Pour la première fois depuis la prise de poste des écologistes en juin 2020, les syndicats ont rompu le dialogue. En cause : une note de service encadrant plus strictement le droit de grève dans les crèches et les écoles depuis septembre 2021. Une nouvelle journée de grève est organisée jeudi 30 septembre.
"Pas de dialogue social avec les casseurs de grève !" Le qualificatif n'est pas tendre. Qui plus est pour désigner une majorité écologiste et de gauche. Depuis le 6 septembre, l'intersyndicale des agents la Ville de Lyon affiche sa colère. Elle ne veut plus reprendre les négociations et le travail avec son employeur, la mairie. Dans une réunion lundi 28 septembre, chaque partie a campé sur ses positions.
Dans leurs locaux, à deux pas de l'hôtel de ville, les syndicalistes se sont retrouvés après cette réunion et sont très remontés. Ils dénoncent une note de service de la mairie du 23 août, qui modifie les conditions des grèves dans les écoles et les crèches. Jeudi 30 septembre, ils appellent à une nouvelle journée de mobilisation. La précédente avait réuni 200 agents.
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Seconde raison de leur colère : l'application de la loi du 6 août 2019 , qui allonge le temps de travail des employés de la fonction territoriale, de 1582 heures à 1607 heures. La Ville annonce déjà qu'environ 5000 agents pourront en être exemptés grâce à la reconnaissance de la pénibilité de leur métier, qu'elle affirme vouloir définir avec les syndicats. Mais hors de question de reprendre le travail pour l'intersyndicale, tant que l'encadrement du droit de grève ne sera pas retiré.
La note de la discorde
Que peut bien contenir cette note qui crée une telle colère chez les syndicats ? Un encadrement plus strict du droit de grève des agents des écoles et crèches, pour éviter les grèves perlées dans les cantines. Depuis début septembre, les agents des crèches et des écoles de Lyon doivent indiquer 48 heures à l'avance leur intention de faire grève. S'absenter seulement une ou quelques heures par jour ne sera plus possible. L'agent devra faire grève toute la journée et donc perdre une journée entière de salaire. "On a lancé cette note dans notre dos, sans concertation, seulement des discussions informelles", s'insurgent les syndicats, qui dénoncent une atteinte au droit de grève, qui plus est dans une filière qui emploie majoritairement des femmes.
Depuis début septembre, les agents des crèches et des écoles de Lyon doivent indiquer 48 heures à l'avance leur intention de faire grève. S'absenter seulement une ou quelques heures par jour ne sera plus possible. L'agent devra faire grève toute la journée et donc perdre une journée entière de salaire.
Car derrière les grèves des agents, se trouve la question de conditions de travail difficiles et du manque de personnel dans les écoles et les crèches. Pour Laurent Bosetti, adjoint à la promotion des services publics, la Ville a été transparente avec les syndicats et ses employés. "On a commencé en mai et juin à présenter aux syndicats notre travail sur les conditions de travail des agents et à les informer qu'on essayait de trouver un équilibre entre les droits des usagers et les droits des salariés", développe-t-il. Un "équilibre" que la mairie a décidé de trouver dans la note du 23 août.
Si les syndicats étaient au courant, peut-être ont-ils été surpris de voir cette note être mise si vite en place, dès la rentrée. Selon Laurent Bosetti, une réunion a eu lieu le 13 juillet entre le maire Grégory Doucet, lui-même et les syndicats, où ceux-ci ont été informés que cet encadrement arriverait "dans les mois à venir". Puis, le 23 août, soit le même jour que la publication de la note de service, ils ont été informés de son application.
Les grèves perlées : hantise de la mairie, levier efficace pour les syndicats
La mairie écolo voudrait-elle faire plaisir à l'électorat de parents ? Pour Laurent Bosetti, il est question d'assurer "la continuité du service public" tout en préservant le droit de grève. L'objectif : éviter les grèves perlées, seulement sur le temps de midi, qui créent des bouleversements, parfois importants, pour les enfants et les parents. "On a voulu garantir notre attachement au droit de grève, mais on limite le recours à une grève perlée reproductible parfois jusqu'à un ou deux mois sur certains groupes scolaires. Ça organise la grève autrement, sur des journées d'actions fortes. Les employés peuvent toujours exprimer un désaccord avec l'employeur", pondère Laurent Bosetti. Il donne pour exemple la journée de mobilisation du 2 septembre qui, pour lui, "n'a pas du tout été invisibilisée".
Une disposition inadmissible pour les syndicats. "Retenir le salaire sur toute la journée, c'est casser la grève. Ces agents ne gagnent pas beaucoup et ont des conditions de travail difficile, faire grève ça leur coûte. Ils étaient présents auprès des enfants pendant la crise sanitaire et maintenant on les sanctionne", s'insurge l'intersyndicale. S'il faut perdre plusieurs jours de salaire, au lieu de quelques heures, difficile de poursuivre une grève. Et le rapport de force avec l'employeur n'est aussi pas le même, que l'on fasse grève une journée, ou plusieurs à la suite.
