Grande Librairie © Sandrine Thesillat – Quais du Polar

Festival : plus que jamais, OK pour le polar !

La vingtième édition du festival Quais du Polar s’annonce copieuse et passionnante. Elle se déroulera, le temps d’un week-end prolongé, du 5 au 7 avril.

Lors de la présentation à la presse du programme de la vingtième édition du festival Quais du Polar, la directrice de la manifestation, Hélène Fischbach, a glissé un regard rétrospectif sur le chemin parcouru.

Vingt ans nous séparent de la première édition de 2005, qui rassemblait quelques centaines de passionnés de littérature policière venus se réfugier dans la sombre galerie des Terreaux, alors que tombait une pluie battante.

Il y eut des éditions salle Molière, des éditions perturbées par le Covid (dont une en 2020 entièrement virtuelle et une en plein air en 2021, au bord du Rhône)…

Maintes péripéties que l’on ne racontera pas ici. Hormis peut-être l’émouvante ovation réservée, lors d’un débat aux Célestins, à l’écrivain italien en lutte contre la mafia, Roberto Saviano, ainsi que la mémorable rencontre avec James Ellroy, où il se mit à crier : “Je suis le chacal !”

Déclinaisons tous azimuts et clichés pulvérisés

Le festival lyonnais (qui s’étend désormais bien au-delà de la périphérie) est devenu un événement international incontournable qui rassemble plus de 90 000 participants.

Le cœur de QDP est depuis des années le palais de la Bourse. Il accueille bon nombre de rencontres ainsi que douze grandes librairies indépendantes présentant leur sélection et leurs coups de cœur.

Le succès de la manifestation tient au fait qu’elle a su, dès le début, décliner le genre policier ; s’ouvrant au cinéma, aux séries, à la musique, à la gastronomie, au théâtre, à la danse, au documentaire, aux écrits scientifiques et juridiques… Il a fallu souvent déjouer les clichés autour du genre et démontrer que les polars ne se résument pas à des histoires de meurtres et d’enquêtes ni à des livres qu’on lit pendant les vacances…”,affirme Hélène Fischbach.

Adieu poulet et 20 Jours à Marioupol

Abondance de biens ne nuit pas, l’équipe de QDP, toujours très “girl power”, pourrait reprendre à son compte le proverbe.

Une centaine de rendez-vous, divers et variés, sont au menu. Comme ces séances de cinéma proposées à l’institut Lumière, partenaire historique de QDP.

Cette année, vous pourrez voir (ou plutôt revoir) l’inusable Adieu poulet de Pierre Granier-Deferre (sorti en 1975) ou encore Affreux, sales et méchants, le film culte d’Ettore Scola (sorti en 1976).

Deux longs métrages programmés dans le cadre d’un “week-end noir” où sont aussi à l’affiche : Millénium : les hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011), La Firme (1993) ou encore Shutter Island (2010). Côté – grands – écrans, s’ajoute la projection de documentaires percutants sélectionnés par le Fipadoc (Festival international du documentaire, partenaire de QDP). Tel 20 Jours à Marioupol, réalisé par des reporters ukrainiens qui, piégés dans la ville assiégée, ont filmé les atrocités de l’invasion russe. Il sera projeté à l’Espace Renoir.

Parmi les animations multiples prévues : les balades littéraires célébrant l’intégration de Lyon au réseau Unesco des villes artistiques, les croisières entre Rhône et Saône, les visites du palais de justice et des locaux de la police scientifique, les dictées noires, les spectacles, concerts (du rock au baroque) et remises d’une dizaine de prix…

Citons aussi, dans le cadre d’un nouveau partenariat avec le festival Séries Mania, un “série-concert” autour de l’épisode La Mouche, issu de la délirante série Breaking Bad.

Crime étoilé”

Impossible de passer sous silence la fameuse enquête proposée chaque année (la dernière a rassemblé plus de 15 000 participants !).

Baptisée “Crime étoilé”, elle invitera les festivaliers de tous âges à faire la lumière sur une affaire mêlant musique et gastronomie, au départ de Confluence et dans toute la Presqu’île.

Quatre comédiens l’animeront, contre deux habituellement. Elle sera, promettent les organisateurs, “exceptionnelle ! Elle fera la part belle aux points de vue, aux petites rues secrètes et aux porches”.

Plumes noires

Enfin, côté plumes, cette 20e édition rassemblera 135 auteurs issus de 15 pays différents. Des grands noms du polar international comme Jo Nesbø, John Grisham ou Terry Hayes… Ou comme Dennis Lehane, qui fera sa première apparition au festival. De grands auteurs français tels Maxime Chattam, Franck Thilliez ou Marion Brunet. Ainsi que des best-sellers hexagonaux qui auront à cœur de montrer qu’ils ont aussi leur place dans cette exigeante sélection. Tels Marc Levy ou Guillaume Musso, qui viendra animer un entretien baptisé “La Vie est un roman”.


