Foisonnantes d'anecdotes, la réalisatrice s'est prit au plaisir de conter ses histoires de famille et de cinéma. Pas facile de suivre l'ex-fan des sixties dans le labyrinthe tortueux de ses souvenirs. Extraits.
Un film qui questionne le souvenir
"Ton souvenir est aussi sélectif qu'une machine à laver" me disait John Hurt (acteur britannique). Je crois qu'il a raison. Se souvient-on exactement des histoires ? Tu te souviens toujours un peu mais c'est peut-être complètement différent de ce que quelqu'un d'autre a vu. Quelqu'un m'a dit hier en parlant du film - c'était intelligent mais je ne vais pas le dire aussi bien que lui - "c'est comme la logique d'un rêve". Et ça m'a semblé très juste. Les souvenirs c'est comme un rêve. Avec le film, j'ai compris que tout ce qui compte c'est ce que les autres ont gardé. Même si au final je n'ai donné que mon point de vue. Le film donne une certaine couleur aux souvenirs. Et puis Agnès Varda m'a dit si tu veux pas être trahi par les autres fait le film toi-même. Je me suis dit qu'elle avait raison. Je n'ai jamais voulu une autre forme que du cinéma.
Un nécessaire premier long métrage
Il me semblait qu'on avait pas suffisamment écrit sur les mères. Sur les pères oui, les pères sont toujours le héros de leur fille, comme mon père l'a été pour moi. Les mères sont là pour leur fille comme l'a été ma mère. J'ai refusé depuis 20, 40 ans de faire une biographie parce que je ne suis pas sûr des dates. J'ai juste mes propres points de vue. Je suis partie d'anecdotes et d'interrogations. Par exemple : c'est quoi ce chagrin potentiel sur le visage de mes filles ? Et puis je me demandais des questions : est ce que j'ai été une bonne mère, est ce que j'ai fait ce qu'il fallait... toutes ses questions sont dans le film. Les dialogues sont fait des reproches très précis que m'ont fait mes 3 filles. Parfois il y avait plus à dire pour l'une ou pour l'autre. Les autres reproches, on ne me les a pas donné, il a fallu que les devine.
Etre ou ne pas être Jane...
J'espèrai trouver un personnage pour m'incarner. J'avais demandé à Géraldine Chaplin de jouer mon rôle mais elle disait "tu m'as raté de 10 ans". Je répondais "non quand on est avec toi tu n'as pas d'âge". Mais elle disait qu'à l'écran elle faisait plus que son âge. Elle a connu ma mère et savait comme elle être douce et triste comme une tragédienne de Bergman. Le rôle de ma mère était pour elle.Pour Géraldine, il faut que la personne qui joue Anna (ndlr : le rôle de Birkin) soit exactement 49 ans, l'âge de mon personnage. A 49 ans, la femme a peur de la ménopause, il y a encore un adolescent qui traîne dans la maison, elle espère encore en l'amour. A 60 ans, vos angoisses sont plutôt : "est ce que quelque chose va arriver aux pères de mes filles, à mes petits enfants", votre propre mort. Même si ce n'est pas une préoccupation personnelle. Ce sera plutôt un soulagement au contraire. (...). J'avais aussi pensé à Nastasia Kinski pour le rôle d'Anna. Mais avec les années elle est devenue vraiment femme. Et puis Rosanna Arquette avait refusé le rôle 2 semaines avant le tournage, donc j'étais bien dans la merde. Il fallait que je trouve une vieille adolescente. Il y a peu de femmes qui sont un peu clown en même temps, qui n'ont pas peur de jouer sans maquillage, moitié anglaise et qui pouvait parler français. Ca faisait beaucoup ! Donc finalement c'était moi.
Reste t-il encore des choses à dire...
Mais ce que j'ai dit là c'est le minimum. J'aimerai faire un film sur les personnes qui vieillissent. J'ai travaillé en hôpital et maintenant que j'ai vu les asiles de fou, ça m'intéresse aussi. Et puis quand je vois mes trois filles, je me dis oui, il y a quelque chose à dire encore...