"Retenir le salaire sur toute la journée, c'est casser la grève. Ces agents ne gagnent pas beaucoup et ont des conditions de travail difficile, faire grève ça leur coûte. Ils étaient présents auprès des enfants pendant la crise sanitaire et maintenant on les sanctionne", s'insurge l'intersyndicale des agents de la Ville de Lyon.
Le sujet crispe au sein de la gauche. Car encadrer plus strictement le droit de grève, ce n'est pas si facile à assumer pour une majorité écologiste. D'autant plus que Laurent Bosetti vient de la France Insoumise. Début septembre, la majorité a été très critiquée par la France Insoumise et le Parti de Gauche, dans un communiqué commun. "En choisissant d'appliquer cette note sans l’accord du corps social, comme ces derniers nous le précisent, la majorité Lyonnaise se positionne en fossoyeur de conquêtes sociales historiques", cingle les deux partis. Malgré les bonnes intentions affichées, difficile de faire oublier que la mairie de gauche enlève à des syndicats un moyen de peser dans la balance face à un "patron", quand bien même soit-il une institution publique.
Un dialogue rompu alors qu'une échéance se rapproche
Le temps presse à la Ville de Lyon. La loi d'août prévoit l'allongement du temps de travail dès janvier 2022. Un conseil municipal de décembre doit voter et acter cette modification. "On est opposés à l'esprit de cette loi qui stigmatise les fonctionnaires. Mais on est contraints de l'appliquer. On propose aux syndicats de travailler en amont pour trouver les moyens les plus intelligents pour neutraliser les effets négatifs de la loi", détaille Laurent Bosetti.
L'élu explique vouloir établir des critères de pénibilité le plus largement possible, pour éviter l'allongement du temps de travail, comme le permet la loi. Un travail qu'il affirme vouloir faire avec les représentants du personnel en octobre. Il donne déjà quelques pistes sur les critères de pénibilité : presque tous les agents de catégorie C, travail de nuit, téléconseillers de Lyon direct...
"On est opposés à l'esprit de cette loi qui stigmatise les fonctionnaires. Mais on est contraints de l'appliquer. On propose aux syndicats de travailler en amont pour trouver les moyens les plus intelligents pour neutraliser les effets négatifs de la loi", explique Laurent Bosetti, adjoint au maire à la promotion des services publics.
Là encore, l'intersyndicale dénonce un manque de transparence. "On apprend les choses par la presse", maugrée l'intersyndicale, faisant référence aux annonces du maire de Lyon pour ses agents datant du 20 septembre. Elles prévoient notamment 6,6 millions d'euros pour la revalorisation des salaires et 5000 agents dont le temps de travail ne sera pas augmenté, grâce à la reconnaissance de la pénibilité. "On a aucune idée de ce que la mairie pris en compte et on ne sait pas quels métiers sont concernés", s'inquiètent les syndicalistes. Des critères que la mairie veut définir plus précisément avec les syndicats... le serpent se mord la queue.
Des annonces qui n'ont pas calmé les syndicats
Lundi 27 septembre, les agents des crèches et des écoles ont eu une surprise dans leur boîte mail. La ville de Lyon leur a listé une série de mesures pour améliorer leurs conditions de travail. Des mesures dont les syndicats affirment ne pas avoir eu connaissance avant ce courriel. Sont mentionnés notamment : la création de 15 postes de remplaçants en CDI, presque 2 millions d'euros pour l'achat de matériel ergonomique, l'expérimentation d'un réseau d'assistants de prévention sur les conditions de travail...
"Nous avons mis sur la table des mesures très concrètes qui font écho à des revendications syndicales qui sont portées depuis des années pour ces agents", tient à rappeler Laurent Bosetti. Il mentionne également le "Pacte Social", qui donne les orientations de la Ville sur cinq ans pour ses employés. Une avancée majeure pour les agents selon l'élu.
Les syndicats ne sont pas opposés aux mesures qui ont été avancées, mais maintiennent leur position : pas de discussions tant que la note n'est pas retirée. Quitte à encadrer à nouveau le droit de grève une fois la situation améliorée. "La ville voudrait que l'on signe un chèque en blanc sur le droit de grève. Nous on leur dit "venez, on travaille sur les conditions de travail , on en fait une étude sur un an", puis nous pourrons faire des concessions sur le droit de grève. Il suffit d'avancer ensemble, on a des idées, des solutions...", nuance l'intersyndicale. Pour l'instant inflexible, la majorité écologiste continue de se heurter à la pratique du pouvoir.