Ce matin sur la place Bellecour, une centaine de Gilets jaunes s'est réunie avant de prendre la direction de la rue de la République pour continuer à affirmer "un ras-le-bol général de la politique du gouvernement". De multiples revendications qui semblent converger en faveur de la démission du président de la République.
Marcel est à la retraite. Il était déjà sous la statue du roi Soleil la semaine dernière et la veille à la gare Part-Dieu. Cet après-midi, il emmènera sa fille. "Avec la dévalorisation des retraites, j'ai 720 euros de moins pour vivre par an. Quand on travaillait, on payait pour les vieux, maintenant que je suis à la retraite, je paye pour les jeunes ! À Paris, ça commence à bouger, ce dont j'ai peur, c'est qu'il y ait de la casse. Dans ces manifs, il y a toujours des casseurs, et c'est ce qu'il y a à craindre", prévient-il. Un peu plus loin, deux hommes et une femme revêtus de gilets jaunes se révoltent. "Ce matin, les fumées de Feyzin, ça sentait mauvais !" dit la dernière. "Vous saviez qu'en plus, il n'y aucune taxe sur le kérosène des avions ?! "rétorque son interlocuteur.
Un café chaud à la main, Christine raconte avoir travaillé dix ans dans le nettoyage avant d'être aujourd'hui en invalidité. "Je n'ai même pas de voiture, mais je soutiens le mouvement", explique-t-elle. "Ce n'est pas normal que sous Macron, tout augmente et qu'il y a de plus en plus d'enfants dans la rue. La vie est trop chère, les gens n'y arrivent pas", souffle-t-elle. "Moi je m'en sors bien", affirme d'emblée un autre gilet jaune. "Mais samedi dernier j'étais là de 8h30 à 20h et je vais faire la même chose. On va faire comprendre à ceux qui n'ont pas de gilets jaunes qu'il faut en porter un. Ici, je défends les personnes âgées. Une de mes voisines touche 900 euros par mois après avoir travaillé 45 ans dans une petite boutique alimentaire. Et quand j'explique qu'elle ne s'en sort pas à la mairie du 3e, on me répond qu'il y a pire ailleurs, que les migrants passent avant".
"Du mauvais côté de la fracture sociale "
"On n'est ni raciste, ni homophobe, ni xénophobe. On a des opinions politiques et des religions différentes, mais on est tous du mauvais côté de la fracture sociale", défend Lionnel. Moi je suis là pour mon prochain, connu ou inconnu. J'en ai marre de voir des papys et des mamies qui ramassent à la piotte à la fin du marché. À la piotte ? Vous connaissez ? C'est du parler lyonnais qui signifie ramasser les restes !" À ses côtés, un de ses collègues renchérit à la lyonnaise. "Les politiques ont oublié Gnafron, c'était le plus grand philosophe", lance-t-il en souriant en référence à l’acolyte de Guignol. Et Lionnel de poursuivre sur le député LREM de Villeurbanne. "Bruno Bonnell a voté la loi pour le glyphosate et il vient nous dire qu'il faut arrêter le gazole parce que ça tue nos enfants. Et le glyphosate, ça tue qui ? "
À quelques pas, les plus jeunes discutent entre eux. Ils sont aussi là pour soutenir les personnes aux fins de mois difficiles. Niveau précarité, ils en savent quelque chose. "On se bat pour que dans 10 ans, on puisse continuer à vivre et non pas à survivre. Le projet ultralibéral de Macron est en train de couler la France. De ce mouvement, nous n'en attendons pas plus que ce qu'il est en train de se passer, car c'est un modèle économique que l'on conteste", développe Salvatore, 26 ans, drapeau bleu blanc rouge à la main. "Macron est élu démocratiquement, il ne va pas tombé parce que des Gilets jaunes sont dans la rue, mais que la France se lève et se mobilise sans parti politique et sans syndicat, c'est déjà une très bonne chose".
"Les sales cons, les sans-dents et les Gaulois qui n'ont pas le droit de se plaindre sont là"
Avelino, lui, est venu avec ses deux taxes d'habitation. L'une de 251 euros en 2017, l'autre de 280 euros cette année avec comme mention que grâce à la réforme, celle-ci a été réduite de 30 % et ne s'élèvera pas à 400 euros. "Je suis peut être idiot ou je ne sais pas lire, mais je ne vois pas mon pouvoir d'achat changer comme promis", ironise-t-il avant de sortir son téléphone pour montrer des photos prises le matin même des toiles de tente installées près du cours Verdun ainsi que le portrait d'un jeune SDF. "Le voilà le Nouveau Monde de Macron", martèle cet électricien retraité.
Brigitte quant à elle, s'est levée dans la nuit pour coucher sur papier ses nombreuses revendications. Dans une "ode au roi Soleil", elle voudrait l'augmentation de 150 euros des petits salaires et que les forces de l'ordre soient mieux payées. "Ils nous ont protégé samedi dernier", tient elle à signaler. Elle rappelle aussi l'origine du mouvement, l'annulation de la taxe carbone, et y ajoute par exemple "la fin des privilèges des anciens présidents". "Aujourd'hui, les sales cons, les sans-dents et les Gaulois qui n'ont pas le droit de se plaindre sont là", lit-elle à voix haute, fustigeant "trente ans de politique mortifère".
En milieu de matinée, la police a proposé aux Gilets jaunes de se diriger vers la place des Terreaux en passant par les quais. Environ la moitié des Gilets jaunes présents penchaient pour cette option. L'autre proposition, majoritairement soutenue par les plus jeunes, consistait plutôt à passer par la rue de la République, ouvrant potentiellement la voie au "jeu du chat et de la souris avec la police". Un trajet néanmoins en discussion avec les forces de l'ordre.