Alexandra Carraz-Ceselli
Alexandra Carraz-Ceselli, fondatrice de l’équipe des lyonnaes

Droits des femmes : "le débat a été préempté par des groupes très radicaux, les néo-féministes"

"Quelle place pour le féminisme en 2024 ?". La question sera au centre des débats, à Lyon, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

La France vient de sacraliser le droit à l’IVG en l’inscrivant dans la Constitution. Pour Alexandra Carraz-Cessli, fondatrice des Lyonnes (réseau de 2 500 femmes qui contribue à l'engagement des femmes dans le débat public), c'est "une décision avant tout symbolique, une une vraie attente sociétale des femmes".

"Mais je pense que ça ne résout rien. En fait, il faut que nous soyons vigilantes. C'est mon message. Si, demain, on veut revenir sur ce droit, bien sûr qu'il peut être inscrit dans la Constitution, mais si on ne met pas en œuvre les moyens pour le rendre pratique, dans la réalité, c'est aussi une autre façon de le détourner. Donc, c'est un combat en permanence. "

Lire aussi : "Ne soyons ni dupes ni complices de celles et ceux qui ont un agenda différentialiste"

"Etre féministe devrait être la cause de tout le monde"

Au moment où on va célébrer les quatre-vingt ans du droit de vote des femmes en France, la mise en garde de Simone de Beauvoir reste encore d'actualité : "N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."

"Quand on demande aux femmes si elles se sentent féministes, très souvent, elles vous répondent un peu gênées "oui un peu", s'étouffe presque Alexandra Carraz-Ceselli. Alors que c'est idiot, finalement, être féministe c'est quoi ? C'est embrasser la cause des femmes, donc normalement, ça devrait être la cause de tout le monde."

Les Lyonnes, organise une grande soirée au barreau de Lyon, vendredi 8 mars à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes sur la thématique : "Quelle place pour le féminisme en 2024 ?".

"Le le débat été préempté par des groupes très radicaux qui ont une certaine image du féminisme ceux qu'on appelle les néo-féministes. 'est un courant de pensée dans lequel je ne me retrouvais pas. L'équipe des Lyonnes, c'est un féminisme nouvelle génération, volontaire, positif et non victimaire. On n'essentialise pas les femmes dans un rôle de victime et c'est surtout un féminisme qui n'oppose pas les hommes et les femmes."


La restranscription intégrale de l'entretien avec Alexandra Carraz-Cesseli

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous recevons aujourd'hui Alexandra Carraz-Cesseli, fondatrice de l'équipe des Lyonnes. En deux mots, les Lyonnes est un groupe, un gros groupe, de 2 500 femmes qui contribue à l'engagement des femmes dans le débat public. A l'occasion de la Journée internationale des droits femmes, vendredi 8 mars, vous organisez une soirée spéciale, avec pour thème cette question « Quelle place pour le féminisme en 2024 ? ». Avant de répondre à cette question, on y reviendra, j'allais vous demander c'est quoi aujourd'hui d'être féministe en 2024 ?

C'est une question très intéressante que vous soulevez parce que quand on demande aux femmes si elles se sentent féministes, très souvent, elles vous répondent un peu gênées "oui un peu". Alors que c'est idiot, finalement, être féministe c'est quoi ? C'est embrasser la cause des femmes, donc normalement, ça devrait être la cause de tout le monde.

Donc finalement c'est ça tout le monde devrait être féministe. Et est-ce qu'on est on naît, du verbe « naître », ou est-ce qu'on devient féministe selon vous ?

Alors, je pense qu'on prend conscience de certaines choses, effectivement, en grandissant et avec l'expérience, mais finalement, on est tous féministes, c'est la définition que je viens de vous donner juste avant. Pourquoi on ne se sent pas féministe aujourd'hui ? Parce que le débat été préempté souvent par des groupes très radicaux qui ont une certaine image du féminisme, ce sont ceux qu'on appelle les néo-féministes.

Emmenée par des journalistes comme Alice Coffin ou des élus comme Sandrine i Rousseau et Clémentine Autain par exemple ?

Oui, parmi celles-ci. Mais effectivement, en tous les cas, moi, c'est un courant de pensée dans lequel je ne me retrouvais pas. C'est la raison pour laquelle j'ai eu envie de lancer l'équipe des Lyonnes, un féminisme nouvelle génération qui est volontaire, positif, non victimaire. J'insiste parce qu'on ne va pas essentialiser les femmes dans un rôle de victime et surtout un féminisme qui n'oppose pas les hommes et les femmes. Vous l'avez rappelé, on est 2500 membres femmes et hommes dans l'équipe des Lyonnes, j'y tiens beaucoup. Il n'y a pas seulement des femmes, non, il y a des Lyons aussi.

Quel regard portez-vous sur le féminisme aujourd'hui ?

