Fin 1943, les Mouvements unis de la résistance vont réussir à Lyon l'une des opérations les plus folles de la Seconde Guerre mondiale : remplacer les exemplaires d'un journal collaborationniste dans les kiosques par une édition spéciale à la gloire de ceux qui combattent l'occupant et Vichy. Histoire de l'opération Faux Nouvelliste.
Durant la Seconde Guerre mondiale, ce ne sont pas des livres qui sortent des rotatives à Lyon, mais des tracts et journaux résistants dans une ville pendant un temps en zone libre. Les journalistes parisiens y trouvent un refuge bienvenu, Lyon devient ainsi la capitale de la presse française. Imprimer, c'est résister, mais aussi prendre le risque d'être arrêté, voire pire.
En 1943, les activités sont séparées pour éviter d'attirer l'attention de l'occupant nazi. Ainsi, les textes du journal Libération-sud sont écrits à Lyon, avant d'être tirés à Montélimar chez Eugène Grouillier à 80 000 exemplaires. L'entreprise ne se fait pas sans problème d'approvisionnement en papier, mais Eugène Groullier parvient toujours à trouver des solutions. Quand l'étau de la Gestapo se fait plus fort, une seconde imprimerie est ouverte à Auch pour brouiller les pistes. Cela ne suffira pas, un traître s'est infiltré dans l'entreprise. Le 11 décembre 1943, Eugène Grouillier et sa famille sont arrêtés, puis déportés. Sa femme ne reviendra jamais du camp de Ravensbrück. Cette arrestation va porter un coup à la propagande résistante, mais ne découragera pas l'une des opérations les plus audacieuses de la Seconde Guerre mondiale : l'opération Faux Nouvelliste. Elle s'inspire d'une action de la résistance belge qui est parvenue à diffuser une fausse édition du journal Le Soir à Bruxelles.
L'idée semble impossible, mais Henry Jaboulay et Lucien Bonnet décident de la proposer à Auguste "Alban" Vistel (le même qui plus tard fera découvrir Avengers ou Spider-man à la France avec les éditions Lug). À Lyon, les Mouvements unis de la résistance veulent ainsi se rendre dans les kiosques et remplacer le journal collaborationniste le Nouvelliste, par une édition spéciale qu'ils auront eux-mêmes réalisée. Tous les matins, le journal appelle à la collaboration, dénonce les résistants et veille à ce qu'aucun lecteur ne rejoigne l'armée des ombres à l'aide d'une intense propagande.
Le plan
Première étape : imprimer la fausse édition sans se faire repérer lors de la fabrication et parvenir à créer un journal qui ressemblerait tellement à l'original que les kiosquiers ne pourraient pas remarquer la supercherie immédiatement. Journalistes et typographes vont ainsi réaliser un brillant travail de faussaire. En parallèle, les résistants repèrent les trajets des livreurs. Dans un premier temps, ils imaginent arrêter les camions, neutraliser les conducteurs, prendre leur place, décharger les vrais Nouvelliste pour les remplacer par les faux, avant de se rendre dans les points de vente. Opération trop risquée, trop compliquée, ils doivent agir discrètement pour ne pas éveiller l'attention. Les nazis vont leur donner une occasion d'agir. Certaines fois, des éditions sont censurées alors qu'elles sont déjà en vente dans les kiosques. Des livreurs viennent alors reprendre les journaux concernés tout en déposant les nouvelles versions expurgées des contenus qui ne plaisent pas à l'occupant. La résistance va profiter de cette opportunité.
Le jour J
Le 31 décembre, vers 5 heures du matin, trois résistants, dont un armé, prennent place dans l'un des six véhicules maquillés en "Service de presse". A l'arrière des paquets avec une bande "censure". L'opération est lancée. Ils se présentent dans plusieurs kiosques de la ville, prétendent que la première édition du journal collaborationniste Le Nouvelliste est censurée par les Allemands et qu'ils doivent en déposer une nouvelle. Aux vues et à la barbe de tous, ils embarquent la version d'origine et laissent derrière eux une édition vantant les mérites de la résistance avec des titres équivoques : "Raids massifs sur l'Allemagne", "Les vrais terroristes, c'est la Milice"... 30 000 exemplaires sont ainsi distribués, avant que la police ne retire le "Faux Nouvelliste" vers 8 heures. Trop tard, les exemplaires circulent déjà. L'opération est un succès, les résistants sont passés à travers les mailles d'un mortel filet.