leur mal en patience. L'audience qui oppose quarante-neuf locataires de la SACVL à leur bailleur n'est qu'un énième épisode d'un conflit portant sur l'augmentation des loyers. L'histoire de ce désamour débute en 2009 lorsque la SACVL, société de droit privé détenue à 76% par la ville de Lyon, alors plongée dans une sombre affaire de prêt toxique (lire par ailleurs) décide d'augmenter les loyers de son parc locatif. ''Afin de s'adapter aux prix du marché'', justifie aujourd'hui son président Michel Le Faou, qui se plaint de ne pas recevoir d'aide publique, contrairement aux bailleurs sociaux. ''Même après cette réévaluation, nos loyers se situent très légèrement au-dessus du logement social'' se défend-il.
La SACVL et ses irréductibles locataires
La quasi-totalité des locataires – 90 % – signe par écrit l'augmentation de loyers. ''Par peur, ces personnes ont accepté des augmentations terrifiantes'', plaidait lundi matin, Marie-Noëlle Fréry, avocate des locataires, dans son réquisitoire contre le bailleur lyonnais. La procédure se poursuit : en novembre 2009, représentants du bailleur et des quatre-vingt seize locataires non-signataires sont réunis devant la Commission de conciliation. Sans succès. Un avis de non-conciliation plus tard, la SACVL saisit le juge. Le nouvel acte de ce feuilleton locatif est ouvert depuis le 21 février dernier : les quatre-vingt seize dossiers sont examinés devant la justice.
Me Marie-Noëlle Fréry énonce dans son réquisitoire, la ''nullité de la notification transmise par la SACVL pour justifier l'augmentation des loyers''. Les références prises en compte par la société lyonnaise ne correspondraient pas, tant au niveau des surfaces qu'au niveau de l'état des appartements. Les locataires du 5e arrondissement de Lyon, regroupés au sein de l'association UD/CSF69 (Confédération syndicale des familles) ont eux-mêmes effectué les vérifications. L'avocate poursuit son énoncé en huit points par l'annonce d'augmentations préalables, à trois reprises. En 1988, 1993 et 2003, la SACVL avait déjà invoqué une sous-évaluation pour procéder à l'augmentation de ses tarifs.
Le combat entre avocates, dans un tribunal exclusivement féminin, se fait donc à coup d'article 17c (loi du 6 juillet 1989) énonçant : ''lors du renouvellement du contrat, le loyer ne donne lieu à réévaluation que s'il est manifestement sous-évalué''. Me Fréry avance l'utilisation de l'article 17c comme une ''procédure exceptionnelle''. L'avocate de la SACVL, Me Clerc rétorque par ''l'absence de limitation d'utilisation de ce texte''. Derrière elles, les locataires, pour la plupart des personnes âgées, parfois malades, de condition moyenne ou modeste, attendent le verdict du Tribunal.
Optimisme partagé
Les locataires demandent le renouvellement de leurs baux pour les six ans à venir, sans l'augmentation moyenne de 40 à 50% – voire plus – ainsi que 300 à 500 euros de dommages et intérêts, et le remboursement de leurs frais d'avocat. Les deux parties sont optimistes quant à l'issue du procès. Sur les onze jugements individuels déjà rendus, dix l'ont été en faveur de la SACVL, ce qui semble de bonne augure pour son président Michel Le Faou, qui ne préjuge pas du délibéré de la justice mais se veut positif. Même optimisme à l'envers, pour l'avocate des parties civiles. Seuls les locataires quittent le tribunal anxieux. Le délibéré est attendu pour le 27 juin prochain, par courrier adressé aux locataires.