ETIENNE TETE : AULAS A-T-IL BESOIN D'UN STADE ?

En dépit de propos vengeurs, le football a changé. Sous l'impulsion du droit européen, il est devenu un business. Les signes sont évidents. La Cour de Justice des Communautés Européennes a affirmé la liberté de circuler des joueurs. Un club professionnel peut être composé uniquement de joueurs étrangers, sans attache avec les centres de formation. Le Tribunal administratif a souligné que la mise en location d'un stade doit s'opérer au prix du marché. Solution logique : la gestion génère des bénéfices considérables.

L'entrée en bourse de l'Olympique Lyonnais est une étape significative. Très belle valorisation du patrimoine des actionnaires historiques, d'aucuns estiment la fortune de Jean-Michel Aulas à 230 millions d'euros, mais mauvaise affaire pour les nouveaux. Le cours a baissé.
Le stade a-t-il encore son utilité ? A l'origine, le discours officiel était qu'il fallait un stade pour entrer en bourse. Le ministre des sports avait posé cette condition. Le Maire de Lyon était contre : le pouvoir étant une illusion, il s'est laissé convaincre. Et maintenant que l'entrée en bourse a eu lieu...

La billetterie, 21 millions d'euros, 68 % d'abonnés. L'achat des billets par les collectivités représente 20% des abonnés et 14 % de la fréquentation. Si la demande "citoyenne" était forte, il suffirait d'abandonner cette politique d'achat et de distribution gratuite. Le projet de stade serait différé. Autres vertus : si la loi n'interdit pas aux collectivités d'acquérir des places, l'usage de celles-ci n'est pas sans poser de questions. Lorsqu'un élu utilise pour lui-même, sa femme, ses amis des billets achetés par les contribuables, il bénéficie d'un avantage indû.

Le deuxième paradoxe est que le principal revenu d'un club sportif provient des droits de retransmission, 71,5 millions d'euros en 2006 pour l'OL. Particularité française : des recettes audiovisuelles records, 600 millions d'euros pour la L1, comparables à l'Angleterre, loin devant la Bundesliga à 240 millions d'euros ; des spectateurs au plus bas, 21 600 spectateurs en moyenne par match en championnat, contre 40 000 en Allemagne.

L'investissement représenterait 390 à 450 millions d'euros, dont les deux tiers pour le stade lui-même. Sur le plan théorique, l'amortissement devrait représenter 15 à 18 millions d'euros, soit plus que les espérances de recettes liées à l'activité sportive : 10 millions d'euros de billetteries, 4 millions d'euros de produits dérivés. Dépense énorme, 0,6 millions d'euros par an pour les 40 000 premiers spectateurs, 15 millions d'euros par an pour les suivants, face à plusieurs millions de téléspectateurs qui rapportent beaucoup !

Les plus-values se feront ailleurs. Par la valorisation de l'autorisation d'urbanisme commercial donnée gracieusement. C'est un des problèmes majeurs du fonctionnement de l'Etat et des collectivités. Les permissions administratives, l'urbanisme commercial, les droits à construire, jusqu'au simple droit d'exploitation d'un taxi sont accordés gratuitement. Elles se revendent ultérieurement très cher. Le premier bénéficiaire empoche une plus-value à l'origine de faits qui ont défrayé la chronique judiciaire. Une moralisation est nécessaire.

En attendant, une évidence : le stade de l'OL n'a pas pour premier objectif la venue de spectateurs. Il sert de produit de communication pour justifier une opération d'urbanisme hautement lucrative par tout le reste.

Un projet financé sur des fonds privés pourrait désintéresser les contribuables. Mais l'addition sera lourde en matière de finances publiques et d'intérêt général, de réalisation d'équipements de voirie, de transports collectifs, de parkings pour un total qui pourrait approcher les 150 millions d'euros. Autrement dit, des Lyonnais modestes, métamorphosés en grand prince, sans un réel consentement développent la fortune d'actionnaires, Aulas aujourd'hui, d'autres demain.

Etienne Tête (Les Verts) est adjoint aux marchés à Lyon.

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