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© Tim Douet

Faut-il armer les policiers municipaux de Lyon ?

Plusieurs syndicats demandent au maire de Lyon d'armer de revolvers les agents municipaux dédiés à la sécurité. Ils évoquent le braquage de Global Cash l'an dernier, quand des policiers municipaux avaient dû battre retraite derrière des pots de fleurs. "Pourquoi nous interdire de riposter ?", questionne un délégué. Jean-Louis Touraine, adjoint à la sécurité, s'y refuse, arguant que le fait d'être armés "vous transforme en cible".

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Depuis cette année, les policiers municipaux disposent tous d'un gilet pare-balle. Demain, auront-ils à leur ceinture un révolver ou un flash-ball ? Plusieurs syndicats de policiers municipaux font le choix des armes. C'est par exemple l'union syndicale professionnelle des policiers municipaux qui a adressé le 5 septembre un courrier à Gérard Collomb. Les agents "ne peuvent assurer pleinement leurs missions car ils ne sont pas dotés de moyens de défense", est-il écrit. Cette requête a été aussi été envoyée au maire de Marseille. Ces syndicats prennent l'exemple de certaines municipalités comme Evry ou Nice qui ont franchi le pas.

Sur les quais, cet été, un homme avec un revolver

"Travail à hauts risques sur les berges du Rhône", est le titre d'un communiqué de la section lyonnaise du syndicat national des policiers municipaux (SNPM, classé à droite) qui relate l'interpellation, le 11 août dernier, d'un homme qui portait alors un revolver de calibre 38, quai Claude-Bernard. "S'il l'avait sorti, quels moyens les policiers auraient-ils eu à lui opposer ?", s'interroge le texte. "Faut-il un nouveau drame pour que les élus comprennent que dans une grande agglomération comme Lyon le métier de policier municipal ne peut plus s'effectuer sans armement supplémentaire ?". Cette revendication a connu un nouvelle ampleur depuis la mort d'Aurélie Fouquet, policière municipale, mitraillée dans sa voiture le 20 mai 2010 à Villiers-sur-Marne. Elle était alors armée.

Claude Guéant semblait vouloir répondre à l'appel de ces syndicats lors des premières rencontres nationales de la police municipale, à Nice, en juin dernier. Finalement, il s'est rétracté : "Aucune ville ne ressemble à une autre, même si nous savons bien que les caractéristiques de la délinquance dans les grandes villes nécessitent désormais, en règle générale, que les policiers municipaux soient correctement armés", a-t-il lancé. Certains parlementaires y ont vu un galop d'essai. Il ne leur en fallait pas plus. Député UMP de la Gironde, cofondateur de la Droite Populaire, Jean-Paul Garraud va déposer en octobre une proposition de loi obligeant toutes les villes à armer leur police, "à condition d'une meilleure formation et d'un meilleur recrutement" des personnels. Pour lui, "c'est certain", les agents municipaux porteront bientôt des revolvers à leur ceinture. Tout comme ils ont obtenu au fil du temps des gaz lacrymogène et des bâtons tonfa.

"Les gangsters tirent plus vite que les policiers"

A Lyon en tous cas, il y a peu de chance que les syndicats soient entendus. La municipalité n'est pas favorable à l'armement des 330 gardiens de la paix. "La grande majorité des policiers municipaux ne le souhaitent pas, soutient même Jean-Louis Touraine, adjoint à la sécurité. Selon lui, une telle mesure "exposerait les policiers à beaucoup plus de danger". "Le fait d'être armés vous transforme en cible. Or d'expérience, les gangsters tirent plus vite que les policiers qui eux sont plus prudents et font des sommations". L'élu socialiste avance d'autres arguments : la diffusion d'armes à feu au sein de la population "qui n'a jamais été un moyen de rétablir la paix civile", le risque de bavure voire de suicides. Ou encore la volonté de ne pas "mélanger les missions des polices municipales et nationales".

