Le 2 avril 2015, la municipalité de Lyon annonce la fin d’Enfance, Art et Langages pour raisons financières. Ce programme éducatif novateur dans les maternelles de la ville donnait pourtant de très bons résultats.
En 2002, l’équipe de Gérard Collomb lance le Centre de ressources "Enfance, Art et Langages" (EAL). La structure, installée sur le quai Saint-Vincent, dispose d’outils de formation à destination des professionnels dans le domaine de l’éducation. Mais surtout, elle anime un programme de résidences d’artistes dans les écoles maternelles. Depuis son lancement, une trentaine d’écoles et 10 000 enfants de la région lyonnaise ont participé à ces projets étalés sur trois ans à chaque fois, durant lesquels des artistes donnent l’occasion à des élèves de laisser libre cours à leur créativité. La philosophie de ces actions sur la durée ? Prendre le temps, via l’art, de sortir des sentiers battus de l’éducation, en essayant de nouvelles formes d’apprentissage.
"D’octobre à mai, je me rendais pendant environ 12 heures par semaine à l’école de la Gare d’eau, dans le 9e arrondissement, raconte Nathalie Chazeau, une artiste impliquée depuis deux ans dans une résidence. Je travaillais sur l’anatomie du corps grâce à la danse. Les enseignants se réappropriaient ensuite le thème en classe. Chaque séance, en petits groupes de 4 à 7 enfants, étaient ainsi suivie par un instituteur ou un Atsem."
Nathalie Chazeau peut parler à l’imparfait. La mairie de Lyon a annoncé la fin d’Enfance, Art et Langage dans la formule en cours aujourd’hui.
L’annonce de la fin d’Enfance, Art et Langages, faite sans concertation
Le 2 avril, une soirée est organisée au Centre de ressource. Des chercheurs en sciences sociales, qui depuis 11 ans mènent des travaux conjointement aux résidences, présentent ce soir-là les conclusions de projets aboutis après trois ans de recherche. C’est lors de cette soirée que Yann Ben Hayoun, adjoint à la mairie du 3e arrondissement en charge des affaires scolaires, prend la parole pour annoncer la fin du soutien de la Ville à EAL. Via la Caisse des écoles, la municipalité finançait le Centre et ses programmes.
Très vite, l’incompréhension gagne artistes, chercheurs, professeurs, parents d’élèves et même élus des arrondissements où les résidences ont lieu. Aucune concertation n’a été menée par la Ville avant cette annonce. Les courriers au Conseil municipal, envoyés dès le lendemain de l’annonce, vont longtemps rester lettre morte. "De nombreuses voix s'élèvent au-delà de la petite localité lyonnaise, tonne Jean-Paul Filiod, anthropologue et auteur d’études au sein du Centre de ressources. Dans tout le pays, EAL est connu, des soutiens se manifestent depuis toutes les régions. Et à l'étranger tout autant. De nombreux soutiens proviennent de Russie, Hongrie, Etats-Unis, Allemagne, Grèce, Japon, Italie, Belgique ou d’Argentine."
Et pour cause, tout le monde s’accorde sur la réussite indéniable du projet.
Un bilan positif pour tout le monde
"La manière de travailler des artistes permet de porter de nouveaux regards sur les enfants/élèves : par exemple, certains, étiquetés très tôt comme "en difficulté", développent des compétences réelles à la fois dans des domaines attendus par l'école maternelle et à l'école tout court : attention, concentration, réalisation d'un projet, prise de confiance en soi... Du coup, on peut travailler différemment avec ces enfants-là et les faire progresser", poursuit Jean-Paul Filiod. Des propos qui font échos aux constats positifs de Toufik Ouahdi, délégué de parent d’élève à l’école de la Gare d’eau : "D'une manière générale, le média artistique utilisé permet un travail pluridisciplinaire au sein de l'école maternelle qui est très intéressant pour l'éveil artistique des enfants mais aussi pour leur apprentissage. J'ai observé l'augmentation indéniable du niveau de langue française chez mes deux enfants. J’ai vu aussi des progrès au niveau de la confiance en soi et de l’ouverture à l'autre".
