Bruno Benoît est historien, auteur de nombreux ouvrages qui font référence, revient sur le parcours de Gérard Collomb, dont les obsèques se tiennent mercredi 29 novembre.
Les funérailles de Gérard Collomb se déroulent mercredi 29 novembre à la Primatiale Saint-Jean. Le président de la République, Emmanuel Macron, sera accompagné de la Première ministre, Elisabeth Borne. François Hollande a également annoncé sa présence, tout comme l'ancien premier ministre Edouard Philippe, qui avait succédé, en octobre 2018, à Gérard Collomb, démissionnaire, comme ministre de l'Intérieur.
Plus de 1 400 personnes sont attendues dans la cathédrale, dont 300 invitées par la famille. Une retransmission en direct, sur le parvis, est prévue.
Gérard Collomb a "réussi la synthèse des trois pouvoirs, l'Hôtel de Ville, la chambre de commerce et Fourvière"
Un dispositif exceptionnel pour un homme qui a "réussi à faire la synthèse des trois pouvoirs, l'Hôtel de Ville, la chambre de commerce et Fourvière" explique Bruno Benoît, historien spécialiste de Lyon.
Une homme qui a marché "dans les pas d'Herriot", et qui, comme lui, aura écrit l'un des plus grands chapitres de l'histoire urbaine de Lyon
"Je crois que Gérard Collomb est devenu maire à l'orée du XXIe siècle, mais qu'il était encore un homme du XXe. Et il restera de lui un maire bâtisseur. Il a su redonner une dimension de modernité à cette ville."
Bruno Benoît est professeur agrégé d'histoire, spécialiste de l'histoire de Lyon, et auteur de nombreux ouvrages qui font référence, comme L'identité politique de Lyon (199), La Lyonnitude, Dictionnaire historique et critique (2000), Etre Lyonnais. Identité et régionalité (avec Gilbert gardes en 2005) ou 24 maires de Lyon pour deux siècles d'histoire (ouvrage collectif, 1994). Il obtient le Grand Prix des auteurs et écrivains lyonnais en 1998 et le prix d'histoire du Conseil général du Rhône en 2000. Il est également co-auteur du Dictionnaire historique de Lyon.
Lire aussi : 2001-2020, ce qu’il faut retenir des trois mandats de Gérard Collomb
La retranscription intégrale de l'entretien avec Bruno Benoît, historien de Lyon
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous recevons aujourd'hui Bruno Benoît, historien à Lyon. Bonjour.
Bonjour.
Merci d'avoir accepté notre invitation. Gérard Collomb est décédé samedi 25 novembre 2023, il avait 76 ans. L'ancien maire de Lyon avait régné sur la ville pendant près de 19 ans, de 2001 à 2020, pendant trois mandats, entrecoupé d'un passage à Paris par l'intérieur. Alors Gérard Collomb était viscéralement attaché à la ville de Lyon. Il avait tissé des liens très forts avec les Lyonnais. Est-ce qu'on peut parler d'amour pour Lyon de la part de Gérard Collomb ?
Oui, mais je crois qu'il avait repris cette phrase de Herriot puisqu'il était un peu dans les chaussures et dans les pas d'Herriot, "j'ai aimé Lyon comme une femme". Gérard Collomb a vraiment découvert cette ville et il en a fait la sienne. Et je crois qu'un amour pour cette ville lui a pesé quand il a fallu la récupérer. Il avait vraiment un attachement, je ne dirais pas amoureux, mais un attachement personnel avec cette ville qu'il avait conquise et qu'il avait comprise.
"Gérard Collomb est devenu maire à l'orée du XXIe siècle mais c'était un homme du XXe. Il restera de lui un maire bâtisseur."
Bruno Benoît, vous avez inventé le concept de 'lyonnitude' - si je ne me trompe pas, c'est l'ensemble des éléments qui fait que l'on se sent lyonnais. Qu'avait compris Gérard Collomb de l'âme de Lyon ?
Il avait compris que Lyon est une ville qui a un passé brillant et un traumatisme. Le traumatisme, c'est la Révolution. Et que depuis la Révolution, si on veut bien gouverner cette ville il faut l'apaiser. Et pour l'apaiser, il faut faire la synthèse des trois pouvoirs. Les trois pouvoirs sont l'Hôtel de Ville la chambre de commerce et Fourvière. Et Gérard Collomb a réussi cette synthèse.
Les hommages pleuvent à la suite du décès de Gérard Collomb, notamment beaucoup de ministres en exercice - il a été ministre de l'Intérieur pendant un an. Avec la fin de Gérard Collomb, c'est la fin d'une époque, c'est une partie de l'histoire contemporaine de Lyon qui prend fin. Mais qu'est-ce que l'histoire retiendra de Gérard Collomb ?
Je crois qu'il est devenu maire à l'orée du XXIe siècle mais c'était un homme du c'était encore un homme du XXe. Et il restera de lui un maire bâtisseur.
"Gérard Collomb était un homme d'une idéologie du 20e, socialiste, encarté mais plutôt un homme de la centralité."
Oui dont il se revendiquait mais effectivement c'est un maire bâtisseur.
Derrière moi, il y a une superbe photo qui montre ce qu'il a fait...
