Code ethnique

Discriminations : 8 mois de sursis requis contre une gérante qui établissait des codes ethniques

La 6ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Lyon jugeait jeudi 18 novembre une ancienne gérante de plusieurs agences immobilières pour des discriminations au logement. Le jugement sera rendu en fin de semaine prochaine après quasiment dix années de procédure.

La prévenue, gérante des agences Mil’Im de Lyon, de Villeurbanne et de Vienne jusqu’au début des années 2000, était accusée d’avoir pratiqué des discriminations au logement envers des clients d’origine étrangère. Son commerce, qui consistait à fournir des listes de logements disponibles à la location, prenait en compte les réticences ethniques des propriétaires. Quinquagénaire fatiguée, elle apparaît abattue à l’audience. Face à elle, Maître Myriam Plet, représente la partie civile constituée par SOS Racisme.

Une procédure longue et minutieuse

Tout commence au début des années 2000 lorsqu’une ancienne employée d’une agence que dirigeait la prévenue signale à SOS Racisme des soupçons de discrimination au logement. L’employée explique alors que les fiches remplies pour les propriétaires consistant à donner les caractéristiques de leurs logements font état d’une codification mentionnant leurs préférences sur l’origine des locataires. Une colonne comportait un chiffre qui correspondait à une origine préférée : 1 pour européenne, 2 pour maghrébine, 3 pour antillaise et 4 pour africaine.

SOS Racisme décide alors de procéder à une série de testing sur l’agence concernée afin de vérifier les soupçons. L’opération se révèle concluante. Pour des demandes identiques réalisées par des clients différents, l’un d’origine européenne et l’autre d’origine extérieure à l’Europe, le premier avait reçu 11 propositions de logement alors que le second seulement 8. Plus troublant encore, le second n’avait pas eu dans ses 8 propositions celle concernant un logement qui correspondait totalement aux demandes formulées. Pour la partie civile, la discrimination est caractérisée. Le 18 avril 2003, la plainte de SOS Racisme est déposée, mais des problèmes d’instructions ne feront arriver le cas devant le tribunal qu’en 2010.

Un délit de bureau

Maître Victor Gioia, avocat de la défense, rappelle de son côté que l’employée qui avait mis en premier lieu en cause la prévenue avait eu un conflit prud’homal avec cette dernière. Un sentiment de vengeance ? L’instruction du dossier ne va pas dans ce sens. 8 des 22 ex-employés de l’agence de Lyon interrogés par le juge reconnaissent avoir eu connaissance de cette méthode de codification. Le passé de la prévenue ne joue pas non plus en en sa faveur. En 2006, elle avait déjà été condamnée par le tribunal de Vienne pour des faits similaires. Elle nie toutes les accusations : " Je reste sur ma position, je n’ai jamais donné de consignes sur les exigences des propriétaires ", affirme-t-elle à l’audience. Elle explique également que les fiches et les codifications provenaient d’un logiciel développé par la maison mère dont ses commerces n’étaient que des franchises.

Pour la partie civile, c’est "une affaire banale, (…) un délit de bureau". La prévenue se serait pliée aux desideratas de l’entreprise Mil’Im qui lui aurait imposé ces codes ethniques. Pour preuve, elle montre à l’audience un document intitulé "Démarche qualité" (voir ci contre) qui décrit l’application de ces codes. Seul hic, aucune preuve de la provenance ou de l’application de ce document ne permet de confondre l’entreprise mère. Le procureur Descot recentre les débats et rappelle que "la question n’est pas de savoir si Madame a un sentiment raciste (…), mais de savoir si elle a commis des discriminations". Elle requiert 8 mois d’emprisonnement avec sursis et 2 ans de mise à l’épreuve ainsi qu’une obligation de publication du jugement à son encontre et explique que l’on reproche à la prévenue "de ne pas s’être opposée aux pratiques discriminatoires". Maître Victor Gioia se désole quant à lui de voir sa cliente, victime des pratiques de ses supérieurs, payer pour des personnes qui ne sont pas sur le banc des accusés à côté d’elle. Le jugement sera rendu jeudi 25 novembre.

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