Le 11 mars 2011, un gigantesque séisme secouait le Japon, déclenchant un violent tsunami qui a fait 20.000 victimes et sur lequel est venu se greffer un accident nucléaire majeur qui a détruit quatre des six réacteurs de la centrale de Fukushima. Deux ans jour pour jour après le drame, où en est-on ? Quel est le bilan sanitaire ? Quelles perspectives dans cette zone interdite ? Michel Simon, président de la société française d’énergie nucléaire Rhône-Ain-Loire, répond à Lyon Capitale.
Lyon Capitale : Deux ans après le tsunami au Japon, la Société française d’énergie nucléaire s’est penchée sur le cas de l’accident de Fukushima. A-t-on assez de recul pour tirer un bilan ?
Michel Simon : Pas complètement. Sur les aspects techniques, on a maintenant une idée bien claire de la galère que ce démantèlement va être pour les 30 ou 40 prochaines années. Mais, techniquement, on sait ce qu’il faut faire. En ce qui concerne l’aspect sanitaire, c’est plus compliqué. On peut toujours se baser sur les personnes qui ont été exposées il y a deux ans, faire l’état des lieux des maladies déclarées aujourd’hui et établir des projections. Mais, sur ce sujet, on ne pourra vraiment être fixé qu’à 5 ans, avec l'étude d'une cohorte un peu plus large. Plusieurs études sont néanmoins assez rassurantes sur l’impact sanitaire, comme celle de l’Organisation mondiale de la santé, qui fait référence.
Aujourd’hui, combien dénombre-t-on de victimes suite à l’accident nucléaire de Fukushima ?
Il faut être très clair. Il n’y a eu aucune victime par rayonnement suite à l’accident nucléaire de Fukushima. Les six décès survenus sur le site, chez les personnels d’intervention, sont dus au tsunami ou à des problèmes de santé particuliers, mais en aucun cas à une exposition radioactive.
Comment expliquer un impact "limité" de cet accident nucléaire ?
Il y a plusieurs facteurs qui l’expliquent, notamment la décision d’exclusion qui a été prise très vite. En quelques heures, la zone était évacuée, de l’iode était distribué en grandes quantités aux habitants. Même si la gestion de la crise a été très critiquée, il faut sortir de ses charentaises et se remettre dans le contexte : toute une région venait d’être balayée par un tsunami. On peut dire que, dans de telles circonstances, l’essentiel a été fait.
Difficile cependant de ne pas faire un parallèle avec Tchernobyl, dont on connaît l’impact sanitaire désastreux. Qu’est-ce qui différencie ces deux accidents nucléaires ?
Ce sont deux mondes totalement différents ! Du point de vue de la conception de la centrale déjà. Tchernobyl, c’est comme si vous placiez un réacteur nucléaire dans un hangar. Tandis qu’à Fukushima, ils étaient abrités dans des enceintes de confinement. Le comportement des réacteurs a lui aussi été très différent. À Tchernobyl, il a explosé, propulsant du graphite qui a brûlé pendant des jours et des jours. À Fukushima, les moteurs n’ont pas explosé, ils ont fondu.
On se souvient pourtant d’une explosion dont on a vu et revu les images lors de l’accident japonais.
C’est vrai, le haut du bâtiment a été touché par une explosion d’hydrogène qui a libéré de la radioactivité.
Les centrales françaises qui sont pourtant dotées d’enceintes sont donc exposées aux mêmes risques d’explosion à cause de l’hydrogène…
Non, en France, toutes nos centrales sont équipées de systèmes bien spécifiques. Si le cœur du réacteur venait à fondre, l’hydrogène dégagé est recapté et la pression à l’intérieur de l’enceinte est relâchée. Mais l’air expulsé passe alors au travers de filtres qui empêchent de disséminer des substances radioactives dans l’atmosphère. C’est un peu le principe de la cocotte-minute avec le petit bouchon sur le dessus.
Savait-on que les centrales japonaises n’étaient pas équipées de tels dispositifs ?
Les responsables des centrales japonaises, forcément, eux le savaient. Pour ma part, j’avoue que je l’ai découvert avec cet accident.
Concrètement, aujourd’hui, une zone interdite autour de la centrale de Fukushima demeure. Pour combien de temps ?
Il faut comprendre que l’appréciation du risque a certainement été largement surévaluée. Aujourd’hui, les zones où la radioactivité mesurée est la plus importante se situent aux alentours de 50 mSv. Pas question de s’y installer pour l’instant, mais on peut y passer sans risquer une exposition trop importante. En France, le niveau de radioactivité naturelle se situe autour de 2,4 mSv. En Inde ou au Brésil, il est à 40 mSv.
On va s’acheminer petit à petit vers un retour sur la zone, en plusieurs étapes. Il y a quelque temps déjà, des autorisations de retour avaient été délivrées, pour la journée. À court terme, on va certainement voir des autorisations de résidence ponctuelle sur certains secteurs. Il faudra attendre pour certaines autres zones. Et ce sera même encore plus long pour d’autres secteurs. Les Japonais ne le chiffrent pas, mais il faudra certainement attendre quelques décennies encore pour retourner à certains endroits.
C'était Michel Simon, président de la société française d’énergie nucléaire Rhône-Ain-Loire, qui nous disait : 'Dormez, braves gens, le lobby du nucléaire veille sur vous'. Merci M. Simon. Merci Lyon Capitale.
J'imagine qu'il envisage d'emménager sur place avec sa famille, pour faire un bon coup immobilier?