“C’est une des plus grosses maternités au monde.” Et pourtant on n’en aurait jamais vu d’image si la dessinatrice lyonnaise Aurélie Neyret ne s’y était pas installée avec ses crayons, à l’invitation de MSF. Car, dans ce lieu qui accueille des femmes, la photo est interdite. “Hila” est publié ici en avant-première, avant la parution aux éditions Delcourt en 2020.
Avec 2 000 naissances par mois, trois bébés par heure, la maternité de Khost, où Médecins sans Frontières a accueilli Aurélie Neyret en reportage, est “la plus grosse gérée par MSF et l’une des plus grosses au monde”, explique Joffrey Monnier, le responsable communication qui a piloté le projet à MSF. “Dans la région, nous avons fait naître 40 % des enfants afghans”, ajoute-t-il, particulièrement heureux de la BD réalisée par la dessinatrice lyonnaise dans le cadre de son engagement dans l’association d’auteurs The Ink Link. “C’était un projet un peu expérimental, elle devait faire huit planches, on ne savait pas trop comment cela se passerait pour elle là-bas… Finalement, elle est revenue avec vingt-huit planches. L’accueil sur place a été enthousiaste, on l’a déjà traduite en plusieurs langues, diffusée en arabe au Liban, en portugais au Brésil…”
Ce n’est pas la première fois que l’ONG essaie de présenter son action dans cette maternité, mais elle s’était heurtée jusqu’à présent à la difficulté d’en rendre compte par l’image. “C’est un endroit hors du temps, où les femmes peuvent enlever la burqa, discuter entre elles… Du coup, on n’y accède pas facilement. Aurélie a pu raconter une intimité à laquelle on n’aurait jamais eu accès, tout en préservant l’anonymat de ces femmes.” Une dimension incontournable en Afghanistan, puisqu’il ne s’agissait pas “de mettre en danger la mission pour une BD”.
Si l’auteure a eu toute liberté pour raconter son histoire, elle a accepté de modifier quelques dessins pour couvrir par exemple un peu plus les jambes d’une femme en train d’accoucher. “On n’est pas en Afghanistan pour faire du lobbying pour le droit des femmes, on reste avant tout une organisation médicale. Il y a une forme d’émancipation intéressante, que raconte bien Aurélie dans sa BD ; c’est un effet secondaire intéressant, mais l’objectif premier reste de sauver des vies, réduire les taux de mortalité maternelle et infantile qui sont particulièrement élevés dans un pays qui reste parmi les plus dangereux au monde pour accoucher.” Joffrey Monnier tenait en revanche à ce que l’Afghanistan soit présenté “avec toutes ses couleurs, comme le voient nos expat’ sur place. Il n’y a pas que les burqas ! On se sert d’ailleurs de la BD aussi pour recruter des gynécologues ou des pédiatres et leur montrer que ce n’est pas la représentation terne que l’on en fait souvent”. Mission largement réussie par Aurélie Neyret, dont on connaissait déjà les couleurs éclatantes. Elle a d’ailleurs convaincu Delcourt d’éditer son BD-reportage en album en 2020. Lyon Capitale vous propose de le découvrir ici en avant-première.
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