Nicolas Daragon, maire de Valence. Photo : Jeff Pachoud/AFP

Fusillades à Valence : "On ne fait pas face à des Kalachnikovs avec des bonnets de bain"

Depuis le 9 mai, quatre fusillades liées au trafic de drogue ont eu lieu à Valence, faisant trois morts et plusieurs blessés. Le maire LR de Valence, Nicolas Daragon dénonce "une faillite de l'Etat".

Dimanche 21 mai, un homme de 22 ans a été touché par des tirs à la tête rue Jean-Jaurès à Valence. Conduit à l'hôpital, ses jours ne sont pas en danger. Cet évènement s'ajoute à une série de trois fusillades mortelles liées au trafic de drogue ayant secoué la ville entre le 9 et le 13 mai. Le parquet de Lyon est saisi, plusieurs garde à vue ont été prises au cours des derniers jours et une cinquantaine de CRS ont été envoyés en renfort après la première fusillade dans la nuit du 9 au 10 mai. Nicolas Daragon, maire Les Républicains de Valence dénonce "une faillite de l'Etat dans les quartiers".

Lyon Capitale : Avez-vous échangé avec les habitants depuis le 9 mai et quel est leur sentiment ?

Nicolas Daragon : Je les rencontre tous les jours, que ce soit en me rendant dans les quartiers qui sont les lieux de déroulement de ces deals, ou en les recevant directement. Les élus vont également à la rencontre des commerçants, on voit des gens tristes, en colère. Tristes de voir des familles être les cibles mais aussi les auteurs, et en colère, parce qu'on a tous collectivement un sentiment d'abandon de l'autorité publique.

LC : Vous avez un sentiment d'impuissance en tant que maire, d'abandon de l'Etat ?

ND : J'ai entendu des remarques nous disant qu'il fallait des éducateurs, installer des piscines, des terrains, mais ce n'est pas avec des bonnets de bains qu'on va faire face à des Kalachnikovs. Les CRS sont là jusqu'à dimanche, c'est leur troisième semaine. Cela montre qu'il y a eu une prise de conscience des tensions que j'avais pourtant décrites parfaitement depuis plusieurs mois. On a un relatif retour au calme.

LC : Vous demandez des outils pour agir en tant que maire ?

ND : Les outils, je n'attends pas qu'on me les donne. J'attends que ceux qui les ont en fassent usage. Nous, on fait notre boulot. On est passé de huit à dix éducateurs avec le département, on est la seule ville avec 800 fonctionnaires installés dans la zone de sécurité prioritaire, on met le paquet sur la rénovation urbaine.

Les maires sont laissés face à leurs responsabilités. On n'a pas de pouvoir judiciaire, pas de pouvoir de maintien de l'ordre et l'interdiction d'entrer en zone de sécurité prioritaire sans autorisation de l'Etat.

LC : C'est l'Etat le problème ?

ND : Je ne remets pas en cause l'autorité de l'Etat. Mais on a une faillite dans les quartiers. Dans une ville moyenne comme Valence, une fois qu'ils auront repris la main sur trois rues, ils auront fait 70 % du travail. Ils n'annihileront pas le deal, mais ce sont des points majeurs. Nous maires, on dépense l'argent du contribuable, on embauche des policiers municipaux, mais l'Etat n'est pas au rendez-vous de ses prérogatives.

LC : Tout le monde sait qui participe, où et quand, mais l'Etat n'agit pas. C'est cela qui vous agace ?

ND : Oui, on sait, on entend, on connait les gens qui participent à ce trafic. A Marseille, je comprends que ce soit dur de reprendre la main, mais à Valence, c'est 20/30 personnes par quartier, on sait où ils sont et qui ils sont, on sait tout. Pourquoi d'un coup on met trois semaines de CRS ?

LC : Il faudrait mettre 50 CRS en permanence sur le secteur ?

ND : Non, ce n'est pas ce que je dis, mais on peut faire du harcèlement régulier le reste du temps. On est la ville centre de la Drôme et l'Ardèche, on nous compare à la criminalité d'une métropole mais on ne nous donne pas les moyens. Si une trentaine de policiers venait deux fois par semaine, je pense que ça améliorerait les choses. On a en plus une préfète absente sur les sujets de sécurité, mais qui se permet de nous faire des remarques sur la propreté. On a une faillite de l'Etat nationale, et contextuellement locale.

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