Le bonheur, ça s’apprend ! Les parents ont un véritable rôle à jouer pour aider leur enfant à être heureux. Comportements à adopter et messages à envoyer pour le favoriser. Et les écueils à éviter.
C’est un fait, les parents d’aujourd’hui veulent que leur enfant soit heureux. Pourtant, en la matière, les Français sont loin d’être des champions du monde. Selon le World Happiness Report publié chaque année par l’Onu, la France arrive en 24e position en ce qui concerne l’état de bonheur de ses habitants. Peut mieux faire…
Plaisir n’est pas bonheur
Apprendre à son enfant à être heureux, c’est déjà ne pas se tromper sur la définition du bonheur. Lui faire croire qu’il sera plus heureux avec tel ou tel cadeau, c’est entretenir la confusion entre plaisir et bonheur. D’un point de vue scientifique, le plaisir vient de l’extérieur ; il déclenche la dopamine et procure une satisfaction immédiate, très plaisante certes, mais éphémère. Tandis que le bonheur, lié à la production de sérotonine, aussi appelée hormone du bonheur, est un sentiment intrinsèque et durable. “Le plaisir n’est pas forcément gage de bonheur, explique Maryline Jury, formée à la méditation de pleine conscience et à la communication bienveillante, qui enseigne sa pratique à des enfants et des adolescents. Pour être heureux, un enfant a besoin de relations, ce qui démarre dès la naissance avec la construction d’un attachement sécure. Il a besoin de compétences, autrement dit de se sentir capable, et d’autonomie, ce qui peut se faire dès le plus jeune âge.”
Lutter contre le diktat du bonheur
Le bonheur est à la mode ; il est très valorisant pour un parent d’avoir un enfant heureux. Mais attention, imposer le bonheur à tout prix est contreproductif, voire toxique. “C’est compliqué pour moi lorsque mes enfants ne semblent pas complètement heureux, avoue Jeanne, mère de deux enfants de 8 et 10 ans. J’ai l’impression d’avoir raté quelque chose. Pourtant, je sais que c’est normal qu’ils aient des états d’âme, mais j’ai du mal à les écouter, et je sens bien que ça les agace. Mon fils me dit souvent : “Mais j’ai bien le droit d’être contrarié !” C’est plus fort que moi : je voudrais qu’ils aillent bien tout le temps.”
Il faut pourtant autoriser son enfant à être malheureux. “Le bonheur se traduit par le rapport juste au réel, souligne Maryline Jury. Il s’agit d’un équilibre qui permet de composer avec ce qui est agréable et désagréable. Faire croire à son enfant qu’il doit être tout le temps heureux est une injonction très inconfortable pour lui. Car, outre la joie, il est amené à ressentir toutes sortes d’émotions, comme la peur, la colère, la tristesse, que son parent ne doit pas nier, ni chercher à réguler tout de suite, mais au contraire accueillir et laisser s’exprimer.” Apprendre à son enfant à accepter la réalité, à vivre avec les petites épreuves de la vie (la colère, les conflits...) sans que ce soit pour lui la fin du monde, et lui apprendre à les surmonter, est une des clés du bonheur. “D’autant que cela lui permet de devenir compétent, et d’exprimer sa capacité de résilience”, ajoute Maryline Jury.
Certains parents sont tentés d’aplanir la moindre difficulté, de balayer le moindre petit caillou sur la route de leur progéniture, afin de lui éviter toute déconvenue. Mais un enfant qu’on aura surprotégé risque d’être malheureux, car il n’aura pas appris à gérer la frustration ni à affronter les épreuves. Par ailleurs, il risque de devenir un adulte perpétuellement insatisfait, en quête d’une perfection qui n’existe pas.
Ces écrans et réseaux à mirages
Trop d’écran est nuisible au bonheur de l’enfant. Les écrans l’hypnotisent, le mettent en dehors du concret… S’accorder de longs moments sans écran permet de laisser place à l’ennui, ce qui est une bonne chose ! De là naissent l’imagination, la créativité, l’action, puis le sentiment de compétence, élément indissociable du bonheur. “Malgré toutes ses protestations, ma fille n’est jamais aussi heureuse que quand je lui supprime les écrans, observe Catherine, mère de Valentine, 12 ans. Après avoir bien râlé, elle se met enfin en mouvement, fait un gâteau, une activité manuelle, elle crée quelque chose, et elle en est fière !” Par ailleurs, malgré ce que beaucoup de jeunes croient, le bonheur ne réside pas dans les réseaux sociaux. Les images qu’on y trouve sont prises à un instant T et semblent renvoyer un bonheur parfait, mais elles reflètent rarement la réalité ! “Cela peut créer un mal-être, un sentiment d’inadéquation chez le jeune, qui ne se sent pas aussi heureux que les autres !”, prévient Maryline Jury.
