Entretien avec Valérie Pécresse : "Faire entrer les universités dans la culture du résultat"

Elle y défend l'un des axes majeurs de sa loi sur l'autonomie : l'ouverture des universités aux entreprises.

Lyon Capitale. Les universités lyonnaises sont très mal placées au classement de Shanghai. Avec ce plan campus, quelles sont vos ambitions ?
Valérie Pécresse : La loi autonomie et le plan campus ont amené les universités à nouer des alliances et à se regrouper. Cela permet de répondre à une critique faite à notre système universitaire français, son caractère très morcelé. Les résultats du classement de Shanghai, qui tend à privilégier les universités de grandes tailles, plaident pour une politique de regroupement de nos forces : les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) sont l'outil pour y parvenir, où comme à Lyon, se retrouvent les universités, grandes écoles et organismes de recherche d'un territoire. Ces pôles nous permettent de mieux organiser et de structurer l'offre de formation, de lui donner une cohérence dans une même région et donner aux diplômes plus de visibilité internationale. J'ajoute que l'"opération campus", dotée d'un effort exceptionnel de 5 milliards d'euros, a aussi pour ambition de fédérer les grands campus de demain, d'en faire des lieux de vie, et surtout de créer de véritables pôles d'excellence universitaire de niveau international, capables de rivaliser avec les meilleures universités.

On a le sentiment que vous souhaitez concentrer les campus davantage à proximité du centre-ville. Les campus de la périphérie, non retenus par l'"opération campus", sont-ils amenés à déménager ?
Non, pas du tout. Je vous rappelle que les dossiers ont été jugés par le comité d'évaluation à l'aune de quatre critères : l'ambition pédagogique et scientifique, l'urgence de la situation immobilière, le développement d'une vie de campus et la cohérence du projet vis-à-vis du territoire concerné. A mon sens, la question que l'on doit se poser porte sur la place qu'accordent les collectivités locales aux universités dans le tissu socio-économique local et surtout les moyens qu'elles engagent afin d'améliorer les situations au cas pas cas.

Dans un rapport rendu public le 11 juin, six sénateurs proposent un nouveau système de répartitions des moyens lié à la performance des formations. L'"opération campus" est-elle liée à une grande réforme pédagogique ?
Le gouvernement a fait de l'enseignement supérieur une de ses priorités, afin que les nouvelles générations soient le mieux formées possible. Cela a commencé avec l'autonomie des universités, qui va leur permettre d'être plus réactives : en embauchant plus rapidement un professeur, en nouant des partenariats, en s'ouvrant au monde économique. A partir du moment où les universités deviennent autonomes, il fallait revoir les règles de financement des universités qui datent des années 90. Le sénat a remis ses propositions la semaine dernière, nous attendons celle de l'assemblée nationale pour mener une large concertation sur ce sujet. Notre objectif est de faire entrer les universités dans la culture du résultat, tout en n'oubliant pas les universités historiquement sous-dotées. Nous avons aussi décidé de mettre en œuvre un plan généreux pour améliorer les conditions de vie étudiantes (100 millions d'euros avec 50 000 boursiers supplémentaires) et d'un dispositif pour lutter contre l'échec à l'université fondé notamment sur un meilleur accompagnement des étudiants.

Quelle place les entreprises doivent-elles prendre dans l'université de demain ?
C'est un enjeu majeur que de rapprocher les universités et le monde socio-économique, qui s'ignoraient jusque là. En effet, si les grandes écoles sont naturellement ouvertes sur les entreprises, l'université l'était beaucoup moins historiquement car notre système d'enseignement supérieur s'est bâti il y a plus d'un siècle sur une différenciation : l'université ouverte à tous et dispensant une formation plutôt académique d'un côté, les grandes écoles plus professionnelles. Aujourd'hui, les entreprises ont aussi à relever un défi démographique et ont besoin d'élargir leur vivier de recrutement. Elles ne peuvent plus rester à l'écart des universités. La loi sur les universités est un tournant car elle reconnaît une troisième mission à l'université, celle de l'insertion professionnelle : nos universités doivent former nos jeunes en leur inculquant à la fois des connaissances mais aussi des compétences pour leur offrir plus de débouchés professionnels. C'est le sens de la loi autonomie qui ouvre les conseils d'administration aux entreprises et qui permet aux universités de monter des fondations. Plus de la moitié des universités ont aujourd'hui des projets de fondations. Deux ont d'ores et déjà été créées, une fondation universitaire à Clermont 1, et une fondation partenariale à Lyon 1.

La Maison de Valérie
Valérie Pécresse n'a que des amis. Elle est "ici chez elle" au siège lyonnais de l'UMP, venue rencontrer les élus et les cadres de sa couleur, reçue par Dominique Perben, dont elle fut une proche collaboratrice. "Les militants doivent faire passer le message de la réforme et aussi faire remonter les inquiétudes". Les inquiétudes oui, les critiques non. Ambiance chips, sauciflard et cubi-de-Côtes ce jeudi 19, au 25 de la rue Edouard Herriot. Chez elle encore, la ministre reçue par Gérard Collomb, s'auto-félicitant mutuellement de l'avance prise par l'Université de Lyon, réunissant sous la même bannière Jean-Moulin, Lumière et Claude Bernard, rejointes par le privé, et ralliée récemment par Saint -Etienne. Grâce à quoi Lyon a remporté un appel à projet qui lui permettra de bénéficier de financement d'Etat. Le Plan Campus. Il s'agit de faire émerger dix pôles universitaires de taille internationale en France. Chez elle toujours, la ministre, plus tard dans l'après-midi, au milieu de entrepreneurs à la Cité Internationale, quand elle remet des prix de l'innovation. Elle n'entend pas les vociférations des chercheurs du CNRS venus lui chercher des noises. "Non-au-démantèlement-du-CNRS ! " "Ce n'est pas un démantèlement, mais une restructuration à périmètre constant", plaide-t-elle. "Mensonge, répondent les chercheurs, la recherche française sera fracassée pour des décennies". Le matin même, le Conseil d'Administration de cette institution a refusé de se tenir. On ne vient pas crier dans la maison de Valérie, à la cité Internationale, la porte reste donc fermée et la cérémonie se déroule entre amis.

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