Il est cité à comparaître le 19 février prochain au Tribunal correctionnel de Bobigny. Il est accusé d'incitation à la rébellion et d'entrave à la navigation d'un aéronef.
16 avril 2008. André Barthélémy part en mission pour son association. Il se rend au Congo pour apporter son soutien à la lutte contre le trafic et l'exploitation d'enfants. Il prend l'avion à Roissy, un vol Air France à destination de Brazzaville. Une fois à bord, il est témoin de l'expulsion de deux ressortissants congolais qui crient et demandent aux huit policiers qui les encadrent d'arrêter de leur faire mal. Il s'interpose, jugeant que ce traitement est indigne. En réaction, une cinquantaine de passagers refuse de s'asseoir. Les deux congolais sont finalement débarqués avec trois autres passagers, dont André Barthélémy. Menotté, il est emmené en garde à vue pendant neuf heures.
Du déjà vu? Réseau Education Sans Frontières (RESF) recense de plus en plus de cas similaires à celui-ci, où des passagers d'un vol, simples citoyens, élus locaux, ou militants, prennent à parti les forces de police ou le commandant de bord pour exprimer leur désaccord sur le traitement des personnes expulsées, ou parfois juste poser une question. Denise Bergeron (RESF Rhône) se réjouit que ces pratiques se banalisent. 'C'est aussi le fruit de la mobilisation', insiste-t-elle.
'Entrave à la circulation d'un aéronef', la disproportion des mots
Le problème, c'est que ces interventions sont requalifiées en délit 'avec des termes très abusifs, qui viennent criminaliser une prise de parole citoyenne' ajoute-t-elle. Aujourd'hui, l'Etat français reproche à André Barthélémy d'avoir poussé à la rebellion les passagers du vol et d'avoir retardé le décollage de l'avion. Pour Denise Bergeron, la qualification de délit d''entrave à la circulation d'un aéronef' est injustifiée et fausse, elle instaure un climat de peur pour les prévenus. En 2007, François Auguste, vice-président de la région Rhône-Alpes avait été inculpé pour ce même motif mais s'en était tiré à bon compte avec seulement 500 euros d'amende.
Une défense bien ficelée
S'il l'on s'en tient au cadre légal, André Barthélémy encourt une peine de prison de deux mois à cinq ans et une amende qui pourrait aller jusqu'à 25 500 euros. Mais il ne se laisse pas intimider. Il a demandé à Me William Bourdon d'assurer sa défense. L'avocat du Barreau de Paris est un spécialiste de ce genre d'affaires. Ardent défenseur des droits de l'homme, il est connu pour avoir plaidé pour les victimes du dictateur Augusto Pinochet et pour des détenus français à Guantanamo. La plaidoierie sera appuyée par deux 'témoins de moralité'. Et le procès aura lieu sous haute surveillance: l'Observatoire des défenseurs des droits de l'Homme viendra au procès en 'mission d'observation.'
En attendant le procès, 'Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme' reste mobilisée pour soutenir son président. Pour manifester son désaccord avec ces poursuites, elle a réagi en cosignant une pétition de solidarité avec des ONG comme la Ligue des Droits de l'Homme, l'Organisation Mondiale Contre la Torture, la CIMADE, ou même Forum des réfugiés, association lyonnaise. RESF souhaite encore attirer l'attention de l'opinion publique sur de tels agissements et a mis en ligne une pétition de soutien qui a pour l'instant recueilli 3400 signatures.
Marine Badoux