Quais du Polar - Festival international,20e édition – Du 5 au 7 avril, palais de la Bourse, www.quaisdupolar.com


François Médéline © Xavier Hacquard et Vincen Loison

François Médéline, voisin et habitué

C’est en voisin mais aussi en habitué des lieux que l’écrivain lyonnais François Médéline viendra cette année encore à QDP. Son dernier roman, La Résistance des matériaux, est une nouvelle enquête menée, de manière plus borderline que jamais, par Alain Dubak. Flic suicidaire, dépressif, cocaïnomane, qui ne respecte rien ni personne.

L’affaire qui l’obsède fait furieusement penser au scandale des comptes cachés de Jérôme Cahuzac. Mais si l’on est bien sous la présidence de François Hollande, le compte offshore découvert appartient ici à son ministre de l’Intérieur, Serge Ruggieri.

Un haut fonctionnaire d’État, totalement fictif, mélange entre Manuel Valls, Gérard Collomb et, bien sûr, Cahuzac. Les investigations nous mènent dans les bas-fonds et sous les ors de la République, qui, un peu comme la réalité et la fiction pour François Médéline, se confondent.

L’action se déroule en grande partie à Lyon, de la place des Célestins à la banlieue sinistrée. Le style de l’écrivain n’a jamais été aussi percutant.

D’autant qu’il s’amuse à intégrer dans son récit de fausses écoutes téléphoniques lors desquelles on retrouve Paul Bismuth, François Hollande, Éric Woerth, Fabrice Arfi, Edwy Plenel…, des interviews inventées sur différentes radios ainsi que de faux articles de presse (dont certains de Lyon Cap !)…

La Résistance des matériaux – François Médéline, La manufacture de livres, 496 p., 21,90 €.


Tim Willocks © Philippe Matsas

Tim Willocks, ceinture et romans noirs

Parmi les sujets de sa gracieuse majesté invités de QDP, Tim Willocks est certainement le seul à avoir obtenu une ceinture noire deuxième dan de karaté. Ce n’est pas la seule particularité de ce romancier né dans le nord de l’Angleterre en 1947.

Il est un grand connaisseur des noirceurs de l’âme humaine, spécialiste des drogues, et a exercé le métier de psychiatre.

Son œuvre la plus connue est La Religion (parue en 2006 en Grande-Bretagne). Premier roman d’une trilogie où évolue son héros, Mattias Tannhauser, et qui se déroule à Malte en 1565 dans un contexte de siège et de guerre religieuse.

Le roman a reçu un accueil controversé en raison de la violence et la crudité des scènes décrites. Mais nous nous rangerons à l’avis de James Ellroy, il a déclaré que The Religion était “un étourdissant voyage en enfer superbement maîtrisé”.
Son dernier roman en date, La Mort selon Turner, est situé en Afrique du Sud. Willocks nous fait suivre un flic noir amateur de taï-chi, acharné à faire la lumière sur la mort d’une jeune SDF noire renversée par la voiture d’un riche Afrikaner blanc.

La Mort selon Turner – Tim Willocks, Sonatine, 640 p., 26 €.


Dennis Lehane © David Empson

Dennis Lehane, du livre à l’écran

Étonnamment, Dennis Lehane n’avait jusque-là jamais participé à QDP. C’est pourtant l’une des grandes voix américaines du genre. Il est l’auteur d’une quinzaine de polars.

Mais il est aussi connu grâce à l’adaptation à succès de certains de ses romans. Dont Mystic River (2003) par Clint Eastwood, avec Sean Penn et Tim Robbins, Gone Baby Gone (2007) par Ben Affleck, et Shutter Island (2010) par Martin Scorsese, avec Leonardo DiCaprio. Sans parler de la mythique série télévisée, Sur écoute (tournée entre 2002 et 2008), dont il est le scénariste.

Il viendra d’ailleurs commenter une projection de Shutter Island à l’institut Lumière. En 2013, l’un de ses romans, Ils vivent la nuit, a obtenu le très prestigieux prix Edgar-Allan-Poe.

Le livre a de nouveau été adapté par Ben Affleck, sous le titre Live by Night.
Le Silence – Dennis Lehane (traduit par François Happe), éditions Gallmeister, 448 p., 25,40 €.


Jo Nesbø © Thron Ullberg

Jo Nesbø, polar glacial

L’écrivain norvégien s’inscrit dans la fameuse tradition scandinave du polar, où les enquêtes se déroulent dans des régions enneigées au climat polaire. C’était le cas pour Soleil de nuit, deuxième opus de sa série Du sang sur la glace. Un bref roman d’une intensité saisissante, qui mêle subtilité psychologique et descriptions de milieux sociaux contrastés.
Nesbø est aussi un excellent nouvelliste, son recueil Rat Island, qui sort début avril, en témoigne. La vengeance, le pouvoir et le progrès scientifique sont les thèmes des cinq nouvelles noires que contient le livre, très belles et glaçantes, situées dans un futur étrange et indéterminé.

Rat Island – Jo Nesbø (traduit par Céline Romand-Monnier), éditions Gallimard (collection Série Noire), 448 p., 21 €.

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