"Nous ne les envoyons pas dans des endroits dangereux, assure l'élu. Et s'ils font face à des personnes armées, ils se retirent et appellent la police nationale". Délégués du SNPM, Thierry Vernoux et Patrick Beaux contestent cette vision. "Nous avons des missions très similaires à celles de la police secours", soutient ce dernier. Il évoque les patrouilles réalisées dans des quartiers potentiellement chauds, comme la Duchère, Mermoz, sœur Janin ou cité Jardin dans le 7e arrondissement. En particulier le groupe opérationnel mobile officie jusqu'à minuit tous les soirs.

Global Cash : les policiers s'étaient cachés derrière des pots de fleurs

Ils font valoir que l'utilisation de flash-ball permettrait au moins de disperser les groupes de jeunes lorsqu'ils sont pris à partie. Le souvenir du braquage de Global Cash est aussi vivace, le 24 septembre 2010. "Certains agents se sont trouvés en joue. Ils ont eu le réflexe de se cacher derrière des pots de fleurs", relate Thierry Vernoux. L'agent fait remarquer que les malfaiteurs avaient même tiré sur un civil. "Les braqueurs étaient alors sous cocaïne, complètement incontrôlables, ajoute son collègue. On a de plus en plus affaire à des jeunes plus armés que la police, prêts à tout. Si on équipe tous les agents d'un gilet pare-balles, c'est bien qu'on reconnait qu'on peut nous tirer dessus. Mais pourquoi nous interdire de riposter ?".

Décines, Rillieux et St-Fons ont armé leurs agents

L'affaire prend un tour politique, quand les syndicats mettent en cause Jean-Louis Touraine. "Le problème, c'est que le maire a confié la sécurité à un médecin. Dans d'autres villes de France, ce sont des anciens gendarmes ou d'anciens policiers. Lui est déconnecté de la réalité". Le débat n'est pourtant pas seulement idéologique. Plusieurs villes de l'agglomération gérées par des majorités de gauche ont des gardiens de la paix armés de revolvers. "Ce sont les agents qui en avaient fait la demande lorsqu'ils avaient été exposés à des situations difficiles. C'est surtout utile pour les rassurer", affirme Jérôme Sturla (PS), adjoint au maire de Décines. "On est loin du garde-champêtre d'antan", abonde un collaborateur du maire de Rillieux où les agents patrouillent jusqu'à deux heures du matin. Celui-ci relève que les policiers sont parfois appelés pour tapage nocturne ou pour procéder à une hospitalisation d'office. Des interventions qui parfois tournent mal. A St-Fons, les agents municipaux, armés, patrouillent 24h/24 et 7j/7.

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Mieux distinguer les missions des deux polices

Ce débat conduit à celui des missions de la police municipale qui ne sont nulle part précisées. "Nous n'avons pas besoin d'armes pour les sorties d'école. Mais par exemple à Grenoble où nos collègues travaillent de nuit dans des secteurs difficiles, nous le souhaitons", expose Michel Marin, délégué CFDT à Villeurbanne. Son syndicat demande à ce qu'une "doctrine soit définie avec une clarification des missions de la police municipale". "On n'a pas vocation à remplacer la police nationale. Si on va nous sur-armer, on va nous demander de nouvelles missions", redoute le délégué CGT de Lyon. La CGT s'oppose au port d'armes à feu et plaide pour que la police municipale soit recentrée sur des missions de proximité.

"La police municipale doit être une police de proximité vu que la police nationale ne l'est plus", tranche Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS. Pour le sociologue, les agents nationaux conserveraient des missions de police judiciaire, de renseignement et de maintien de l'ordre. Les municipaux, eux, s'attacheraient à "une meilleure connaissance du terrain et à une relation de qualité avec la population". "Des missions pour lesquelles il est évident que les agents n'ont pas besoin d'armes". Cette doctrine a un corollaire : ne pas faire travailler ces gardiens de la paix la nuit. "On les fait alors rentrer dans une logique de police secours et on met le doigt dans l'engrenage". Quid des demandes citoyennes d'une plus grande présence humaine le soir ? D'après Laurent Mucchielli, cette tâche de "rassurance", de lien social serait celles de correspondants de nuit ou de médiateurs, plus que d'hommes de l'ordre.

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