Au sud de l’agglomération lyonnaise, les Amalla, gitans sédentaires, feront-ils les frais des déclarations va-t-en guerre de Sarkozy ? Faute de terrains pour leurs caravanes, ils "squattent" une aire d’accueil et risquent une expulsion imminente. A écouter : Alexandra Gimenez, “porte-parole” de la famille.
Après l’attaque de la gendarmerie de Saint-Aignan par des gens du voyage, Nicolas Sarkozy veut “expulser tous les campements en situation irrégulière”. Cette déclaration n’est pas une bonne nouvelle pour la grande famille Amalla qui est sous le coup d’une ordonnance du tribunal administratif de Lyon, datée du 7 juillet. Laquelle oblige ces Gitans à quitter l’aire d’accueil qu’ils squattent depuis qu’ils ont dépassé les délais autorisés. Depuis juillet 2009, ces 22 familles gitanes, toutes issues du même groupe familial, ont installé leurs caravanes sur l’aire de passage de Brignais, propriété de la communauté de communes de la Vallée du Garon. Elles auraient dû rester six mois, comme le prévoit le règlement intérieur. Mais un an après leur arrivée, elles sont toujours là.
Mises en place par le schéma départemental prévu par la loi Besson de 2000, les aires d’accueil sont, comme leur nom l’indique, conçues pour le passage. Elles ne sont pas censées accueillir des familles qui veulent rester à l’année, comme les Amalla. Après les avoir avertis, le président de la communauté de communes, Marc Cliet, a saisi le tribunal administratif qui lui a donné l’autorisation de les expulser. Malgré cette décision de justice, les Amalla n’ont pas l’intention de partir. "Nous n’avons nulle part où aller", justifie simplement, Alexandra Gimenez, qui fait office de porte-parole du groupe familial.
Une aire d’accueil à expulser : une histoire qui bégaie
Ces Gitans ont donc décidé d’engager un bras de fer avec les autorités publiques pour obtenir une solution pérenne de logement dans la grande agglomération lyonnaise. "Le voyage ne nous intéresse plus. Nous travaillons sur les marchés ici, nos enfants reçoivent des cours ici et les personnes âgées sont hospitalisées ici, poursuit Alexandra Gimenez. Nous voulons un terrain familial où nous pourrions vivre tous ensemble à l’année". Jusqu’en 2006, les Amalla vivaient à Feyzin, dans un camping insalubre. "Ma mère, ma grand-mère y ont vécu également. Même si c’était une poubelle, c’était un endroit à nous". Après avoir perdu son agrément, le camping est fermé.
Problème, le schéma départemental ne prévoit aucune obligation pour accueillir les Gens du voyage dit "sédentaires", alors qu’il oblige les communes de plus de 5000 habitants à se doter d’une aire de passage. Dans le Rhône, toutefois, ce schéma incite fortement les communes à reloger "leurs" familles qui, depuis des décennies parfois, vivent sur leur territoire. Ce qu’ont fait des communes du Rhône comme Mornant ou Mions.
"On avait alerté la municipalité de Feyzin. Mais ils n’ont pas bougé mis à part le relogement des quelques familles qui souhaitaient vivre en appartement, explique Xavier Pousset, le directeur de l’Association Régionale des Tsiganes et de leurs Amis Gadjé (ARTAG). Résultat : l’immense majorité des ménages, soit quarante "familles Amalla" sont partis dans l’agglomération à la recherche d’une solution. Un groupe d’une vingtaine de familles s’est finalement installé sur l’aire de Vénissieux qui venait d’ouvrir. Après un an et demi de séjour, ces familles ont reçu un avis d’expulsion. Elles sont alors parties pour Brignais.
Les autorités se hâtent lentement
Depuis que les "Amalla" ont posé leurs caravanes sur l’aire de Brignais, l’ARTAG a tenté d’attirer l’attention des pouvoirs publics. Sans succès. "On a fait une réunion avec le Grand Lyon, le Conseil Général, la CAF, la DDE. Mais depuis c’est en sommeil". Le lendemain de l’ordonnance d’expulsion du tribunal administratif, la préfecture s’est réveillée. Le 7 juillet, la sous-préfète Marie-Thérèse Delaunay réunissait les acteurs pour décider qu’“un diagnostic social” des familles serait réalisé dans les prochains mois. “La préfecture ne nous écoute pas. Nous voulons être reçus et entendus par la sous-préfète, insiste Alexandra Gimenez. Ce que nous voulons est très clair : un terrain familial”.
Reprendre la route avec des bébés et des vieux en mauvaise santé ?
En attendant, la solution provisoire “ne peut être qu’une aire d’accueil de passage pour six mois”, avance Marc Cliet, le président de la communauté de commune de la Vallée du Garon. Mais pour l’instant rien de concret ne se dessine alors que les Amalla peuvent être expulsés d’un instant à l’autre.
Alexandra Gimenez a tenu à nous faire rencontrer des membres de la famille en très mauvaise santé : son oncle, Emile, sous assistance respiratoire et surtout Jeanne Malla, une grand-mère de 73 ans. Diabétique, récemment opérée du cœur, elle “ne peut plus mettre un pied par terre”, nous dit-elle. A toutes ces personnes, Marc Cliet a proposé un relogement en appartement. Refus catégoriques. “Comment je ferais toute seule ? interroge Jeanne Malla. On ne peut pas nous obliger à vivre une vie qui n’est pas la nôtre. On n’est pas en Russie, tout de même !”
Logement social horizontal
Comme les Amalla, environ 150 familles (selon les estimations de l’ARTAG) tournent autour de l’agglomération lyonnaise en quête d’une solution pérenne pour pouvoir se sédentariser. Ils étaient 350 il y a dix ans, avant l’entrée en vigueur du schéma départemental sur les gens du voyage. Restent les familles qui ne sont pas identifiées territorialement “parce qu’elles ont dû à un moment ou à un autre quitter leur commune de rattachement”, explique Xavier Pousset, le directeur de l’ARTAG. Comme pour les Amalla, les pouvoirs publics se hâtent alors lentement pour leur trouver des solutions de relogement.
“Pour la plupart, ces sédentaires cherchent un terrain à l’année qu’ils pourraient garder même s’ils ne voyagent que quelques mois, poursuit Xavier Pousset. L’une des solutions serait de développer un logement social horizontal à ciel ouvert”.
La question des sédentaires devrait être au cœur des discussions sur la révision du schéma départemental des gens du voyage qui va être engagée à la fin de l’année. Selon la préfecture, 85% des aires de passage ont été réalisées dans le Rhône. “D’ici fin 2011, nous serons dans les clous”, confirme Xavier Pousset. Mais si ces aires de passage continuent à être “squattées” par des sédentaires en quête de solution, c’est la réussite du schéma départemental qui serait remise en question.
Si seulement on pouvait expulser cet infâme personnage de l'Elysée... Triste France 🙁