Éducation : Amours adolescentes, la bonne place des parents

Votre ado est amoureux ! Face à cette nouvelle, les questions affluent. Quelle liberté lui octroyer ? Comment accueillir l’heureux élu ? Que faire si l’on sent que cette relation est néfaste ? En résumé, quelles sont les attitudes à proscrire et comment se positionner de manière juste ?

Quand j’ai dit autour de moi que ma fille avait un petit copain, tout le monde a réagi de la même manière en me disant : ‘Ça doit te faire bizarre…’, se souvient Caroline, mère d’Agathe, seize ans. C’est effectivement ce que j’ai ressenti quand elle me l’a annoncé. J’ai été très surprise, alors qu’elle a pourtant l’âge d’avoir une relation amoureuse. J’éprouvais toutes sortes de sentiments mélangés. J’étais contente pour elle et, en même temps, je me sentais un peu triste, sans trop comprendre pourquoi.” Apprendre que son enfant a un(e) petit(e) ami(e) peut être compliqué pour les parents. C’est le signe qu’il grandit, qu’il n’est plus l’unique objet de son amour… “Idéalement, c’est bien d’avoir déjà côtoyé les copains et copines de son enfant, afin que cette nouvelle rencontre ne soit pas trop brutale pour le parent”, conseille Karine Josse, psychologue pour enfants et adolescents à Lyon. Reste ensuite à trouver la bonne attitude à adopter.

Laisser l’enfant prendre son envol

Pensant bien faire, certains parents s’impliquent dans la relation amoureuse de leur enfant. Le/la petit(e) ami(e) est rapidement invité(e) à déjeuner, dîner, dormir, présenté(e) au reste de la famille… Même si le jeune peut avoir favorisé cette officialisation, ce n’est pas sans poser problème. En effet, inclure trop, et trop vite, le petit copain ou la petite copine dans la vie de famille est un moyen parfois inconscient pour les parents d’avoir un contrôle sur ce qui se passe. Ce qui ne peut être que néfaste pour leur enfant. Se lancer dans une relation est pour l’ado un moyen de couper le cordon et de développer son autonomie, et il ne faut pas briser cette prise d’indépendance. “L’ado doit être capable de se débrouiller dans sa relation sans que ses parents n’interviennent, prévient Karine Josse. Ces derniers doivent se garder d’avoir une quelconque emprise sur cette relation, même s’ils pensent bien faire. Ils doivent respecter l’intimité de leur enfant, le laisser développer son autonomie. Ce qui n’empêche pas de donner un conseil de temps en temps si le jeune est demandeur.” Il faut d'ailleurs respecter le désir de discrétion de certains qui ne disent pas un mot sur leur vie amoureuse. Ils ont besoin d’avoir des aventures sans être observés par leurs parents. Ce qui compte, c’est qu’ils aient une vie !

Ne pas surinvestir la relation et éviter le copinage

Accepter le petit copain ou la petite copine de son enfant ne veut pas dire qu’il ou elle fait partie de la famille. La psychologue explique : “Il faut que les choses se fassent progressivement. On n’invite pas le/la petit(e) ami(e) à venir tout un week-end du jour au lendemain. À ce propos, aux parents de juger s’ils ont envie qu’il ou elle dorme chez eux. Ce n’est pas forcément facile de faire entrer quelqu’un dans son intimité, il faut se sentir à l’aise et être sûr que sa famille fonctionne bien. Par ailleurs, c’est mieux s’il ne vient que ponctuellement, et qu’il n’y a pas un rendez-vous systématique qui s’instaure. D’une part, cela risque d’enfermer l’enfant dans une relation de couple trop exclusive et de le couper de ses amis. D’autre part, les jeunes peuvent se sentir coincés dans leur relation, pour faire plaisir à leurs parents. Au contraire, ces derniers doivent continuer de vivre leur vie, sortir, s’arranger pour ne pas être tout le temps à la maison et laisser le champ libre aux jeunes.” “Ma mère s’entendait tellement bien avec ma petite copine que j’ai longtemps hésité à arrêter cette relation qui ne me convenait plus. Ça m’avait mis une sorte de pression, j’ai un peu regretté de l’avoir autant invitée à la maison. Et j’ai mis du temps à l’annoncer à ma mère, car j’avais peur de lui faire de la peine”, se souvient Romain, vingt ans. “Les parents ne sont pas les copains de leurs ados. Chaque génération doit rester à sa place, sinon c’est insécurisant, confirme la psychologue. L’histoire amoureuse des jeunes doit rester la leur, et non celle des parents, qui doivent savoir laisser la place.”

Attention à la tentation d’intervenir

La tentation du jugement est parfois grande quand le copain/la copine de notre enfant ne nous revient pas. Si le look du jeune ou son niveau d’études ne nous plaisent pas, on se détend ! Il n’y a rien de grave derrière tout ça, et notre ado n’est pas là pour trouver un amoureux qui nous convienne. Évidemment on se garde bien de lui confier nos jugements négatifs. “Le parent peut se dire que son ado est à un âge où il expérimente, et non où il trouve la bonne relation, rassure Karine Josse. Si le/la petit(e) ami(e) ne lui plaît pas, il doit prendre sur lui. Et si ce n’est vraiment pas confortable, il peut mettre un peu de distance.” En revanche, certaines choses doivent alerter. Si on sent que son enfant est malheureux ou encore trop dépendant, on peut se permettre d’intervenir, en douceur. La psychologue conseille d’amener son enfant à réfléchir à ce qui est bon pour lui, sans juger l’autre : “On lui fait comprendre que certaines attitudes ne sont pas normales, qu’il y a un dysfonctionnement, on peut lui rappeler les bases d’une relation, comme le respect de chacun.” “J’avais l’impression que mon fils se laissait mener par le bout du nez par sa copine, avec laquelle il était depuis plusieurs mois, se souvient Sylvain, père de Martin, vingt ans. Elle choisissait tout, de ses habits à leurs fréquentations, en passant par leurs lieux de sortie et de week-end. Je voyais bien que ça ne lui convenait pas mais à chaque fois que j’essayais d’aborder le sujet, il était dans le déni. Puis, plusieurs fois, elle lui a donné des rendez-vous et n’est pas venue. Alors là, je lui ai parlé franchement en lui expliquant que ce n’était pas normal de se bloquer toute une journée à attendre quelqu’un qui ne venait pas, que c’était malpoli et irrespectueux, et qu’on ne connaissait personne qui agissait ainsi. Il a commencé à comprendre et petit à petit à s’éloigner d’elle. Le jour où il l’a quittée, je l’ai senti soulagé et à nouveau épanoui.”

Quant au chagrin d’amour, inévitable, il faut le respecter et s’adapter à son enfant. “Certains ont besoin de parler, et on doit être là pour les écouter. On le réconforte, on lui prépare de bons petits plats, on l’emmène au cinéma… Il ne faut pas banaliser la souffrance et laisser à l’enfant le temps de digérer sa peine, recommande Karine Josse. Si cela s’installe dans le temps, que ça l’empêche de faire certaines choses comme par exemple aller à l’école, on pourra lui proposer de consulter. Cela peut signifier que la rupture a ravivé un sentiment d’insécurité qui était là avant la relation.”


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