La Vague, sur la place Bellecour, par Sébastien Lefèvre. (Photo DR)

Fête des Lumières 2021 à Lyon : dans les profondeurs de "La Vague" de la Place Bellecour, reportage

À quelques jours du grand retour de la Fête des Lumières, un immense chantier se déploie sur la place Bellecour. Du 8 au 11 décembre, une vague haute de 20 mètres va se répandre sur ce lieu emblématique de Lyon, où des centaines de toiles blanches, illuminées par des camaïeux de couleurs, formeront une onde sortie de terre. Plongée dans les coulisses d’une œuvre réalisée par l'éclairagiste Sébastien Lefèvre. 

Un projet taillé pour la place Bellecour. Point de départ des artères majeures de la Presqu’île de Lyon, la plus grande place piétonnière d’Europe, d’une superficie de 62 000 m2, accueille depuis une semaine un chantier d’envergure. Une structure d’une hauteur de vingt mètres et d’une longueur de quatre-vingts, enserre l’emblématique statue équestre de Louis XIV qui trône au centre de la place. 

La tour centrale culmine à 20 mètres de hauteur, tandis que les deux latérales ne dépassent pas les 15 mètres. (Photo : Loris Lacroix)

Vendredi 3 décembre, à seulement cinq jours du lancement de la Fête des Lumières, une trentaine de techniciens défilent sur Bellecour pour élever "La Vague", une œuvre dessinée par l’éclairagiste lyonnais, Sébastien Lefèvre. Il était déjà présent sur huit autres éditions avec notamment Oriflammes en 2012 et Pavillon en 2019. Les équipes artistiques, habituées à travailler avec lui pour créer la lumière de spectacles de danse, se muent en ouvriers pour donner vie à cet édifice.

 

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L’œuvre a été imaginée il y a deux ans par Sébastien Lefèvre, dans la continuité de ses précédentes œuvres. Dans la matinée, une immense grue est venue participer au montage des trois tours de la structure. Donnant à celle-ci une allure asymétrique pour rappeler le ressac des vagues formé par les obstacles qu’elles rencontrent.  


"La création amène la création. Ce sont mes rencontres qui nourrissent mon travail. Ça ne tombe pas du ciel. L’art n’est pas une science infuse", Sébastien Lefevre, créateur de "La Vague"


350 voiles déployées sur Bellecour

Mercredi 8 décembre dès 19 heures, quand la nuit sera tombée, 350 kakémonos blancs reliés par un réseau de cordage s’illumineront pour donner la sensation qu’une vague de lumière déferle sur la plus grande place de Lyon. "Comme un peintre, ces voiles blanches serviront de support pour ma lumière. Elles vont voler au vent pour créer des ombres, des volumes. La lumière, elle, va accrocher ces volumes et créer des ombres à l’intérieur. Tout cela va donner une espèce de matière avec des flux de lumière circulant sur les voiles, mais aussi des flux portés par le vent qui les feront onduler", souffle Sébastien Lefèvre, en surveillant de loin le faîtage malmené par le vent qui constituera la crête de sa vague. 

Faites sur mesure par un fabricant de drapeaux, 350 voiles blanches en toile de spi formeront "La Vague" dès le 8 décembre. (Photo : Loris Lacroix)

Sur une musique du flûtiste jazz Jocelyn Mennie, les spectateurs présents, idéalement placés en face du Rhône, pourront admirer des tableaux de couleur ondulant sur l’immense structure de cordage tenu par trois tours d’échafaudage de 20 mètres de haut. " Toutes les variations de lumières seront accompagnées par une succession de variations jouées à la flûte. La boucle musicale durera 8 minutes avec 7 pièces différentes. Sur chaque thème il y aura un travail différent autour de la lumière. Les projecteurs placés au pied des trois tours enverront en contre-plongée des camaïeux, ainsi que des dégradés de couleurs", explique le créateur lumière, en se gardant d’en dire davantage sur les nuances de couleurs qu’il utilisera pour le spectacle.  

À la rencontre du spectacle vivant

Fort de ses 25 années passées dans la lumière, Sébastien Lefèvre garde en tête que ses œuvres doivent constamment apporter quelque chose de plus aux spectateurs. "La création amène la création. Ce sont mes rencontres qui nourrissent mon travail. Ça ne tombe pas du ciel. L’art n’est pas une science infuse", raconte celui dont la première réalisation remonte à 2004. Alors qu’il se rapproche doucement de sa neuvième participation, la Fête des Lumières reste malgré tout "une sorte d’échappatoire" pour Sébastien Lefèvre, qui a préféré rester fidèle au spectacle vivant pendant toutes ces années.


"Ces installations puisent dans la danse ou le théâtre et permettent à des émotions totalement différentes de se rencontrer", Sébastien Lefèvre, créateur de "La Vague"


Difficile de lui donner tort en regardant son parcours de plus près : des débuts en tant que régisseur lumière avant de basculer éclairagiste, pour des compagnies de théâtre et de danse. Des expériences qui l’ont amené à "s’impliquer davantage sur des travaux plus personnels. Ces installations puisent dans la danse ou le théâtre et permettent à des émotions totalement différentes de se rencontrer", avoue-t-il, le regard toujours tourné vers le haut.  

