L’édition 2019 de la Fête des lumières aura une saveur particulière. À plus d’un titre. Dernière du duo Collomb-Zurawik, elle possède tous les ingrédients pour marquer les esprits, notamment le retour du Groupe F. À vérifier dans les rues de Lyon du 5 au 8 décembre.
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Cette année, la présentation du programme de la Fête des lumières a pris des allures de rouleau compresseur. Les éditions avant les élections sont souvent synonymes d’artillerie lourde pour marquer les esprits, au point que quelques plaisanteries fusent toujours pour savoir s’il faut inscrire le budget de la fête à celui de la campagne du candidat sortant. La fête avait surtout besoin de retrouver sa grandeur après quelques années difficiles. La dernière décennie n’aura pas été la plus flamboyante, en grande partie à cause de l’actualité. En 2015, la Fête des lumières fut annulée à cause des attentats du 13 novembre et les éditions suivantes se sont cantonnées à la Presqu’île, à l’intérieur d’un périmètre de sécurité. Gérard Collomb devenu ministre de l’Intérieur (de mai 2017 à octobre 2018), les fêtes furent plus intimistes, à la limite de la déclinaison de la Biennale d’art contemporain, un risque que Collomb avait toujours voulu éviter, encore plus après l’édition 2004, qu’il avait jugée décevante avec ses installations minimalistes.
Quand Lyon aligne le meilleur
2019 ne tombera pas dans cet écueil, alignant de belles promesses sur le papier qui, si elles sont respectées, feront de cette édition l’une des plus marquantes. Le retour du Groupe F est déjà en soi un événement. En 2005, il avait marqué les esprits avec ses flammes place des Terreaux. L’installation avait eu tellement de succès que les visiteurs refusaient de partir, pour s’offrir une nouvelle boucle. Cette année, le flux de personnes sera moins problématique, puisque Regarde, sa boucle contemplative de 20 minutes basée sur le feu, l’air et l’eau, sera visible au parc de la Tête-d’Or. Le parc servira d’écrin à un spectacle vivant où les flammes jaillissent du sol et dansent avec la nature, un nouveau cycle de la vie pour nous inciter à nous recentrer sur le monde qui nous entoure plutôt que sur nos smartphones. L’œuvre est très prometteuse. “Si les gens viennent jusqu’au parc de la Tête-d’Or, il faut que cela en vaille la peine. On est des forains, on est là pour donner des émotions, émerveiller”, confie Christophe Berthonneau. Lorsqu’on lui parle de l’édition 2005 qui a marqué ceux qui ont eu la chance de la découvrir, le directeur artistique du Groupe F sourit. “Les Terreaux, ça aussi, c’était un grand changement pour nous, on nous appelait de partout après. On est revenus à Lyon pour aider sur d’autres œuvres, je me souviens d’une année où je courais dans tous les sens, où je prenais le métro avec ma ceinture d’artificier pour aller d’un endroit à un autre dans la ville !”
C’est aussi le grand retour de la place des Terreaux, dénuée d’illuminations en 2018 à cause des travaux. La ville a fait appel au talent des Allumeurs d’images, dont les œuvres sont toujours des réussites. Une toute petite histoire de lumière sera une projection colossale pour rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui font rêver chaque année les visiteurs de la Fête des lumières. À Saint-Jean, autres artistes de référence : Théoriz, avec Genesis, un voyage dans le temps, de la création des étoiles à nos jours. Philippe Cotten retrouve pour sa part l’écrin de la colline de Fourvière pour ses Cueilleurs de nuages, une œuvre destinée à faire réfléchir sur la question de l’eau, avec une fable environnementale menée par des géants. Place Bellecour, la grande roue ne servira pas d’écran colossal, c’est une approche plus zen qui a été choisie après des réussites du même genre lors des éditions précédentes. Prairie éphémère est une balade dans une nature en lévitation, sous des herbes de 4 mètres de haut, tandis que des poissons volants flottent à 40 mètres au-dessus des visiteurs. Une respiration et une ode au calme qui devraient être bienvenues. Ce n’est pas un best-of, c’est de l’artillerie lourde version poésie lumineuse.
Survivre à la fin du duo Collomb-Zurawik
C’est surtout la dernière édition de son coordinateur général, qui partira à la retraite après la fête. En une quinzaine d’années, Jean-François Zurawik est parvenu à faire passer l’événement dans une autre dimension, nourrissant une relation quasi symbiotique avec le maire, Gérard Collomb. Si les arbitrages ont parfois été musclés entre les deux, quasiment chaque fête a été marquée par l’influence de l’un comme de l’autre, à quelques exceptions près. Gérard Collomb est de retour, entretemps il a fait monter Yann Cucherat, son adjoint aux grands événements, qui a progressivement réussi à s’imposer.
Au-delà de la dernière pour Zurawik, c’est peut-être également la dernière pour Collomb, qui brigue la présidence de la métropole, fonction qui n’est pas cumulable avec celle de maire. Dans le jeu de la répartition des pouvoirs, de nombreuses choses sont passées sous le pavillon du Grand Lyon, mais la ville a toujours gardé fermement l’organisation de la fête, via une régie. Aujourd’hui, Jean-François Zurawik ouvre une porte : pourrait-on voir apparaître un partenariat public-privé pour gérer certains aspects ? Avec la campagne municipale qui arrive, c’est peut-être l’un des sujets qui sera débattu.
Prolonger la fête
Comment faire évoluer la Fête des lumières ? Doit-on embrasser les innovations technologiques à tout prix comme les drones qui révolutionnent les approches, ou bien aller vers des éditions plus intimistes, au risque de revivre celle de 2004 ? Les candidats ne se sont pas encore emparés de la fête, mais ce patrimoine immatériel de la lyonnitude ne pourra être ignoré longtemps. Un autre projet commence à émerger, celui d’une cité ou d’un pavillon des lumières, pour une fête toute l’année. La direction de l’éclairage urbain a toujours veillé à ne pas tomber dans une Fête des lumières 365 jours par an, tout en proposant des installations pérennes où la “normalité” n’en reste pas moins exceptionnelle. Pourtant, d’autres villes progressent sur leur propre festival de la lumière, s’imposant comme des alternatives ou concurrentes à Lyon. La ville a désormais sa Cité de la gastronomie et Thierry Frémaux, le patron de l’institut Lumière, plaide pour une Cité du cinéma. Dans une ville qui a fait de la lumière un moment de communion et d’émerveillement, un pavillon dédié à la fête toute l’année semble aujourd’hui une évidence.
QUEL IMPACT SUR LA CONSOMMATION ÉLECTRIQUE ?
À en croire la mairie de Lyon, la Fête des lumières n’entraînerait aucune surconsommation électrique. Pour Thierry Marsick, directeur de l’éclairage urbain, la raison de cet équilibre n’est pas à aller chercher du côté des économies d’énergie, simplement de “l’extinction des mises en lumière pérennes au même moment”. Lyon a néanmoins fait d’importantes économies d’énergie en matière d’éclairage urbain. En 1989, la ville comptait 42 000 points lumineux pour une consommation annuelle de 35 GWh, en 2018 ce sont 78 000 points lumineux pour 26 GWh. Consommation qui devrait encore baisser, notamment grâce à des expérimentations d’éclairage dont l’intensité varie grâce à des capteurs de mouvement.
[Article extrait du dossier Fête des lumières paru dans Lyon Capitale n° 794 – Décembre 2019]
Fête des Lumières de Lyon : le meilleur programme de la décennie ?