Michèle Vianès est cofondatrice et présidente de l’ONG lyonnaise Regards de Femmes. L’une des grandes batailles d’aujourd’hui concerne les réseaux transactivistes, pour qui le genre est indexé sur la volonté individuelle, "'qui agissent dans le silence avec parfois le soutien de responsables politiques".
Féministe, républicaine et laïque engagée, née en Tunisie de nationalité française, Michèle Vianès a été institutrice puis professeure des écoles, avant de devenir conseillère municipale déléguée à l’égalité hommes/femmes de Caluire. Marraine du mouvement Ni putes ni soumises, elle a été à l’origine de la première marche des femmes de quartiers dans l’agglomération lyonnaise. Pour Michèle Vianès, dont les positions tranchées ne sont pas toujours partagées par l’ensemble des associations féministes actuelles, l’une des grandes batailles d’aujourd’hui concerne les réseaux transactivistes, pour qui le genre est indexé sur la volonté individuelle, “qui agissent dans le silence avec parfois le soutien de responsables politiques”. Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ? Michèle Vianès : Oui, puisque je dis haut et fort tout ce que je pense. Faut-il forcément avoir le verbe haut pour créer une association féministe ? Il faut avoir des convictions fortes et être à l’écoute des autres. Il faut persévérer, avoir de la patience, ne pas se décourager dans les combats, qui peuvent être âpres. Michèle Vianès, présidente de l'ONG Regards de Femmes @Antoine Merlet Quelles ont été les premières grandes batailles de Regards de Femmes ? En juin 1999, deux ans après la création de l’association, nous avons organisé, à l’université Lyon 3, notre premier grand colloque international sur l’excision et l’utilisation du viol comme arme de guerre, avec la présence d’experts et d’expertes du Burkina Faso et du Congo. À l’époque, je ne vous dis pas les réactions. Les gens ouvraient grand les yeux, en se disant "mais de quoi parlent-elles ?" ou "de quoi se mêlent-elles !", arguant que c’était dans la culture du pays. Pour nous, c’est extrêmement important, il n’y a pas de relativisme culturel, les droits universels sont pour tout le monde. C’est l’une des grandes lignes de Regards de Femmes, à laquelle nous ne dérogerons jamais. Et nous ne ferons aucun compromis sur la question. La prostitution est aussi l’un de nos grands chevaux de bataille. Depuis 2000, nous faisons partie, avec les Suédoises, des premières associations à avoir mené un combat pour obtenir une loi sur la pénalisation des clients. Seize ans plus tard, en 2016, cette loi a été adoptée. Regards de Femmes, c’est agir pour l’égalité en droits, en devoirs et en dignité des femmes et des hommes. Nous nous battons chaque jour pour arriver à rendre ce credo le plus réel possible."Alice Coffin, les députées Sandrine Rousseau (EÉLV) et Clémentine Autain (LFI) font du féminisme de salon"
Qu’est-ce qu’être féministe en 2022 ? D’abord, être une femme ne signifie pas être féministe. Le féminisme n’est pas qu’une question de femmes. C’est une question de droits humains universels. À Regards de Femmes, nous avons choisi la citation de John Stuart Mill, théoricien anglais de l’égalité hommes-femmes : “Il n’est nullement question de faire gouverner la société par les femmes, mais bien de savoir si elle ne serait pas mieux gouvernée par les hommes et par les femmes.” C’est vraiment le fond de notre ONG. Et de l’autre côté, il y a ce que j’appelle les “masculinistes”, c’est-à-dire ceux qui ne supportent pas l’émancipation et l’autonomie des femmes qui s’affirment leurs égales dans la sphère publique. Naît-on féministe ou le devient-on ? On naît féministe parce que comme le disait Condorcet : "Ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de véritables droits ou tous ont les mêmes ; et celui qui vote contre le droit d’un autre, quel que soit sa religion sa couleur ou son sexe, a dès lors abjuré les siens." Et à ce moment, on n’est ni féministe ni humaniste.
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