Issu de la culture nippone, le kakémono est, à son origine, une peinture ou calligraphie sur soie qui s'enroulait autour d'un bâton. De nos jours, il renvoie plutôt à une bâche sous tension et accrochée à une structure métallique. (Photo : Loris Lacroix)

Le vent se lève et les quelques voiles installées sur la structure dansent de concert. Soucieux de créer des œuvres plastiques capables de se mettre à l’échelle de la ville en jouant sur son paysage, Sébastien Lefèvre n’a pas fait de "La Vague" une exception. Elle s’inscrit dans la continuité de deux premiers opus réalisés en 2012 (Oriflammes) et en 2014 (Sous le Vent), où l’artiste jouait, déjà, avec des supports en toiles. Ici, il utilise mille sept cents mètres carrés de toile blanche, découpée en plus de trois cents voiles de quatre mètres de haut par un mètre cinquante de large. Le tout accompagné de plusieurs jeux de lumière programmés, séquencés, et projetés par les machines dispersées autour des échafaudages. Autre élément fondamental de l’œuvre, la musique de Jocelyn Mennie avec qui le créateur avait déjà travaillé et qui a, en grande partie, inspiré cette installation. "On peut dire que j’ai imaginé cette œuvre pour lui", lâche-t-il d’un ton rieur.  

Frustration

Au centre, Sébastien Lefèvre, créateur de "La Vague". (Photo : Loris Lacroix)

Pour le natif de Saône-et-Loire, comme pour les techniciens hissant les toiles vers la crête de la vague à l’aide d’une poulie, "ce chantier vient mettre fin à une longue année de frustration" après l’annulation de la fête en 2020 pour cause de covid. "Heureusement cette année les organisateurs ont eu le courage de la maintenir". Désormais, "place à l’excitation, place à la vraie vie", commente Sébastien Lefèvre qui peine à contenir sa joie face à l’ouvrage en cours. Car, avant d’en arriver à ce stade et de voir les ouvriers sur le chantier, le créateur a passé deux années à travailler en solitaire, enchainant les maquettes et les modélisations 3D. Une succession d’étapes "jamais simple à aborder", où la réflexion, le doute et les problèmes étaient devenus la règle. 


"Ce chantier vient mettre fin à une longue année de frustration", Sébastien Lefèvre à propos du Covid-19


En seulement quelques jours, la charpente de "La Vague", faite de cordes et de barres de fer, a pris forme et s’étend sur plus de quatre-vingts mètres de large. Pensée pour la place Bellecour, l’œuvre aurait pu ne jamais se tenir à cet endroit. "Elle était censée se faire au Parc Blandan avant que le covid n’apparaisse. Je n’ai rien contre ce lieu mais c’est tant mieux, plaisante Sébastien Lefevre, l’endroit était à peine plus petit que Bellecour, or l’œuvre est créée pour elle. C’est la place qui amène à ce projet".  

Des dizaines de techniciens sont mobilisés chaque jours pour installer les 350 toiles blanches de "La Vague". (Photo : Loris Lacroix)

Immensité

Calquée sur "l’immensité de Bellecour", l’œuvre réalisée par Sébastien Lefèvre est aussi une façon redoutable d’exposer un travail artistique aux yeux du monde. Grâce à la Fête des Lumières de Lyon, l’éclairagiste a pu voyager aux quatre coins du globe "à Singapour notamment, où on a pu installer Oriflammes. Mais aussi à Doha plus récemment, pour remonter le Pavillon vu place Antonin Poncet en 2019". Toutefois, l’idée reste de se consacrer au spectacle vivant en alternant avec des installations pour des évènements tels que la Fête des Lumières, "car les émotions sont totalement différentes. Il y a beaucoup de satisfaction personnelle dans ces réalisations, mais c’est moins fort que de partager des émotions avec une troupe".  

Les ouvriers doivent agir sous la contrainte de la météo, plutôt clémente ce vendredi 3 décembre. L'installation nécessite un vent faible et des conditions optimales pour éviter que les toiles ne s'envolent. (Photo : Loris Lacroix)

"Tout est mou, c’est une installation vivante qui va réagir en fonction de la météo", Sébastien Lefèvre, créateur de "La Vague"


Avant de conquérir les foules à l’international, "La Vague" se chargera d’abord d’emporter avec elle les spectateurs lyonnais réunis ce mercredi au cœur du 2e arrondissement. Reste à savoir comment. Car dans cette œuvre "tout est mou, c’est une installation vivante qui va réagir en fonction de la météo", confie l’éclairagiste en chef pressé par des techniciens inquiets de voir la pluie arriver, alors qu’il reste encore des voiles à accrocher. 

Pour l'heure, seule la partie gauche de "La Vague" a été complétée. La fin des travaux devrait arriver en début de semaine, soit quelques jours avant les premiers tests. (Photo : Loris Lacroix)

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