Entretien.
Lyon Capitale : Michelin, Adidas et Elf sont soupçonnés de fraude fiscale via des fondations au Liechtenstein, cela vous étonne-t-il ?
Bernard Soulage : Non, absolument pas. Je pense que s'est développé dans le monde une espèce de côté naturel de ce genre de transactions. Donc, aujourd'hui, d'aucuns considèrent ce système comme tout à fait normal.
Au nom de quoi les paradis fiscaux étaient-ils tolérés jusqu'à aujourd'hui ?
Je vois deux grandes raisons : d'abord, cela arrange un certain nombre de personnes qui y trouvent de formidables avantages, que ce soit dans des sphères politiques ou privées. Ensuite, chaque Etat se dit que si ce n'est pas lui, les autres le feront. Autrement dit, si chaque Etat a intérêt à rompre avec ces paradis fiscaux, tout cela s'évanouit dès lors que d'autres Etats ne le font pas, car il n'existe aucune stratégie coopérative entre Etats.
Comment supprimer ces paradis fiscaux ?
Je prends la comparaison avec le protocole de Kyoto : il faut arriver à une masse suffisante d'Etats qui considèrent qu'ils ont un intérêt à jouer le jeu. Et que les autres se disent qu'ils ont également intérêt à les rejoindre sous peine d'être écartés des grands flux financiers mondiaux. Il faut se fonder sur l'intérêt, pas sur la vertu, sinon, cela ne fonctionnera pas. Du coup, les Etats qui ne suivent pas doivent être sanctionnés, d'où la nécessité d'une liste noire des paradis fiscaux.
A-t-on une idée des sommes que les paradis fiscaux gèrent ?
A l'échelle de la planète, ce sont très probablement des centaines de milliards de dollars.
Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint du mensuel Alternatives Economiques parlent de 40 à 50 milliards d'euros rien que pour l'Etat français...
Cela me paraît beaucoup, c'est quand même l'équivalent du montant des impôts sur les bénéfices... En revanche, que cela représente quelques dizaines de millards d'euros, ça me semble très vraisembable.
La suppression des paradis fiscaux est-elle le levier indispensable à une réforme monétaire et financière gloable ?
Avec la transparence, je crois effectivement qu'il s'agit du levier premier, donc indispensable. Car toute régulation qui s'appliquerait à un univers non clos dans lequel il y aurait des fuites serait perdu d'avance. Il faut que l'espace de régulation soit à peu près fermé. Prenez l'exemple d'un tonneau : pour le remplir, il faut qu'il y ait le moins de trous possibles.
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