Alors on va parler en France, on ne va pas parler des États-Unis où c'est encore différent. On le voit tous les jours, il y a encore des combats à mener mais qui ne sont pas forcément des combats au sens vindicatif. L'idée, c'est aussi de changer l'état d'esprit des femmes, on en parle énormément à l'équipe des Lyonnes. Aujourd'hui, les femmes n'accèdent pas à des fonctions, non pas parce qu'elles manquent de compétences mais parce qu'elles manquent souvent de confiance en elles. Donc comment on va lever les freins au fait de ne pas suffisamment voir des femmes dans le débat public, dans l'espace public, sur les plateaux télé, prendre la parole dans une concertation publique, enfin tout ce qui fait la vie, les projets et l'envie de s'impliquer dans un cercle qui soit autour de soi.

Vous avez justement été en politique (directrice de cabinet du maire de Tassin-la-Demi-Lune, collaboratrice du 1er vice-président & responsable du service de la vice-présidence), comment explique-t-on encore aujourd'hui qu'il y a très peu de femmes politiques ?

Déjà, le droit de vote des femmes, c'est seulement il y a 80 ans, j'ai envie de vous dire. Donc, ce sont aussi des démarches progressives. Il faut que ça change. Mais précisément l'équipe des Lyonnes, c'est ça, c'est d'encourager les femmes à venir dans le débat public. Et pour ça, il faut leur donner des outils, il faut leur donner confiance et aussi il faut les nourrir. On organise beaucoup d'événements très thématiques, on parle du nucléaire, on parle de l'intelligence artificielle, on parle de tout ce qui fait notre actualité autour de nous. Et on donne aussi des clés de lecture aux femmes pour s'emparer de sujets et enfin donner leur avis. Mais il faut qu'elles osent le faire.

Voilà justement on va revenir à cette question. Cette soirée que vous organisez l'équipe des Lyonnes, le 8 mars à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, quelle place pour le féminisme en 2024 ?

D'abord, il y a toujours des dangers qui guettent les droits des femmes. On le voit au plan international, en Iran, en Afghanistan. On l'a vu dans plein de situations. Malheureusement, on ne peut pas faire le tour de la planète, mais il y a beaucoup beaucoup trop de sujets où les femmes sont victimes de violences et où leurs droits et leurs libertés sont entravés. C'est aussi une façon de dire, en France, on a cette chance de pouvoir faire ce que l'on veut. Je donne souvent l'exemple : demain, si je veux être astronaute, je ne pourrai pas, mais ce n'est pas parce que je ne suis pas compétente, c'est simplement parce qu'il vaut mieux ne pas me confier une fusée.

On le voit très bien, dans certains pays, des droits des femmes régressent complètement. C'est vrai. En France, on est dans quelle situation ?

En fait, on le voit à l'équipe des Lyonnes. D'ailleurs, on a fait des livres blancs pour en parler très régulièrement. En fait, selon les secteurs d'activité, selon les fonctions que vous occupez bien évidemment, les situations, elles sont différentes. Il y a des secteurs où il y a des plafonds de verre. Il y a des secteurs où, culturellement, il faut faire évoluer les choses. Mais globalement, les choses sont positives. On a un débat effectivement en cours avec l'inscription de l'IVG dans la Constitution. Il y a des sujets comme celui-ci. On sait que les menaces ne sont pas forcément aujourd'hui présentes en termes de droits en France mais qu'elles peuvent l'être. Et donc les femmes elles ont conscience comme ça.

Ce n'est pas acquis en fait.

C'est cela. Les femmes ont conscience qu'il y a une forme de précarité. Et nous, ce qu'on dit à l'équipe des Lyonnes, c'est précisément "venez attaquer les choses de manière frontale, prenez en main votre destin, on va vous y aider". Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui vous n'accomplissez pas les projets auxquels vous avez envie de… que vous avez envie d'accomplir voilà.

Ce sera peut-être ma dernière question. Qu'est-ce que vous pensez justement du fait que l'IVG a été inscrite dans la Constitution ?

Moi c'est un point de vue personnel évidemment mais simplement je pense que c'est avant tout symbolique. C'était une vraie attente sociétale des femmes. Elles avaient besoin de sanctuariser ça. Moi je pense que ça ne résout rien. En fait, il faut que nous soyons vigilantes. C'est mon message. Si, demain, on veut revenir sur ce droit ,bien sûr qu'il peut être inscrit dans la Constitution mais si on ne met pas en œuvre les moyens pour le rendre pratique, dans la réalité, c'est aussi une autre façon de le détourner. Donc, c'est un combat en permanence. C'est une vigilance, plus qu'un combat. Mais il faut aussi que les femmes fassent leur part du chemin. Voilà c'est vraiment le message qu'on a à l'équipe des Lyonnes.

Très bien, merci Alexandra Carraz-Ceselli. Je rappelle donc que l'équipe des Lyonnes organise cette soirée à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, vendredi 8 mars sur le thème "Quelle place pour le féminisme en 2024 ?" au barreau de Lyon. Merci beaucoup en tout cas d'être venu.

Merci de votre invitation.

Au revoir. À bientôt.

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