37% des conciliations traitées en France le sont par le tribunal de commerce de Lyon. Une spécificité lyonnaise.
Le chiffre est aussi élevé que méconnu. Il a été sorti du chapeau, le 18 janvier dernier, lors de l'audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Lyon, par Thierry Gardon qui cédait son fauteuil de président à Bruno Da Silva.
La conciliation est une procédure ouverte aux personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent des difficultés juridiques, économiques ou financières, avérées ou prévisibles, et ne se trouvent pas en état de cessation des paiements depuis plus de quarante cinq jours.
Dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, 349 conciliations et mandats ad hoc ont été ouverts en 2023 (respectivement +81% et 76%) ainsi que 522 MARD (mode aimable de résolution des différends).
"Quand on parle des conciliations, on parle des conciliations sur les traitements des litiges. Cette spécificité lyonnaise est le résultat d'un engagement des différents présidents qui m'ont précédé, explique Bruno Da Silva. Tout d'abord un engagement des juges, très fort, puisqu'on a une très belle équipe de 12 juges mobilisés sur la conciliation. Et puis également adhésion des avocats sur ce mode alternatif de règlement des différends, soucieux de préserver la valeur de l'entreprise."
+40% de procédures collectives à Lyon en 2023
En 2023, le tribunal de commerce de Lyon a traité 1 515 procédures de redressement et de liquidation judiciaires (+40%). "Cette progression peut paraître importante. Toutefois, si on la relativise par rapport aux années précédentes, et notamment je dirais les années 2020 à 2022 au cours desquelles nous avons perdu près de 35% d'affaires par rapport à des affaires dites normatives, qui étaient les niveaux historiques, je dirais qu'on a rattrapé, l'année dernière environ, 150 dossiers. Il reste encore 1 300 entreprises qui n'ont pas suivi le rythme normal des procédures de redressement et de liquidation judiciaires."
En chiffres
Le tribunal de commerce de Lyon, c'est en 2023 :
- 69 juges
- 1 515 jugements ouvrant une procédure collective (+39,6%)
- 5 070 salariés concernés par une une ouverture de procédure collective (-38,4%)
- 349 procédures de conciliation (+79%) avec 70% des entreprises en conciliation qui survivent
Retranscription intégrale de l'entretien avec Bruno Da Silva
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Bruno Da Silva.
Bonjour Guillaume.
Bruno Da Silva vous êtes le nouveau président du tribunal de commerce de Lyon. Pourquoi avez-vous postulé à la présidence du tribunal de commerce ?
Je suis engagé au tribunal de commerce depuis plus d'une dizaine d'années. Ala fin de ma 10e année de judicature, j'ai eu envie de porter un projet qui permettait d'assurer la continuité de ce qui avait été fait par mes prédécesseurs. Tout simplement. Et puis, je sentais effectivement une certaine mobilisation des juges autour du projet que je leur avais présenté.
D'après le dernier décompte de la Banque de France, les défaillances d'entreprises repartent à la hausse. Dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, quels sont les niveaux de procédures de redressement et de liquidation judiciaires ?
En 2023, on a connu 1 515 procédures de redressement et de liquidation judiciaires. C'est un chiffre assez significatif, en hausse d'environ 40% par rapport à l'année dernière. Cette progression peut paraître importante. Toutefois, si on la relativise par rapport aux années précédentes, et notamment je dirais les années 2020 à 2022 au cours desquelles nous avons perdu près de 35% d'affaires par rapport à des affaires dites normatives, qui étaient les niveaux historiques, je dirais qu'on a rattrapé, l'année dernière environ, 150 dossiers. Il reste encore 1 300 entreprises qui n'ont pas suivi le rythme normal des procédures de redressement et de liquidation judiciaires.
Dans quelle mesure est-ce inquiétant au regard de l'environnement économique dans cet environnement économique dégradé ?
