La question du poids de l'idéologie et des influences politiques dans les universités mérite certainement d’être posée. Mais le timing de ce débat, et surtout sa formulation par la ministre Frédérique Vidal, qui est aussi en charge de la Recherche et de l’innovation, paraissent un peu décalés face à d'autres questions épineuses qui touchent le monde universitaire.
Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation, a dénoncé l’emprise de “l’islamo-gauchisme” dans les universités françaises et a demandé une enquête au CNRS sur les enseignants “qui se servent de leurs travaux pour porter une idéologie et nourrir l’activisme”. La réponse de la Conférence des présidents d’université (CPU) a été cinglante : “Si le gouvernement a besoin d’analyses, de contradictions, de discours scientifiques étayés pour l’aider à sortir des représentations caricaturales et des arguties de café du commerce, les universités se tiennent à sa disposition.”
Plus que l’activisme d’enseignants radicaux et leur collusion avec l’Islam politique, la question des diverses influences politiques dans les sphères universitaires, qu’il est difficile de nier, mérite d’être posée. Mais d’autres interrogations tout autant épineuses pourraient être évoquées, comme par exemple la représentativité des femmes dans la recherche française. Celles-ci ne sont que 28 % parmi les 300 000 chercheurs que compte notre pays…
Finalement, chacun son prisme de lecture, le choix de pointer du doigt tel ou tel dysfonctionnement relève d’une stratégie de communication politique et, au fond, c’est de bonne guerre.
S’il fallait vraiment chercher une réalité qui fâche, et sur laquelle une immense majorité de nos chercheurs universitaires pourrait s’accorder, c’est bien celle des moyens dont ils disposent.
L’effort dans ce domaine en France n’a pas évolué depuis plus de trente ans. Notre pays n’arrive pas à honorer sa promesse qui était de consacrer au moins 3 % de son PIB à la recherche. À titre d’exemple, le montant dépensé par l’Allemagne est deux fois plus important*.
Comprendre pourquoi les laboratoires lyonnais, dont la contribution à l’immunologie est historiquement importante, n’ont pas réussi à rivaliser avec les scientifiques russes et chinois ou les start-ups américaines, allemandes ou anglaises…
Au cœur d’une crise sanitaire qui mobilise les scientifiques de tous les pays, les enjeux concernant la recherche fondamentale semblent encore plus criants.
Faut-il alors chercher dans ce constat l’une des conséquences de la débâcle en matière de vaccins de la France, qui n’a pas réussi à en produire un seul pour l’instant ?
Les choses sont forcément plus complexes et nous essayons d’en analyser les causes dans ce numéro de Lyon Capitale. Pour comprendre, par exemple, pourquoi les laboratoires lyonnais, dont la contribution à l’immunologie est historiquement importante, n’ont pas réussi à rivaliser avec les scientifiques russes et chinois ou les start-ups américaines, allemandes ou anglaises…
Le financement public n’est probablement pas la seule condition de réussite en matière d’avancée scientifique. La recherche fondamentale bénéficie de la dynamique des entreprises privées, dont la quête de débouchés économiques est un levier financier indiscutable.
Mais l’innovation commence dans les laboratoires universitaires, qui se doivent aussi d’élargir leur champ de recherche, même sans retour sur investissement.
Car, on le voit aujourd’hui, le monde n’est pas à l’abri d’événements que les prédictions des études de marché ne sont pas capables d’anticiper.
“La société et l’industrie ont eu l’illusion de se dire que l’époque des épidémies était derrière nous.” Le constat amer dans nos colonnes de ce chercheur, qui a quitté son laboratoire de thèse en virologie faute de financement, est une illustration de ces renoncements sur l’autel de la rentabilité, dont on paiera peut-être le prix fort demain.
* 65 milliards de dollars pour la France contre 132 milliards de dollars pour l’Allemagne – Chiffres de 2017
Au sommaire de ce numéro
Actualité
• L’essentiel de l’actualité
par Justin Boche
La grande gueule
• Entretien avec Julien Poncet, directeur de la Comédie-Odéon : “Nous flirtons tout le temps avec cette idée de désobéissance”
par Paul Terra
Politique
• Régionales : Bruno Bonnell, capitaine de route de LREM en déroute
par Paul Terra
Santé
• Comment les big pharma lyonnaises sont-elles passées à côté du vaccin ?
par Paul Terra
Société
• Enquête sur les lieux de deal à Lyon
• Derrière la fumée des cigarettes à la sauvette
par Guillaume Lamy
Enquête
• Le grand marché des polices municipales
par Guillaume Lamy
Entretien
Haoues Seniguer, maître de conférences à Sciences Po Lyon : “Le communautarisme musulman est plus subi que choisi”
par Paul Terra
Immobilier
• Les perspectives en 2021
par Justin Boche
Urbanisme
• Les projets dans la métropole : du nouveau à l’est
par Anthony Faure
Transports
• Métropole : la bataille des métros a déjà commencé
par Justin Boche
Économie
• La Cité de la gastronomie à la sauce écolo
• Compagnie des Alpes, la faute de carre ?
par Guillaume Lamy
Débats & Opinions
• Entretien avec Gilles Fumey, géographe, spécialiste de l’alimentation, qui remet en cause, dans son dernier ouvrage, l’intérêt nutritionnel du breakfast
par Guillaume Lamy
Sport
• Islam Slimani, dernière recrue du mercato hivernal de l’OL
• Entretien avec Noël Le Graët, président de la FFF et candidat à sa propre succession
par Razik Brikh
Culture
• Eliott Jane, le fantôme de la Liberté
par Kevin Muscat
• Danser pour se soigner
par Aurélie Mathieu
• La flûte du futur de Fabrice Jünger
par Guillaume Médioni
• Les frères Flandrin au musée des Beaux-Arts
par Aurélie Mathieu
• Ce que la photo donne à voir du monde
par Aurélie Mathieu
• La Fête du livre de Bron tisse sa toile
par Kevin Muscat
• Notre sélection littéraire
par Kevin Muscat et Caïn Marchenoir
Magazine
Éducation
• Aider son ado à retrouver un équilibre alimentaire
par Céline Rapinat
Gastronomie
• L’andouillette : comme un parfum de politique
par Guillaume Lamy
• Shopping déco
• Quoi de neuf ?
par Céline Rapinat