La Confluence.
Il a quand même élargi Lyon vers le Sud derrière les fameuses voûtes de Perrache. Il a transformé cette ville. Son rêve, je crois, que c'était de faire de Lyon une nouvelle Barcelone, une sorte de Barcelone.
Oui dont il prenait souvent exemple d'ailleurs en Barcelone.
Oui, une ville de la Movida. Mais je lui ai toujours dit Lyon ça ne peut pas être Barcelone. On n'a pas le même climat, on n'a pas la même identité.
Mais en tout cas, il en a fait une métropole européenne qui compte.
Effectivement.
Vous parliez de confluence et de ces réalisations majeures. Vous évoquiez Edouard Herriot. Finalement si on regarde un peu l'histoire, Édouard Herriot, Pradel et Collomb en termes de longévité politique... Il se revendiquait un peu d'Edouard Herriot même si sa référence était Jean Jaurès. Est-ce qu'on peut dire, comme Édouard Herriot, que Gérard Collomb a écrit un des plus grands chapitres de l'histoire urbaine de Lyon ?
Il faut dire qu'Herriot a beaucoup transformé la ville jusque dans les années 30. Et puis après, ça s'est arrêté jusqu'à sa mort en 57, à part le tunnel de la Croix-Rousse. Les maires qui lui ont succédé, je dirais que Louis Pradel a transformé cette ville mais aujourd'hui c'est une remise en cause de cette transformation par exemple le centre d'échange de Perrache, tout ça c'est parce qu'il y a de mieux à Lyon. Et puis après, les autres maires n'ont pas eu le temps vraiment de transformer la ville. Ils ne sont pas restés assez longtemps, ou ils n'avaient pas la volonté de transformer. Mais Gérard Collomb a redonné une dimension de modernité à cette ville et je crois qu'il restera dans cette ville. J'espère que la ville de Lyon lui donnera une rue une place pour incarner quand même un maire qui a marqué cette ville. La question elle doit se poser.
"Gérard Collomb avait un électorat plutôt populaire et moyenne bourgeoisie."
En septembre 2021 lors du dernier entretien qu'il accordait à Lyon Capitale, Gérard Collomb avait dit qu'il s'était un peu mis en danger politiquement en je cite "gentrifiant" Lyon. Est-ce qu'il n'a pas un peu désembourgeoisé la ville de Lyon la rendant un peu plus "bobo" ?
Ça, c'est une question de sociologie urbaine. Il est vrai que Gérard Collomb avait un électorat plutôt populaire et moyenne bourgeoisie. Quant à la grande bourgeoisie lyonnaise, tant que Gérard Collomb faisait le job, ça allait. Mais à partir du moment où Gérard Collomb a commencé à avoir peut-être d'autres ambitions pour cette ville il a dérangé il a un peu dérangé. Et c'est vrai qu'il a pu avoir lui-même l'impression qu'il était un peu décalé par rapport à ces électorats. Et je crois surtout qu'étant un homme du 20e siècle il n'a pas vu arriver les nouvelles préoccupations sociétales que les médias bombardent en permanence sur le climat sur l'environnement. Et il était en cela un homme d'une idéologie du 20e, socialiste, encarté mais plutôt un homme de la centralité.
Un homme de centralité comme beaucoup d'hommes politiques d'ailleurs qui sont passés à Lyon très rapidement en deux mots. Est-ce que le cercueil de Gérard Collomb va être installé présenté aux lyonnais pour un dernier hommage ? Est-ce que c'est déjà arrivé dans l'histoire de Lyon ?
Oui, Herriot. Quand il est mort en 1957, j'étais gamin, mes parents m'ont emmené voir. Et puis après, il y a eu ce fameux défilé de l'Hôtel de Ville pour aller jusqu'au cimetière de Loyasse.
Donc sera le deuxième maire de l'histoire contemporaine qui aura son cercueil présenté au public.
Peut-être, mais il est à Saint-Jean, et donc on peut penser qu'il y aura le ban et l'arrière ban. Ce sera le mot de la fin. Merci. Au revoir.
Quelle est la définition de "modernité" ?
"A la mode" ?
Est-ce un vrai progrès que d'avoir continué à promouvoir la voiture, en ne cherchant pas à arrêter son usage, mais en la planquant dans des parkings (Collomb grand bâtisseur de parking sous-terrains) ?
Est-un vrai progrès de construire des tours sur Lyon, dont la dernière en date est toute noire, couleur qui concentre la chaleur, et sachant que ces tours concentrent les activités, augmentant les problèmes de flux humains, les problèmes de répartitions de richesses entre ville et campagne, etc ?
Et il y a tant à dire sur sa façon de gérer la démocratie quand il s'arrangeait pour que les journalistes ne puissent pas faire leur travail librement (Et LyonCap était concerné par une interdiction de présence à un moment).
C'était "moderne" ?
G.Collomb, à porté Lyon et métropole vers le futur, a bien sentie la fracture qui se dessinait après avoir soutenue REM, Jamais il ne lui est venue à l'idée d'appliquer les thèses de ceux qui aujourd'hui rende la ville impraticable, Il était Lyonnais de cœur , loin de la religion khmer-verte.