Lyon Capitale s'est procuré une note interne de la Métropole détaillant les nouveaux critères de prise en charge des mères isolées dans ses dispositifs d'hébergement d'urgence. Comme prévu, ils sont restreints.
Mi-juillet, la Métropole de Lyon annonçait à ses travailleurs sociaux, sans communication publique, mettre en pause l'accueil de nouvelles mères isolées avec enfant dans son dispositif d'hébergement d'urgence. À l'époque, Renaud Payre, vice-président en charge du logement avait dû défendre auprès de nos confrères du Progrès une décision prise en raison d'une "situation budgétaire contrainte". Inaudible pour les associatifs, notamment la présidente du Samu social, Maud Bigot, qui avait alors couché sur papier son indignation, créant de vives réactions politiques et médiatiques.
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Les demandeurs d'asile exclus du dispositif
Quelques semaines plus tard, le président écologiste de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, annonçait à la presse la reprise des prises en charge, tout en assumant durcir un critère territorial, qui restait toutefois à préciser. En bref, la collectivité expliquait qu'elle ne prendrait dorénavant en charge que les personnes ayant "un lien avec son territoire". Mais une note interne transmise aux travailleurs sociaux de la Métropole de Lyon, dévoilée par nos confrères de rue89Lyon que Lyon Capitale s'est procurée, révèle un durcissement plus global des critères de prise en charge des mères isolées.
Ainsi, la Métropole de Lyon réduit son intervention au public le plus strict dont elle est légalement responsable : les femmes isolées, avec enfant de moins de trois ans, hors demandeurs d'asile. La note interne, qui sans être définitive, est bien effective selon plusieurs sources politiques et associatives, indique dorénavant que la "mise en oeuvre des conditions matérielles d'accueil relève de la compétence de l'Etat et de l'Office français de l'immigration et de l'intégration". Contacté, le vice-président socialiste en charge du logement n'a pas répondu à notre sollicitation. La Métropole de Lyon non plus, au moment où nous écrivons ces lignes. À nos confrères de rue89Lyon, Renaud Payre a indiqué que la prise en charge de demandeurs d'asiles (compétence de l'Etat) par la métropole de Lyon ne pouvait "pas perdurer".
Des conditions "ni applicables ni tenables pour les travailleurs sociaux"
Aussi, les travailleurs sociaux devront désormais évaluer "l'isolement de la mère" et rechercher la présence d'un père. Un mission qu'ils devront concilier avec une autre de leur prérogative légale : celle de restaurer des liens familiaux éventuels, notamment avec un père absent. Mais en cherchant à restaurer les liens avec un père, les travailleurs sociaux pourraient par la même faire passer la mère et son enfant sous la compétence de l'Etat, et ainsi leur faire perdre l'hébergement d'urgence dont ils disposent. Par ailleurs, l'évaluation de la situation du public accueilli devra désormais être réalisée une fois par mois, contre une fois tous les trois mois précédemment.
Le critère territorial est quant à lui détaillé. Une "domiciliation doit être
effective lors de la demande de mise à I'abri", exige la Métropole de Lyon. Par ailleurs, et comme annoncé à la presse par Bruno Bernard, pour "les mères déboutées de la demande d'asile dans un autre département, un renvoi sera réalisé au département dans lequel a été effectuée la demande d'asile".
Un durcissement que Nathalie Perrin-Gilbert a dénoncé lors du conseil municipal de Lyon jeudi 26 septembre, au cours de son intervention préalable : "Les conditions mises en place par la Métropole pour héberger les femmes seules et les enfants de moins de trois ans ne seront ni applicables ni tenables pour les travailleurs sociaux. De fait, et de nouveau, des nourrissons risquent de connaitre la rue à leur sortie de maternité. Le fameux retour en arrière de la métropole n’a, dans les faits, pas eu lieu."
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"L'Etat ne remplit pas ses obligations", justifiait Bruno Bernard
De leur côté, les acteurs associatifs restent prudents et se refusent à commenter ces nouvelles consignes qui sont présentées comme transitoires et qui devraient être arrêtées, et éventuellement revues, début 2025. Ils confient cependant tous leurs inquiétudes, aggravées par le contexte politique national avec l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement de droite. Pour rappel, Bruno Bernard avait justifié le durcissement de ses conditions d'accueil par l'"incapacité" de la collectivité "d'être dans une augmentation permanente" du nombre de places d'hébergement d'urgence, alors que son budget dédié uniquement à la prise en charge des mères isolées avec un enfant de moins de trois ans a atteint plus de 11 millions d'euros en 2024, dans un contexte de baisse des recettes auquel s'est ajouté une forte inflation.
Le président écologiste avait alors rappelé que plus de 1 100 personnes dont 731 enfants sont actuellement mises à l'abris dans les dispositifs d'accueil de la Métropole, tout en appelant l'Etat et les départements voisins à prendre leur part. "L'Etat ne remplit pas ses obligations, nous faisons quant à nous plus que ce que nous devrions faire dans notre compétence" assurait ainsi Bruno Bernard.
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