Lyon Capitale révèle des chiffres inédits sur la transplantation hépatique à Lyon, dans une enquête parue dans le mensuel du mois de mars. Ces chiffres démontrent que l’activité des greffes de foie est trop faible à Lyon, au détriment des patients. La gouvernance des HCL a tenu à démentir, ce mardi.
La gouvernance des HCL réagit ce mardi, par communiqué, à l’enquête parue dans Lyon Capitale vendredi*, “Le scandale des greffes aux Hospices civils de Lyon”. Nous y dévoilons des chiffres inédits, qui démontrent avec acuité un dysfonctionnement dans l’organisation de la transplantation hépatique à Lyon.
Extrait : “En 2017, 384 greffons de foie ont été refusés par l’hôpital de la Croix-Rousse, alors qu’il y avait 209 patients sur liste d’attente et qu’au final seulement 79 ont pu bénéficier d’une greffe. 149 de ces greffons étaient pourtant tout à fait fonctionnels, puisqu’ils ont été greffés par d’autres équipes, dans divers hôpitaux de France. Cette même année, 9 patients sur liste d’attente sont décédés faute de greffe, et 9 autres ont été retirés de la liste, leur état ne permettant plus d’envisager une opération.” L’Agence de la biomédecine (ABM), contactée dans le cadre de cette enquête par Lyon Capitale, affirmait qu’elle “ne répertorie pas le nombre de greffons refusés par les équipes”, un chiffre que nous avons finalement pu obtenir. L’ABM a pourtant répondu, selon le communiqué des HCL, que le “nombre de greffons acceptés pour greffer les patients en attente aux HCL ne diffère pas de la moyenne nationale”. Si tel était le cas, cela confirmerait le déclassement du 2e CHU de France, censé être un moteur pour les autres régions, donc obtenir des résultats supérieurs à la moyenne.
"L'activité n'a fait que diminuer, puis stagner"
Le professeur Dumortier, hépatologue à l’hôpital Édouard-Herriot, affirme d’ailleurs dans notre enquête que l’“on est la deuxième région de France où il y a le plus de décès de maladies du foie”. “Au début des années 2000, dit-il, Lyon faisait partie des trois meilleurs centres français de greffe hépatique. Aujourd’hui, on est 7e [chiffres 2017, NdlR]. L’activité n’a fait que diminuer, puis stagner alors qu’elle a augmenté dans quasiment tous les centres de France.” Les chiffres révélés par Lyon Capitale – non démentis dans le communiqué des HCL – démontrent un niveau d’activité anormalement faible de la greffe à Lyon, avec des conséquences en termes de mortalité de patients en attente d’une intervention.
“Depuis 2011, expliquons-nous dans cette enquête, le taux de greffes réalisées par rapport au nombre de patients sur liste d’attente oscille entre 34,8 % et 39,1 %, quand il fluctue au niveau national entre 41,8 % et 47,2 %” – nos calculs sont basés sur des chiffres de l’Agence de la biomédecine, recueillis par Lyon Capitale. Le professeur Olivier Boillot, chirurgien à l’hôpital Édouard-Herriot et pilier de la transplantation à Lyon, explique en effet dans nos colonnes que “ces chiffres prouvent qu’ils auraient pu sauver plus de personnes, donc sauver plus de vies”. Si le nombre de décès par rapport au nombre de patients sur liste d’attente s’est stabilisé à la moyenne nationale en 2016, les chiffres antérieurs sont alarmants : “En 2014, 31 patients sur liste d’attente sont décédés ou ont été retirés de la liste en raison de la dégradation de leur état. En 2015, ils étaient 32”, selon des chiffres de l’Agence de la biomédecine. Soit 14,9 % des inscrits sur la liste d’attente, quand la moyenne nationale était de 10 %, d’après nos calculs.
Une interprétation qui dérange
Une spécialiste du sujet qui souhaite rester anonyme a confié à Lyon Capitale que “l’équipe de la Croix-Rousse ne veut pas prendre de risques, mais il arrive que des malades décèdent avant d’avoir pu recevoir une greffe”. À ces propos, la direction des HCL veut dans son communiqué “réaffirmer la confiance qu’elle place auprès des équipes de la Croix-Rousse et rassurer les patients quant à la qualité et la sécurité des prises en charge qu’elles assurent depuis plusieurs années” et déclare que les travaux de réorganisation de la greffe “n’ont jamais été motivés par des problématiques d’insécurité mais par la nécessité d’apporter une prise en charge plus fluide et plus cohérente pour les patients d’une part et pour augmenter le volume de l’activité via un regroupement des équipes d’autre part”. En ce sens, nous relatons dans notre enquête la volonté des HCL de regrouper les activités de transplantation à l’hôpital Édouard-Herriot, pour faire de Lyon un pôle d’excellence en matière de greffes.
Mais des membres d’associations de transplantés hépatiques s’interrogent sur ce regroupement et craignent qu’il ne soit pas mis en œuvre, au vu des différends entre médecins qui gangrènent le monde de la transplantation hépatique à Lyon. Des conflits que la direction des HCL ne parvient pas à résorber, alors qu’ils sont anciens et avaient d’ailleurs déjà fait l’objet d’une enquête il y a plus d’un an dans le magazine Mag2Lyon (janvier 2017). Les HCL le reconnaissent, puisque dans leur communiqué ils appellent une nouvelle fois les intéressés à éviter “les propos qui ne font qu’alimenter des polémiques du passé”. Sans pour l’instant convaincre les associations de greffés, qui désespèrent de voir la réforme annoncée prendre forme : “On était ravis d’apprendre que les HCL allaient enfin suivre les recommandations de l’Igas [l’Inspection générale des affaires sociales, NdlR] et régler le problème de la greffe une bonne fois pour toutes. Mais la direction reste encore floue. Quels services vont remplacer ceux de la Croix-Rousse ? Comment les acteurs vont pouvoir travailler ensemble après tant d’années de conflits et d’échecs ?” Ces questions d’un membre de l’association de transplantés hépatiques TransHépate restent sans réponse.
* L’intégralité de notre enquête sur les greffes de foie aux Hospices Civils de Lyon est à lire dans le mensuel Lyon Capitale de mars (n°775), en vente en kiosques et dans notre boutique en ligne.