La chose n'est pas vraiment nouvelle puisqu'elle était auparavant plus ou moins pratiquée, mais il est vrai aussi peu revendiquée médiatiquement. Les époques et les mœurs changent bien sûr, mais nous sommes entrés dans une époque tout à fait particulière, comme l'a bien développé Pierre-André Taguieff, de " bougisme ".
L'électeur, tel un consommateur dans un supermarché faisant ses courses, a plutôt tendance à se sentir trompé dès le départ en se voyant proposer au rayon légumes une salade accompagnée d'une dinde qu'il n'avait pas réclamé. Mais, dit-on, il s'agit pour certains rénovateurs installés, de droite comme de gauche, de " révolutionner " les mœurs électorales, de pratiquer une " rupture " salvatrice de la politique française, exaltant une " ouverture " qui n'existait pas avant eux, bref d'être hyper-tolérant et d'oser enfin. Soyons fou ! L'élection présidentielle de 2007 se présente publicitairement comme l'An I du changement. La mode est au " changement ", même dans les élections américaines, c'est la bonne parole idéalisée et utopique mise à toute les sauces militantes qui nous est offerte en ce début de XXIème siècle.
A regarder de plus près - à droite comme à gauche - on se retrouve plutôt dans une politique d'agit-prop là où l'esprit de mai 68 l'avait laissé en rade, le " bling-bling " en plus pour certain. Il ne faut pas " liquider " le changement révolutionnaire de 68, mais le détourner, le réinvestir, le remodeler. Le changement qui n'a pas eu lieu en mai 68, la droite va le réaliser, la " rupture " est en marche aidée par une gauche complaisante. Alléluia ! Du côté de la gauche radicale, l'héritière attitrée de mai 68 et du changement révolutionnaire, comme du côté de sa petite soeur altermondialiste, à défaut d'avoir pu révolutionner la société, elle révolutionne en boucle ses structures d'appareil partisan, dans une sorte de pureté et d'absolutisme doctrinaire qui ne convainc que ceux qui le sont déjà. On s'occupe comme on peu tout en se donnant l'illusion que ça change ou que ça va bouger.
Finissons les illusions : à la fin de ces élections municipales prochaines, on n'aura pas plus révolutionné notre société qu'après la défaite de la droite, aux précédentes élections régionales, où cette dernière a perdue nombre de régions. Citoyens rien de neuf à l'horizon, la conjoncture ne s'y prête pas, mais je vous promets... Droite et gauche seront quand même confortés dans leurs ambitions électorales, rassurés de continuer leurs ruptures immobiles. Stand by à tous les étages. Le changement, la révolution, la rupture, c'est - encore une fois - que plus ça change, plus c'est la même chose.
Valéry RASPLUS
Essayiste, sociologue.
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