Elle défend un syndicalisme qui met les mains dans le cambouis de l'organisation des entreprises et assume le dialogue social, si on leur en laisse la possibilité.
Lyon Capitale: On a l'image d'un syndicalisme "à la papa", qui peine à recruter... A quoi sert un syndicat aujourd'hui ?
Anne-Marie Colongeli. Il a d'abord un rôle défensif. Il sert à éviter que tous les acquis sociaux des dernières décennies partent en quenouille et qu'on se trouve en pleine régression sociale ! Maintenant, on revient même en-deçà des acquis sociaux. Quand on voit comment sont malmenés les salariés précaires, les jeunes et les seniors dans les boîtes, le respect le plus élémentaire de la dignité de la personne est bafoué.
A quoi le syndicalisme pourrait servir ?
Si l'on n'était pas à récupérer nos militants à la petite cuillère parce que les employeurs essayent de les faire craquer, on pourrait travailler sur les évolutions économiques de demain, sur la manière dont on organise les restructurations de certains bassins d'emplois, et aider les salariés à prendre certains tournants.Mais en France on a une conception réactionnaire du dialogue social : un bon syndicaliste est celui qui est béni oui oui du patron ou en arrêt maladie car persécuté par son patron. Alors que dans d'autres pays européens, la consultation des salariés est vécu comme un facteur d'efficacité des entreprises et de bien-être au travail.
Les syndicats sont relativement présents dans les grosses entreprises et dans la fonction publique. Pas dans les PME...
On essaye de conquérir des avancées pour les petites boîtes sur des choses très concrètes du quotidien. Par exemple, dans la zone industrielle de Saint-Priest (6 000 salariés dans deux ans), il n'y a rien de prévu pour le transport et la garde des enfants, alors que les salariés travaillent dans les centres commerciaux avec des horaires ultra flexibles. On développe donc le "dialogue social territorial", en mettant des syndicats et des organisations patronales autour d'une même table pour répondre aux questions : Comment financer une crèche multi entreprise ? Comment améliorer la desserte TCL ?
Le syndicat peut-il aider les salariés à être heureux au travail ?
Le syndicat a un rôle d'alerte. Mais, malheureusement, il est souvent entendu trop tard ou quand l'employeur réalise que ne pas traiter le problème lui coûtera plus cher. Notre rôle est de soulever des aberrations dans l'organisation du travail et d'obliger l'employeur à trouver des pistes d'amélioration. Car il y a des choses qui marchent très bien sur le papier mais pas sur le terrain. Ces derniers temps on est des annexes de la médecine du travail. Les salariés se plaignent de pression, des charges de travail impossibles à tenir. L'employeur a tendance à dire "c'est M. X qui a un problème avec sa femme ou avec ses enfants". Alors que le problème est généralement collectif.
Portrait
Le syndicalisme comme carrière
Anne-Marie Colongeli s'est syndiqué en 1986, dans les mois qui ont suivi son entrée au Conseil Général. A 27 ans. Son père était un ouvrier adhérent de la CGT. Elle a donc choisi l'ennemi : "c'était trop macho pour moi". Malgré tout, son père lui a donné une "conscience familiale", celle "qu'à plusieurs on est plus costaud qu'isolé". Ce sera donc la CFDT. Assistante sociale de formation, elle n'exerce plus son activité depuis dix ans, à partir du moment où elle a embrassé une carrière syndicale en devenant permanente de la CFDT du Conseil Général et de l'Union Départementale. "Je n'ai aucun regret de n'avoir pas fait la carrière professionnelle à laquelle j'étais destiné. Si j'avais été petit cadre de la fonction publique, j'aurai dû appliquer des décisions auxquelles je n'étais pas forcément en accord. J'aurai eu des fins de mois plus confortables, mais j'aurais eu plus de difficulté à me regarder dans une glace".
Le marathon social lancé par Sarkozy
Régimes spéciaux, pénibilité, modernisation du marché du travail, réforme du contrat de travail, pouvoir d'achat, égalité professionnelle et sécurisation des parcours professionnels. Les dossiers sur la table de négociations ne manquent pas cette automne. Anne-Marie Colongeli : "On épuise les négociateurs car le lundi il faut être dans telle conférence et le vendredi dans telle autre. Et il faut faire l'aller-retour avec la base. Et après on pourra dire si cela échoue que l'on a pas été à la hauteur. Il ne faut pas se foutre de la gueule du monde !"
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