“Les réseaux sociaux peuvent parfois un peu déprimer…, confie Jade, 15 ans. On peut s’imaginer que les autres font plein de trucs et qu’on a une vie un peu pourrie. Mais, si on réfléchit bien, on sait que ce qu’on voit sur les photos, ce n’est pas ce qui se passe en vrai. Une photo où tout le monde sourit, ils se sont peut-être disputés avant, ou ils l’ont refaite plein de fois pour obtenir la photo parfaite. D’ailleurs, c’est bien ce qui se passe avec mes copines : quand on fait une story, on peut s’y reprendre dix fois !” “Les réseaux sociaux incitent à faire la publicité de sa vie plutôt que de la vivre vraiment, souligne Maryline Jury. On devient tributaire du regard de l’autre, on fait des choses pour obtenir des likes et non pour être heureux… Sans le vouloir, certains parents encouragent ça en postant des photos de leur enfant sur un réseau social et en s’amusant à regarder avec lui le nombre de likes obtenus.”
Être dans la pensée positive
Arrêtons de nous inquiéter pour nos enfants et de toujours focaliser sur ce qu’ils n’ont pas fait, ce qu’ils auraient pu faire, ce qu’ils n’ont pas réussi… Si l’on veut qu’ils voient le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide, montrons l’exemple ! Si deux enfants se disputent et se réconcilient, plutôt que de leur dire “vous êtes pénibles à toujours vous disputer”, on leur dira : “Bravo, comment avez-vous fait pour vous réconcilier ?” Il en va de même pour le travail scolaire. “Plutôt que de regarder pourquoi l’enfant n’a pas eu la note maximum, conseille Maryline Jury, on peut lui dire : “Comment as-tu fait pour avoir cette bonne note ?” Il s’agit de valoriser les réussites de l’enfant, de lui apprendre à s’autoévaluer et à se féliciter lui-même. Il faut aussi éviter de conditionner le travail à une récompense, sous peine de casser sa motivation intrinsèque et de lui faire croire que le bonheur de bien travailler vient de l’extérieur, non de lui-même.”
Même si tous les enfants ne sont pas égaux face au bonheur – les petits transporteurs de sérotonine ont plus de difficulté à se réjouir au quotidien que les gros… – il est possible pour chaque enfant de prendre l’habitude de regarder la vie avec optimisme, de croire en lui et en son avenir. Pour Maryline Jury, une grande part du sentiment de bonheur vient de l’entraînement de l’esprit. “Lorsqu’un enfant se sent heureux, dit-elle, on peut le questionner sur tout ce qu’il ressent à ce moment-là, et où ça se situe dans son corps. Cela crée un ancrage corporel qui lui permettra la prochaine fois d’éprouver encore plus cette sensation de bonheur. A contrario, lorsqu’un enfant ronchonne pour une petite contrariété (par exemple, il pleut), on peut très bien dire : “C’est vrai que c’est agaçant, mais est-ce qu’il est possible de passer un bon moment même s’il pleut ?” Il faut faire remarquer à l’enfant que, même avec certains aspects insatisfaisants de l’existence, même si on pense que ce serait mieux si c’était différent, on peut s’autoriser à être bien.”
Et puis, pour apprendre le bonheur à son enfant, quoi de plus simple que d’en parler avec lui ? Lancer le débat, le questionner sur le sujet, suivre les traces des philosophes qui ont réfléchi à cela bien avant nous… Friand de discussions en famille, il partagera à coup sûr avec ses parents… un vrai moment de bonheur !
Un peu de lecture
- Le Bonheur selon Ninon, Autrement Jeunesse, 2005 (à lire en bibliothèque)
- Philofolies – Peux-tu décider d’être heureux ? Père Castor Flammarion, 2013
- Le livre qui te rend super méga heureux, Nathan, 2013
- Comment ne pas finir comme tes parents – La méditation de 15 à 115 ans, Les Arènes, 2016