Expulsion de Roms à Vénissieux : Picard n'assume pas

Alors que le préfet devrait procéder dans quelques jours, voire quelques semaines tout au plus, à l'expulsion du squat de Roms installé rue des sports à Vénissieux dans un ancien bar-restaurant, le maire refuse d'être jugée responsable de cette expulsion. Elle nous a écrit, vendredi, nous demandant de corriger notre article intitulé "Picard expulse à la mauvaise adresse".

Nous expliquions vendredi sur Lyoncapitale.fr que le maire avait pris un arrêté de péril grave et imminent sur le bâtiment squatté, mais qu'elle s'était trompée d'adresse postale pour désigner l'immeuble. Aussi nous pensions que son arrêté était caduc. Nous avons vérifié de nouveau, l'adresse postale indiquée à plusieurs reprises sur l'arrêté est bien fausse, 10/12 rue des sports ne correspond pas à l'immeuble squatté. En revanche, l'adresse cadastrale " parcelle AO 12" qui figure elle aussi dans l'arrêté est correcte. Elle correspond bien à l'ancien bar-restaurant, le bâtiment dont le mur menace de s'effondrer. `

Le maire parle de plusieurs parcelles, l'arrêté en vise une seule

Pour sa défense, le maire nous écrit : "cet arrêté vise bien les bâtiments situés sur les parcelles cadastrales 10/12 rue des Sports, qui correspondent à l'adresse postale 2/4 rue des Sports". La formule distingue donc bien l'adresse postale qui est fausse, et l'adresse cadastrale (AO12) qui est juste. C'est une manière de retomber sur ses pattes, mais l'arrêté ne disait pas exactement cela : "Article premier : la propriété sinistrée sise 10/12 rue des sports à Vénissieux sur la parcelle cadastrée AO N°12 est déclarée en état de péril grave et imminent". Un peu plus haut, il est écrit dans l'arrêté : "considérant l'avertissement donné le 16 octobre 2014, au propriétaire de la parcelle considérée au 10/12 rue des sports à Vénissieux Parcelle AO N°12"

En revanche, comme l'adresse cadastrale est juste, cela ne remet pas en cause la validité de l'arrêté, comme nous l'avions écrit par erreur. Dont acte. Cela ne devrait donc pas poser de problèmes juridiques de nature à empêcher l'évacuation du bâtiment principal. Mais concernant les parcelles AO 10 et A0 11, elles aussi occupées par des Roms, c'est plus difficile à dire. L'arrêté peut-il s'appliquer sur ces parcelles ? Il prévoit (article 3) d'interdire "l'accès du bâtiment et ses abords". Mais les deux autres parcelles peuvent-elles être considérées comme des abords ? Michèle Picard ne répond pas à la question. Elle assure seulement être "entourée d'une équipe de professionnels compétents, [qui] prend les décisions adéquates à Vénissieux".

"Le maire ne décide pas d'une évacuation", elle prend un arrêté qui l'exige

Deuxième aspect du démenti de Michèle Picard, elle conteste avoir décidé de l'expulsion. "Il ne rentre absolument pas, écrit-elle à Lyon capitale, dans les prérogatives du maire de décider d'une évacuation et encore moins d'y recourir par des moyens de force publique". Effectivement, écrire que le maire expulse les Roms est un raccourci journalistique, seul le préfet a le pouvoir de convoquer la force publique et ce sont les forces de l'ordre qui procèdent à l'expulsion. Mais les uns et les autres agissent sur la base de l'arrêté pris par le maire.

Dans son démenti, Michèle Picard explique que son arrêté découle d'un rapport d'expert commandé par le tribunal administratif. "Ce dernier a confirmé, à l'issue d'une visite sur site, que les bâtiments présentaient un péril grave et imminent. (…) Dans le cadre d'une procédure de péril grave et imminent, l'avis de l'expert judiciaire s'impose à toutes les parties. Le maire, qui est tenu de suivre les conclusions de l'expert judiciaire par la prise de l'arrêté; le propriétaire, qui ne doit pas exposer les occupants au péril; les occupants, qui doivent évacuer les lieux pour permettre sa sécurisation; et le préfet, qui le cas échéant, peut autoriser le concours de la force publique pour procéder à l'expulsion".

"Le service sécurité civile de la Ville a saisi le tribunal administratif"

Un peu plus haut, elle reconnait cependant que c'est "le service sécurité civile de la Ville, compétent en la matière, [qui] a donc saisi le tribunal administrait, afin qu'un expert soit mandaté". Elle ne peut donc pas se dédouaner d'être à l'origine de l'expulsion qui sera bientôt pratiquée, puisque le préfet s'appuiera soit sur l'arrêté soit sur l'avis commandé par le maire pour agir. Dans les deux cas, le maire en est à l'origine.

A l'origine de l'arrêté, "les services de police se sont inquiétés de l'état du bâtiment, explique le maire, faisant craindre un risque pour la sécurité des occupants. Le service sécurité civile de la Ville, compétent en la matière, a donc saisi le tribunal administratif, afin qu'un expert soit mandaté". Mais là encore, la police ne porte pas la décision d'évacuer.

"Dans un délai de 7 jours (…) il y [sera] procédé d'office par la commune"

L'arrêté du maire est clair : il enjoint "la propriétaire" à procéder à l'"évacuation des occupants du bâtiment" (article 3), "dans un délai de 7 jours à compter de la notification du présent arrêt" (le 24 octobre), sans quoi "il y [sera] procédé d'office par la commune et aux frais du propriétaire". Michèle Picard oblige donc le propriétaire à évacuer son bâtiment, elle ne peut donc ignorer que c'est elle qui décide de l'évacuation, à défaut d'y procéder.

Contactée sur le sujet, la préfecture ne souhaite pas s'exprimer pour l'instant. Elle reconnait qu'elle "étudie le dossier actuellement". Il est possible que les squatteurs, 70 Roms, dont plusieurs dizaines d'enfants, soient relogés dans le cadre du plan froid qui débute le 1er novembre. Le premier centre d'hébergement d'urgence ouvrira le 5 novembre à Villeurbanne, dans une ancienne caserne de pompiers.

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