Ce n'est pas tant la progression qui est inquiétante, puisque finalement elle vient effectivement s'expliquer par les années particulières que nous avons connues entre 2020 et 2022, mais la situation dans laquelle les entreprises arrivent, et notamment certaines entreprises qui rentrent dans ce qu'on appelle les quatre principaux secteurs des entreprises en défaillance.
C'est-à-dire, dans quel état arrivent-elles au tribunal de commerce ?
Elles arrivent, je dirais, avec un niveau de dette parfois extrêmement compliqué à restructurer et des difficultés et un niveau trésorique exsangue, ce qui rend l'exercice un peu plus délicat parce qu'elles n'ont pas suffisamment anticipé.
Et le message que nous faisons passer au maximum, c'est d'anticiper les difficultés, de se porter candidat, de le faire savoir auprès du tribunal dès qu'on rencontre une difficulté, de manière à ce qu'on puisse mettre en œuvre les bonnes pratiques le plus vite possible.
Les difficultés viennent-elles aussi des remboursements PGE ?
Oui, il y a les remboursements PGE qui viennent s'empiler, effectivement, à un niveau de dette qui pouvait déjà exister préalablement.
Vous en parliez le 18 janvier dernier, lors de l'audience solennelle de rentrée, au cours de laquelle vous avez pris vos fonctions, 37% des conciliations en France sont traitées par le tribunal de commerce de Lyon. Comment s'explique cette spécificité lyonnaise ?
Quand on parle des conciliations, on parle des conciliations sur les traitements des litiges. Cette spécificité lyonnaise est le résultat d'un engagement des différents présidents qui m'ont précédé. Tout d'abord un engagement des juges, très fort, puisqu'on a une très belle équipe de 12 juges mobilisés sur la conciliation. Et puis également adhésion des avocats sur ce mode alternatif de règlement des différends, soucieux de préserver la valeur de l'entreprise.
Cela veut dire que vous travaillez, le tribunal de commerce et le barreau de Lyon, vous travaillez main dans la main ?
On travaille effectivement main dans la main afin d'oeuvrer pour une justice plus humaine, plus rapide évidemment.
Comment agit-on à une époque où il me semble que les litiges aujourd'hui sont de plus en plus complexes ?
Les litiges peuvent être effectivement de plus en plus complexes. La première chose, c'est de structurer le cadre contractuel de sa relation. Et puis, dans un second temps, pour rebondir sur ce que nous avons évoqué juste avant, c'est effectivement de favoriser la conciliation qui sera moins destructrice de valeur, qui coûtera finalement beaucoup moins cher, plutôt que de s'engager sur finalement un litige et la résolution des litiges qui risquent d'être assez longs.
Vous parliez d'anticipation des chefs d'entreprise. Le tribunal de commerce n'est pas, je vais dire, un gros mot, c'est-à-dire que le rôle du tribunal de commerce est avant tout d'accompagner les entreprises...
Le tribunal de commerce est là pour dire la loi, pour effectivement agir dans l'équilibre économique, mais est également pour accompagner et veiller à ce que les mesures d'accompagnement des entreprises permettent d'assurer leur sauvetage.
Alors, il y a aussi une question primordiale : le délai moyen des contentieux qui est de 400 jours, en moyenne, à Lyon. Comment le réduire ?
Ce délai peut paraître long mais finalement ce n'est que le délai en premier instance, c'est-à-dire le délai d'instruction d'une affaire et de rendu du délibéré devant notre juridiction à Lyon. À cela, il faut ajouter également dans l'hypothèse d'un appel, le délai de la cour d'appel. Donc pour le réduire, on en revient toujours à la même chose, c'est de travailler sur l'amiable. Et puis, de l'autre côté, pour ce qui nous concerne, on est en train de travailler avec le barreau de Lyon, justement, nous en parlions juste avant, pour repenser la façon de mettre en état les dossiers, pour accélérer la phase amont du dossier jusqu'à l'audience de plaidoiire.