Mixité sociale, carte scolaire, fuite vers le privé… Véronique Moreira, vice-présidente en charge de l'éducation à la Métropole de Lyon répond aux questions de Lyon Capitale.
Le sujet est sur toutes les lèvres depuis quelques semaines. Le 9 novembre dernier, le ministre Pap Ndiaye a affirmé sur le plateau de l'émission Quotidien, "il est temps de faire de la mixité scolaire une priorité de ce ministère". Le 13 juillet déjà, le Tribunal administratif de Paris condamnait l'Education nationale à publier les Indices de position sociale (IPS) des collèges et classes de CM2.
Il évalue la situation sociale des élèves de chaque établissement en combinant la profession des parents avec d’autres critères, dont la taille du logement, les pratiques culturelles, le partage d’une chambre entre plusieurs enfants, etc. En France et dans la Métropole de Lyon, les résultats n'étonnent personne. Mais ils permettent de chiffrer un problème jusque là difficilement mesurable pour le grand public.
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Carte réalisée pour l'association No Ghetto.
C'est ainsi que le collège Paul Eluard à Vénissieux obtient un IPS de 68,8 quand l'établissement Vendôme dans le 6e arrondissement de Lyon monte à 138. Du simple au double, alors même que les deux collèges sont publics. Lorsqu'on compare avec le privé, les résultats sont encore plus accablants. Véronique Moreira, vice-présidente en charge de l’éducation et des collèges répond aux questions de Lyon Capitale.
Lyon Capitale : En tant que collectivité, aviez-vous déjà accès à cet indicateur ?
Véronique Moreira : Non, nous n'en disposions pas. C'est une bonne chose que l'Education nationale partage ses informations, même si cela ne fait que confirmer des choses que l'on savait déjà.
Que fait la Métropole pour lutter contre la ségrégation scolaire ?
Depuis deux ans, nous avons organisé beaucoup de réunions de travail pour affiner nos connaissances. Nous travaillons sur la création d'un observatoire de la démographie scolaire avec le rectorat, ça avance. Ce sera un outil d'analyse et de compréhension des évolutions sur le territoire. Lorsqu'on a des chiffres en tête, à ce moment on peut organiser des mutations dans la carte scolaire.
Nous avons également mis 300 millions d'euros pour la réhabilitation des collèges, on va rajouter encore 50 millions pour la rénovation thermique de huit nouveaux établissements. On fait également monter la qualité de ce qu'il y a dans les assiettes. Tout ce qui améliore la qualité de vie au quotidien permet de rendre le public plus attractif et de réduire le phénomène d'évitement vers le privé.
"Chaque fois que l'on touche la carte scolaire, il y a des levées de boucliers."
Véronique Moreira, vice-présidente en charge des collèges à la Métropole de Lyon
Que faire pour éviter ce phénomène qui réduit la mixité ?
Il y a un gros travail de valorisation à faire sur certains établissements. L'évitement se fait parfois sur des rumeurs. Dès le CM1, CM2, il faut informer les parents pour lutter contre la crainte que l'on peut avoir avec des collèges. Mais là, c'est plutôt la compétence de l'Education nationale, il faut mieux nous partager ce qui est fait, pour travailler ensemble.
Sur le privé, moi je n'ai pas la main. La loi nous oblige à le financer, sans aucun moyen de pression sur la carte scolaire, ni sur le public qu'il recrute. C'est un débat qu'il serait intéressant de relancer à l'assemblée. Nous, on ne peut que constater avec dépit que la situation n'évolue pas.
Avez-vous l'impression de subir le délitement national des services publics et la perte de confiance des Français dans l'Education nationale ?
Tout ce que je peux dire, c'est que j'écoute avec intérêt les propos du ministre. Il dit que la mixité est une priorité mais pour l'instant, on n'a pas vu de moyens ni de réalisation. Il faut revaloriser le métier d'enseignant pour recruter, le travail engagé n'est pas assez exhaustif.
"Il faut revaloriser le métier d'enseignant pour recruter, le travail engagé n'est pas assez exhaustif."
Envisagez-vous de modifier la carte scolaire ?
Des expérimentations ont été faites à Toulouse ou Paris. Elles fonctionnent dans des villes qui s'y prêtent. Lorsque nous sommes arrivés à Lyon, nous ne pouvions pas imaginer une telle politique. Les collèges étaient remplis et le foncier peu disponible.
Il y a eu une baisse de la démographie, mais pour envisager une politique d'envergure il faut des données qui permettent de nous assurer de bien refaire la carte scolaire, d'où l'observatoire. On y travaille, on élabore des scénarios.
N'avez-vous pas peur des réactions de parents d'établissements huppés, qui pourraient alors aller dans le privé ?
Chaque fois que l'on touche la carte scolaire, il y a des levées de boucliers. Dès qu'on rompt les habitudes c'est difficile et la mixité inquiète un certain nombre de personnes. Là encore il faut informer ; des sociologues ont montré qu'en côtoyant des personnes d'un autre milieu, on développe de nouvelles compétences.
Bien sur que cette mixité inquiète ,côtoyer des personnes avec le voile c'est inquiètent pour notre pays .