Eric de Montgolfier : le procès de la Justice

Serein et souriant, le procureur de Nice comparaît depuis hier devant les juges du tribunal correctionnel de Lyon pour " détention arbitraire ". Le tribunal reproche en effet au procureur ainsi qu'à Christian Chambrin, ancien directeur de la maison d'arrêt de Nice, d'avoir en dépit d'une ordonnance de remise en liberté, maintenu l'incarcération de Jean Herrina, célèbre voleur et faux sultan qui s'est suicidé en cellule. Le parquet a requis la relaxe pour le procureur, et a requalifié l'infraction à l'encontre de Christian Chambrin pour lequel il demande une amende de 5 000 euros.

Retour en arrière
L'affaire débute en août 2002. Jean Herrina commence sa série de vols de bijoux à Saint Jean de Cap Ferrat, à Marbella puis en Allemagne et à Bruxelles. Le 20 septembre, l'homme qui se faisait passer pour un prince arabe est placé sous mandat de dépôt jusqu'au 20 janvier.
Une semaine avant l'arrivée du terme du mandat, le 13 janvier 2003, le juge d'instruction M. Cabossel saisit le juge des libertés. Ce dernier, pourtant saisi d'une demande de prolongation de détention, rédige une ordonnance de remise en liberté immédiate. Mais Jean Herrina reste en prison, et porte plainte le 14 mai 2003, avec constitution de partie civile. Le procès n'a lieu que cinq plus tard, alors que Jean Herrina s'est pendu dans sa cellule en mars 2007, le jour de ses 50 ans.

Question d'interprétation ?
C'est l'interprétation de cette décision du juge qui semble poser problème. Christian Chambrin, gêné par le contenu de cette ordonnance, fait alors appel au Procureur de Nice. Selon lui, le procureur confirme le maintien de Jean Herrina en détention. Le directeur interprète cet avis comme une instruction et maintient l'incarcération d'Herrina.
Mais Eric de Montgolfier n'en démord pas : il ne se souvient pas avoir eu Christian Chambrin au téléphone le 13 janvier, encore moins d'avoir ordonné le maintien en détention de Jean Herrina : " j'ignorais l'affaire Herrina. Herrina était peut-être un gros escroc qui suscite mon admiration mais il n'a pas attiré mon attention. Quand les gens sont volés, c'est dommage, quand ils se font tués, là je deviens attentif ".
Pourtant, le directeur de prison qui hésitait durant les premiers interrogatoires se dit maintenant certain " c'est bien Eric de Montgolfier que j'ai au bout du fil le 13 janvier ". Le directeur ajoute " j'ai une responsabilité quelque part mais les torts sont partagés ".
1ère journée d'audience : un 'procès consternant et décourageant'
Florent Pascal, substitut du procureur près du TGI de Marseille et témoin au procès s'est indigné à la barre. " Je trouve ce procès consternant et décourageant. On ne devrait pas laisser libre cours à ce genre de procès, cela devrait se régler par voie déontologique ou procédurale ".
Pour le substitut, " aujourd'hui, le procès ne concerne pas une infraction pénale, c'est une simple erreur de plume ". Le témoin était le parquettier référent du dossier Herrina. Il a reconnu à ce sujet avoir rendu visite au juge d'instruction de l'affaire, le juge Roland, pour lui demander conseil sur un éventuel moyen de retenir Herrina après son mandat. Mais le substitut dément toute idée de maintien de détention voulu par le procureur de Nice.
C'est en fin de journée que Jean Pierre Dage-Desgranges, procureur de Lyon, soulève le point implicite et essentiel du dossier : " ce maintien en détention a-t-il été provoqué artificiellement pour ressortir le dossier Hong Kong et permettre un nouveau mandat de dépôt ? ".
Jean Herrina, au cours de sa détention, a été en effet reconnu auteur d'un cinquième vol, un vol de biens précieux à Hong-Kong. Mais, le 13 janvier, le Parquet n'avait pas les éléments nécessaires pour permettre l'ouverture d'une nouvelle information judiciaire. Ce prolongement de détention semblait donc le moyen idéal pour garder Herrina sous la main de la justice avant d'accumuler les charges à son encontre.
A cela, Eric de Montgolfier s'interroge à haute voix " Je conçois mal la portée de l'accusation. Est-ce un débat technique sur l'application d'une ordonnance ou me reproche t-on d'avoir laissé Herrina en prison pour l'avoir sous la main pour l'infraction d'Hong-Kong ? "
Le Procureur reconnaît toutefois que " le rattrapage Hong-Kong n'était pas le moyen le plus légal que je connaisse, mais ça ne me parait pas illégal ".
" Que s'est-il vraiment passé le 13 janvier 2003, qui fait quoi au Parquet de Nice ? ", ce sont sur ces interrogations répétées du président du Tribunal, Jean-Pierre Fernand, que s'est clôt le premier jour de procès d'Eric de Montgolfier. Le président qui a suspendu l'audience pour continuer le débat " sereinement " l'a affirmé à plusieurs reprises " le procès doit permettre quelques éclats de vérité, les déclarations ne concordent pas, il faut continuer le débat ".

Voir aussi la seconde journée d'audience

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