Une source proche du dossier remarque qu’"une feuille de route ministérielle recommande de faire de l’art à l’école". Les adjoints à la culture et à l’éducation eux-mêmes ont concédé l’intérêt des résidences dans une lettre aux acteurs impliqués dans la défense d’EAL.
Malgré l’unanimité sur le bilan d’Enfance, Art et Langages, les résidences s’arrêteront dès la fin de l’année scolaire. Même celles dont la durée de trois ans n’est pas révolue. "Sur les huit résidences en cours, environ la moitié vont prendre fin avant le terme, explique Nathalie Chazeau. C’est frustrant car je ne pourrai pas tenir mes promesses aux enfants et à leurs parents. Il faut du temps pour que les acquis s’installent, que les parents comprennent et s’impliquent dans le projet. Au bout de deux ans, j’ai vu les résultats."
Des raisons financières pour expliquer la fin d’EAL
Peu d’explications de la part de la Mairie entourent la décision d’arrêter les résidences d’EAL. Toutefois, c’est le motif financier qui est évoqué dans la lettre signée par Anne Brugnera, adjointe au maire de Lyon chargée de l’éducation, et Georges Kepenekian, adjoint chargé de la culture.
Le 13 mai, près d’un mois après l’annonce orale de la fin des résidences, ils écrivent : "La baisse importante des dotations de l’Etat nécessite un engagement important de la Ville pour le bien des enfants, en particulier les plus fragiles d’entre eux. Ce contexte budgétaire sans précédent nous oblige à un redéploiement de nos politiques publiques et des actions financées. Cela conduit à des choix très difficiles, à une redéfinition des priorités qui nous prive de dispositifs existants qui ont fait leurs preuves. "Enfance, art et Langages" est l’un d’eux."
Des raisons qui ne satisfont pas les acteurs d’EAL. Certains redoutent que des logiques politiciennes soient à l’œuvre. Tous, en tout cas, soulignent le peu d’investissement financier à faire pour maintenir un projet qui offre de réels résultats.
La spécificité des résidences, pas prise en compte par la Mairie
Dans leur lettre, les adjoints précisent que les ressources créées par Enfance, Art et Langages vont perdurer. Mais le dispositif va être transformé pour garder un lien entre élèves et artistes, sans que soit spécifié les modalités d’un nouveau projet. "[Notre volonté est que] tous les enfants puissent bénéficier de parcours d’éveil aux arts et d'éducation artistique durant les temps scolaires et périscolaire", écrivent les adjoints.
Une position qui pose problème aux acteurs actuels, qui n’en savent pas plus sur leur avenir au sein d’EAL : "La Ville aurait dû nous réunir pour nous dire son problème financier et nous proposer d'imaginer collectivement des solutions", déclare Jean-Paul Filiod. Pour lui, la Mairie est passée à côté de ce qui fait la spécificité même du projet. Et c’est ce qui est justement en péril : le temps long dans lequel s’inscrivent les résidences. "Ce n'est pas parce qu'il y a de l'art que ce programme s'apparente à ce qui se fait en éducation artistique! Ce n'est pas tant de "l'éveil" à l'art, c'est plus que ça : ça fait bouger les lignes pour une éducation différente et souvent intéressante".
Une action collective le 27 mai devant l’Hôtel de Ville
Les artistes impliqués dans les résidences et les chercheurs du Centre de ressources ne veulent pas se contenter des lettres envoyées au maire de Lyon. Pour provoquer une réaction de Gérard Collomb, ils organisent une manifestation le 27 mai de 18h à 20h devant l’Hôtel de Ville. Les parents d’élèves sont eux aussi conviés. Par ailleurs, un site web a été créé en soutient à Enfance, Art et Langages.
Article mis à jour à 15h34 le 17/05/2015.
C'est vrai quoi, on ne peut pas tout faire : offrir un tram à 200 millions au grand copain Aulas et poursuivre un programme éducatif qui fonctionne ! C'est un trouble classique du Collomb.
Les enfants qui refléchissent c'est pas bon, il vaut mieux qu'ils aillent au stade admirer les joueurs de foot décérébrés et millionnaires, un bel exemple de société.