La démocratie locale a encore de belles années devant elle. Du moins si l'on en juge par la mobilisation hier soir à Décines. La commune accueillait la première réunion publique d'une série de quatre, dans le cadre de la troisième enquête publique ouverte sur le projet de Grand Stade. La procédure précédente avait été annulée par la cour administrative d'appel. 450 personnes ont fait le déplacement.
Les Décinois, habitants de Chassieu, de Meyzieu ou de Lyon ne se sont donc pas lassés de débattre de l'avenir du site du Grand Montout. L'enquête publique porte précisément sur l'intérêt de réviser le plan local d'urbanisme (PLU) à Décines. C'est ce site de 150 hectares qui doit théoriquement accueillir le projet d'OL Land, le futur stade de l'Olympique lyonnais de 60 000 places en remplacement de Gerland, d'ici à trois ans.
Le maire de Décines, Pierre Crédoz, tout acquis à la cause du projet a pris la parole le premier hier soir sur la scène du Toboggan, centre culturel décinois. Comme si tout était joué d'avance. "Le pôle santé et le Grand stade vont changer Décines", a-t-il affirmé. Le speaker sur scène avait pourtant précisé au préalable que chacun devait respecter les arguments des autres. Mais l'équipe de Gérard Collomb n'a guère usé hier soir du conditionnel pour évoquer le projet, malgré la décision récente de la cour administrative d'appel d'annuler la délibération du Grand Lyon qui permettait au projet de voir le jour.
"Une chance historique pour Décines"
Mieux, le maire de Décines a expliqué que sa commune jouait carrément son avenir avec l'OL Land. "Décines vit aujourd'hui une période comparable à celle du XIXème siècle, au moment où l'industrie de la soie s'installait (...) Que sont devenues les communes qui ont refusé le chemin de fer ?" a-t-il interrogé. Les premiers rires (jaunes) et les premiers sifflets fusent alors dans la salle, occupée par une majorité d'opposants.
A suivi le couplet de Pierre Crédoz sur les emplois créés grâce au projet : 800 permanents, 1500 les soirs de matches et 1500 le temps des travaux de construction du stade, a précisé Patrick Illiou, directeur général de l'OL présent également hier soir. Des rires ont fusé plus fort, certains détracteurs étant plus agressifs que d'autres, plus âgés aussi. En toute fin de débat, une jeune fille de 23 ans a même cru bon de se lever, largement minoritaire, pour remercier les élus et l'OL de faire bouger sa ville, immobile depuis 23 ans a-t-elle tenu à préciser devant ses aînés stoïques.
"Les gens qui hurlent n'affrontent que le vide de leur propre pensée"
Plus polémique, Gérard Collomb, s'est lancé en second sur la scène du Toboggan. "Mesdames, messieurs, mes chers amis, tout du moins je l'espère", a-t-il commencé tout sourire, détendant un peu l'atmosphère. "Notre agglomération va gagner 300 000 habitants d'ici 2030, qu'on le veuille ou non cette réalité va exister", a-t-il immédiatement martelé. "Tout le problème est de savoir si l'on organise ce développement ou si on laisse faire. Dans ce cas, nous aurons un étalement urbain incontrôlé et cela, nous ne le souhaitons pas".
L'avenir se jouant à l'Est, selon le maire et président du Grand-Lyon, - "et pourquoi pas à l'Ouest ?" interrogeait une petite voix dans la salle - "nous allons développer l'agglomération entre la Part-Dieu et l'aéroport Saint-Exupéry". Secondé par les démonstrations du président socialiste du Sytral*, le très contesté Bernard Rivalta ; le maire de Lyon a cité les projets de rénovation des Minguettes, de réhabilitation économique de Vaulx-en-Velin, la qualité environnementale de la Porte-des-Alpes, le carré de Soie tout proche et bien sûr les Berges du Rhône, son grand succès. Ce n'est qu'à la fin, plus intelligemment que Pierre Crédoz, qu'il a évoqué le Grand-Stade comme projet structurant pour l'Est lyonnais. Une démonstration sur le mode : "faites moi confiance, vous avez aimé ce que j'ai fait avant, vous allez aimer ce que je vais faire après".
Foire d'empoigne et bons mots
"Aucun rapport", s'empressent de répondre les opposants au projet. Passablement énervé par les sifflets, le maire de Lyon ne se fait pas prier pour remettre à leur place les contestataires, certains frôlant parfois l'hystérie dans la salle. "Les gens qui hurlent après les autres n'affrontent que le vide de leur propre pensée, a répondu le maire de Lyon, c'est parce qu'ils n'ont pas les bons arguments". Franck Buronfosse, le président de la principale association d'opposants, Carton rouge, a reproché au maire, debout dans la salle, de l'avoir prévenu seulement la veille de la tenue de la réunion publique. "Je n'ai pas eu le temps de préparer", a-t-il dit. Il s'est aussitôt contredit, "cela fait trois ans qu'on est sur ce dossier", preuve qu'il le maîtrisait. Il voulait certainement faire valoir sa légitimité, mais personne ne l'avait remise en question, si ce n'est le président d'une association favorable à l'OL Land, qui a reproché à Franck Buronfosse de vouloir vendre sa maison à bon prix et donc de vouloir faire échouer le projet.
Une foire d'empoigne a alors commencé, micro en main et doigt levé. Le supporter du projet semblait vouloir en venir aux mains. Mais la démocratie a finalement triomphé. Tout le monde s'est contenté d'user du verbe plutôt que du poing pour débattre de l'avenir du Grand Montout.
Prochaine étape le 18 février à Chassieu pour une nouvelle réunion publique. Nouveauté dans cette énième enquête publique, en mars, une série de réunions portera exclusivement sur la question des accès au stade, financés par les collectivités locales, 180 millions d'euros pour le seul mandat en cours. Quant à l'enquêteur public, il rendra bientôt ses conclusions sur la deuxième enquête publique, annulée récemment par la cour administrative d'appel. Le rapport sera consultable en mairie et sur le site internet du Grand-Lyon. Une aberration de plus ? Non, il faut croire que la démocratie se mérite dans le Grand-Lyon.
* Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise.
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