Coincé dans les sondages comme dans le positionnement politique entre les écologistes et les listes LREM officielles, le président sortant pourrait être un faiseur de rois. Et il ne retournera pas vers son ancien mentor Gérard Collomb.
En politique, il est très rare que le mot sortant rime avec dissident. Cette incongruité, David Kimelfeld, actuel président de la métropole de Lyon, s’en serait bien passé. Mais La République en Marche lui a préféré Gérard Collomb en application d’un principe de précaution électoral. Le parti présidentiel a misé sur la marque Collomb. Un pari que valident, dans une certaine mesure, les sondages. En revanche, les stigmates de la bataille que se sont livrée le maire de Lyon et le président de la métropole font planer le spectre de la perte de Lyon. David Kimelfeld n’a pas rendu les armes quand l’arbitrage parisien est tombé. Ses soutiens sont restés derrière lui. Il en a même engrangé de nouveaux : Hélène Geoffroy, la maire PS de Vaulx-en-Velin, ou Prosper Kabalo, candidat LREM à Villeurbanne. Georges Képénékian s’est lancé à Lyon contre Gérard Collomb pour reformer leur tandem d’intérimaires. La détermination de David Kimelfeld est aussi nourrie par des sondages qui lui permettent d’être toujours en vie dans la dernière ligne droite, celle où tout se décantera.
L’antithèse du modèle lyonnais
L’absence d’étiquettes, David Kimelfeld s’imagine même qu’elle pourrait lui être bénéfique. Dans l’entourage de Gérard Collomb, on s’inquiète, en effet, du poids du 49-3 et du contexte social pour les candidats En Marche. À ceux qui lui intentent un procès en trahison de son mentor politique, David Kimelfeld rappelle qu’il a proposé à Gérard Collomb de reprendre la présidence de la métropole à son retour du ministère de l’Intérieur. Une manière aussi de pointer que Gérard Collomb, de peur d’être mis en minorité, a refusé l’obstacle.
Aujourd’hui, David Kimelfeld balaie la main toujours tendue par le maire de Lyon en soulignant que leurs orientations politiques sont désormais trop différentes. Sa candidature, il l’a construite en négatif de celle de Gérard Collomb. Depuis quelques mois, il porte l’antithèse du modèle lyonnais. Il promet d’en atténuer les effets pervers : flambée des prix de l’immobilier, manque d’équipements de proximité et difficulté pour se déplacer. Il attaque Gérard Collomb sur le fond, mais aussi sur la forme. Quand il lui a succédé à la métropole de Lyon, en juillet 2017, David Kimelfeld a impulsé une nouvelle gouvernance, impliquant plus largement les élus. C’est le ferment sur lequel se sont construits les soutiens à sa candidature. “Je gère les collèges depuis le début du mandat et Gérard Collomb ne m’a jamais rencontré quand il présidait la métropole. Il ne m’a parlé qu’une seule fois dans un couloir pour me demander combien de collèges nous avions dans l’agglomération”, se lamente Éric Desbos (Modem). Comme d’autres élus métropolitains, il a préféré le style Kimelfeld. Si le président de la métropole a globalement suivi le fil conducteur du plan de mandat, il a imposé, par petites touches, sa patte. Il a amorcé un virage plus social en créant notamment des places d’hébergement pour les mineurs non accompagnés. Fin février, il a aussi cultivé sa différence en faisant sortir la métropole et le Sytral du contrat Rhônexpress, contre l’avis de Gérard Collomb.
Un bon soldat de la “Collombie”
À la présidence de la métropole, David Kimelfeld s’est “révélé”, selon le terme d’un de ses collaborateurs. De 2001 à 2017, le maire de la Croix-Rousse était un bon soldat de la “Collombie” où les galons s’obtiennent par loyauté plus que dans les urnes. Jamais un mot plus haut que l’autre et, plus important, jamais une divergence publique. Gérard Collomb en fait son dauphin en 2014. Il lui avait confié la fédération socialiste du Rhône deux ans plus tôt. Ses camarades apprécient l’homme, mais retiennent, pour finir, qu’aucune grande décision n’avait été prise.
Ce reproche ressurgit aujourd’hui. Il est principalement porté par Gérard Collomb qui a justifié son retour par le retard pris sur certains dossiers. Le maire de Lyon rappelle à longueur de campagne que les appels d’offres de l’Anneau des Sciences auraient été lancés à la rentrée 2019 s’il n’était pas parti. Il raille la volte-face de son ancien protégé sur ce dossier à 4 milliards d’euros : “Le 15 décembre, il figurait encore dans les documents de la métropole.” Les écologistes qui sont opposés à ce projet ne lui en savent pas gré pour autant. Ils tournent en dérision le temps qu’il a mis à appréhender la nocivité du projet. François-Noël Buffet, sénateur LR et élu à Oullins, ne digère pas, quant à lui, le contre-pied de David Kimelfeld sur le barrage de Francheville en pleine campagne. Une décision qui n’est mue, selon lui, que par une volonté de préparer un rapprochement avec les écologistes.
Dans cette campagne, David Kimelfeld se retrouve sous le feu roulant des critiques de ses adversaires et dans une situation inconfortable en vue d’une alliance de second tour. Lui refuse tout rapprochement avec Gérard Collomb et François-Noël Buffet qu’il trouve trop à droite. Les écologistes et les socialistes se tiennent à distance de lui en raison de son appartenance à La République en Marche, que son statut de dissident n’adoucit même pas. David Kimelfeld pense être sur une position d’équilibre : plus vert que Gérard Collomb et plus réaliste que les écologistes. Il creuse dans cette campagne la troisième voie. Elle fait de lui, au mieux, le troisième homme. Malgré de bons scores dans les sondages, il ne semble pas aujourd’hui en position de conserver la présidence de la métropole, sauf par des jeux d’alliance de troisième tour alambiqués. Mais il note que Gérard Collomb n’est pas mieux loti. À ce jour, c’est déjà un succès pour lui. Même si c’est une victoire à la Pyrrhus.
• David Kimelfeld, 58 ans
• Né à Lyon
• Infirmier puis chef d'entreprise
• S'encarte au Parti socialiste au début des années 1980
• Élu conseiller d'arrondissement en 2001 dans le 4e
• Devient vice-président en charge du développement économique au Grand Lyon en 2008
• Maire du 4e en 2011 après la démission de Dominique Bolliet.
• Élu Premier secrétaire du PS dans le Rhône en 2012
• Devient 1er vice-président de Gérard Collomb au Grand Lyon
• Soutient Emmanuel Macron en 2017 et quitte le PS
• Élu président de la métropole en 2017 lors du départ de Gérard Collomb au ministère de l'Intérieur.